Le coronavirus grippe l'investissement dans les start-up françaises

Le coronavirus grippe l'investissement dans les start-up françaises Les fonds d'investissement en capital-risque diminuent leurs prises de participations dans des nouvelles sociétés pour se focaliser sur le soutien aux start-up de leur portefeuille en difficulté.

Chez les fonds d'investissement, l'heure est au sauvetage, pas à la prospection. Comme le montre notre baromètre mensuel des levées de fonds, l'investissement dans les start-up est en baisse de 65% en mars, sur un an comme sur un mois. En partie parce que des start-up ont retardé leurs annonces face à l'omniprésence prise par le coronavirus dans les médias. Il devrait s'effondrer davantage en avril, premier mois pleinement impacté par la crise économique provoquée par le coronavirus. La raison : les fonds d'investissement en capital-risque (VC) passent en mode défensif. Ils diminuent leurs investissements dans de nouvelles sociétés pour se concentrer sur le soutien aux start-up déjà dans leur portefeuille. Du moins pour celles qui peuvent ou méritent d'être sauvées.

"En temps normal, nous passons entre un quart et un tiers de notre temps sur le portefeuille existant et le reste sur de nouvelles opérations. Aujourd'hui, c'est l'inverse", résume Jean de La Rochebrochard, partner chez Kima Ventures, un fonds dédié à l'investissement de la fortune de Xavier Niel dans les start-up. Face à l'effondrement de leur chiffre d'affaires, certaines start-up ont besoin de réaliser un bridge, une opération de refinancement qui leur permettra de tenir jusqu'à leur prochaine levée de fonds.

Risques accrus

L'investisseur analyse la situation des start-up du portefeuille de Kima en quartiles. "Le premier regroupe les entreprises avec de bons fondamentaux et beaucoup de cash en banque, le second des start-up avec d'aussi bons fondamentaux, mais qui arrivent en fin de financement. Le troisième inclut des boîtes avec des fondamentaux passables qu'on peut refinancer à condition d'une réduction de la voilure. Le quatrième est celui des entreprises en très mauvaise posture, et qui l'auraient été un jour ou l'autre sans le coronavirus." Il est probable que les sociétés de ce dernier quartile ne soient pas refinancées, reconnaît-il.

Les investisseurs devront faire des choix et peser les risques supplémentaires que les entreprises de leur portefeuille leur demandent de prendre, explique un investisseur chez un grand VC français qui souhaite rester anonyme. "Quand vous participez à une levée de fonds en tant qu'actionnaire historique, vous remettez au pot pour éviter de vous faire diluer et cherchez de nouveaux entrants. Mais si vous n'en trouvez pas, est-ce que vous voulez prendre le risque de soutenir l'entreprise tout seul ?".

"Les valorisations des start-up vont baisser"

Des arbitrages dont s'inquiète Bpifrance, la banque publique d'investissements, qui distribue prêts, subventions, et fonds en capital aux start-up françaises. "Les fonds seront obligés de mettre plus d'argent dans leurs pépites. Mais nous n'avons pas envie qu'ils abandonnent d'autres start-up qui ont du potentiel, sans toutefois être les plus porteuses", précise Paul-François Fournier, directeur exécutif de Bpifrance.

C'est le sens du plan de soutien aux start-up annoncé le 25 mars, et qui prévoit 80 millions d'euros de prêts sous forme d'obligations convertibles accordées par Bpifrance. La BPI injectera un euro pour chaque euro mis par des fonds privés, afin de réduire le risque pris par ces derniers pour refinancer les start-up qui ne font pas partie de l'élite de leur portefeuille. "Nous avons un intérêt collectif à préserver ces entreprises, car nous ne savons pas lesquelles d'entre elles vont décoller", ajoute Paul-François Fournier.

Au final, la situation devrait profiter aux fonds d'investissements. D'abord parce que les valorisations accordées aux sociétés lors de leurs prochaines levées vont baisser, à cause de l'incertitude ambiante et de la position de force dont jouiront les VC dans un contexte où l'offre en capital se raréfiera. "Une start-up qui cède 15 à 20% de son capital ne lèvera plus 5, mais 3 millions d'euros", illustre Jean de La Rochebrochard. Paul-François Fournier estime que la crise recèle aussi des opportunités à plus long terme. "Notre expérience de fonds de fonds (la Bpi injecte aussi de l'argent dans des fonds d'investissements, ndlr) est que les meilleurs portefeuilles se font post-crise. A la fois parce que les valorisations sont réajustées, mais aussi parce que ces crises sont de formidables accélérateurs de transformation dont profitent certaines start-up comme Doctolib ou Livestorm." Une fois la crise surmontée, il sera donc temps pour les VC de reprendre leur chasse aux licornes.