"Mes employés étaient mieux payés que moi" : le casse-tête du salaire des fondateurs de start-up

"Mes employés étaient mieux payés que moi" : le casse-tête du salaire des fondateurs de start-up Quatre entrepreneurs racontent comment ils ont fixé le montant de leur salaire. De la création de la start-up à l'arrivée de nouveaux investisseurs, ce montant varie selon plusieurs étapes bien distinctes.

Selon une étude de The Galion parue le 8 janvier 2024, le salaire annuel médian d'un fondateur de start-up française s'élève à 120 000 euros brut. Nuance importante : les fondateurs concernés par cette étude dirigent des entreprises qui ont toutes levé au moins 3 millions d'euros et qui ne représentent donc pas l'écosystème French Tech dans son ensemble. Lorsqu'une start-up débute son aventure, son dirigeant est évidemment loin de se verser 10 000 euros par mois. Pour en savoir plus sur ce sujet, le JDN a interrogé quatre fondateurs de start-up.

Sur nos quatre interlocuteurs, trois d'entre eux ne se sont pas rémunérés dans les mois qui ont suivi la création de leur entreprise. Comment ont-ils pu malgré tout subvenir à leurs besoins ? Fondateur de Prolong, Tanguy Frécon a pu compter sur le financement d'un start-up studio. De son côté, Guillaume David, qui a obtenu une rupture conventionnelle dans son précédent travail, a bénéficié du chômage au moment de lancer Madeinvote. Sans cette aide financière, il "n'aurait pas tenté le coup". Enfin, Laurent Delacourt "avait de l'argent de côté" grâce à une précédente aventure entrepreneuriale. "Un jeune de 25 ans n'aurait pas pu faire ça", concède le fondateur de Welfaire.  

"J'ai commencé avec un salaire de junior"

Au moment de se verser un premier salaire, les quatre entrepreneurs ont opté pour une stratégie similaire : choisir une rémunération raisonnable pour ne pas freiner le développement de la start-up et ses investissements. "Je m'étais demandé quel salaire me permettait de vivre bien sans prendre trop dans la trésorerie de l'entreprise", confie Grégoire Hug, fondateur de WeeFin. "Je me suis donc fixé un premier salaire annuel à 70 000 euros brut". Même raisonnement pour Laurent Delacourt (Welfaire) : "J'ai commencé avec un salaire de junior entre 40 000 et 50 000 euros. Tant que la boite n'était pas rentable, je ne me voyais pas prendre une grosse rémunération, peu importe si certains de mes employés étaient mieux payés que moi". 

Pas question non plus de s'auto-exploiter raconte Tanguy Frécon (Prolong) : "J'habite à Paris, le coût de la vie est élevé. J'ai commencé à me payer assez pour éviter une situation financière inconfortable, la charge mentale de l'entrepreneur est déjà importante… Mais on n'est pas là pour se remplir les poches sur le dos de la société. En tout cas pas à court terme". A plus long terme, les performances de l'entreprise permettent aux fondateurs de quitter leur salaire de "junior". "A chaque étape de notre croissance on fait un point entre associés pour décider si on s'augmente. Et si les résultats ne sont pas bons, on sera les premiers à baisser notre salaire".  

La première levée de fonds change la donne

Sans surprise, la rémunération des fondateurs est corrélée avec les résultats de l'entreprise. Ce lien semble encore plus vrai quand la première levée de fonds intervient. Avec l'arrivée d'investisseurs, les dirigeants ne sont plus les seuls à déterminer le montant de leur salaire. "Notre rémunération est soumise à l'approbation du board", confirme Laurent Delacourt (Welfaire). "C'est à nous de demander une augmentation. Mais les investisseurs partent du principe que les dirigeants sont un minimum responsables. On ne demande pas des hausses démesurées ".

Une nouvelle situation pas nécessairement synonyme de mauvaise nouvelle. En tout cas pour Guillaume David (Madeinvote) : "Les business angels m'ont demandé d'augmenter mon salaire, pour éviter que je me lasse". Pour Grégoire Hug (WeeFin), il est "tout à fait logique que les personnes qui investissent dans l'entreprise aient un droit de regard" sur sa rémunération. "A notre première levée, on a conclu un accord : si les objectifs commerciaux sont atteints, alors mon salaire peut augmenter. Comme ce fut le cas, il s'élève désormais à 92 000 euros (contre 70 000 euros avant l'augmentation). Ce n'est pas beaucoup plus que les salariés les mieux payés, qui gagnent 85 000 euros."

Comme tous les autres membres de l'entreprise, les fondateurs doivent donc eux aussi négocier leur augmentation quand des investisseurs sont au capital de leur start-up. Pour cela, Guillaume David (Madeinvote) a identifié une technique : "Il existe des études sur les salaires des fondateurs de start-up. On compare alors notre rémunération avec celle des dirigeants d'autres entreprises qui ont levé les mêmes sommes que nous". "Dans les faits, je suis un salarié comme un autre", résume Grégoire Hug (WeeFin). A un (gros) détail près : "En plus de mon salaire, ma rémunération provient également des parts que j'ai dans l'entreprise".