Alerte pour notre planète, quand la data prend trop de place !

Loin d'être immatérielle, la data, stockée dans le cloud, consomme de plus en plus de ressources. A l'heure de la sobriété numérique, il est temps de regarder son impact écologique.

Invisible pour le commun des mortels, et pourtant loin d’être immatérielle, la data prend tous les jours un peu plus de place et nous ne sommes pas loin de pouvoir parler d’invasion, voire de la naissance d’un nouveau pays. D’un point de vue environnemental, nous transformons aujourd’hui énormément de matière en information, or, à l’heure où la sobriété numérique est légitimement au cœur des préoccupations, il est plus que temps de se poser les bonnes questions du poids et de l’impact réels de toutes nos photos, vidéos, likes et compagnie : Qu’est-ce que l’on entend par data ? Qui produit de la data ? Quel est le véritable impact et quelles sont les solutions pour le limiter ?

© axp photography

Marwan Mazloum, cofondateur de www.quelbonplan.fr, l’unique marketplace à impact, dédiée à aux appareils reconditionnés en France, s’est posé ces questions pour tenter de comprendre et visualiser ce monde pas si immatériel qu’on le pense.

Qu’est-ce que la data ? D’où vient-elle ?

L’ère numérique a étendu la notion d’information à la data en général. Cela inclut d’un côté les informations produites par des humains : les vidéos, les photos, les blogs, les commentaires, les likes, les partages, les sauvegardes de jeux, ainsi que les métadonnées produites par les systèmes d’information : statistiques de visites, données d’utilisation, moteurs de recherche, données produites par des intelligences artificielles. Ces données sont produites par les réseaux sociaux, les marketplaces et le e-commerce, les médias, les objets connectés. Nous n’avons jamais produit autant d’informations et on estime aujourd’hui que la quantité totale d’informations numériques, liées à Internet, est entrée dans une phase de croissance exponentielle, en 2022 internet représentait plus de 55 zettaoctets en disque dur (donc en matières) ça donne : 5, 5 Pyramides de Khéops, équivalent à environ 27 tours Montparnasse, ou encore 5700 piscines olympiques. On parle juste de la data, on ne parle ni d’énergie ni de cartes mère, ni d’écrans. Si nous continuons à cette vitesse. Autant dire que la fabrication de data ne peut pas croître indéfiniment, et que nous allons devoir trouver des solutions.

Le mot « dématérialisation », ce faux ami

Dématérialisation de l’information ou dématérialisation de l’écorce terrestre ? Au début de la période numérique, on s’est mis à utiliser le mot dématérialisation pour décrire le stockage de l’information sur des supports numériques : CD-ROM, disques durs d’ordinateurs, clé usb etc. Pour aller encore plus loin, on a même rendu la notion de stockage de données encore plus immatérielle avec le CLOUD (RIP François). Pourtant, l’information est très matérielle quand on l’enregistre dans des serveurs de traitement qui vont la dupliquer, la transformer et la propager sur d’autres serveurs de traitement. Aujourd’hui, cette dématérialisation et le CLOUD sont tout sauf immatériels car ils sont gérés par des datacenters. Estimés à plus de 8 000 dans le monde, les datacenters couvrent une surface équivalente à plus de 6000 terrains de foot et consomment 4 % de l’électricité mondiale, soit l’équivalent de la consommation annuelle de la Belgique. Dans ces datacenters on trouve des serveurs construits avec de l’aluminium, du cuivre, de l’acier, des plastiques, du verre. Donc la dématérialisation et le cloud sont très très (trop ?) matériels et viennent sérieusement ajouter à l’impact du numérique sur l’environnement en termes de matière première et d’énergie.

Les ravages de l’exploitation minière

L’impact des industries sur l’environnement est souvent réduit à l’émission de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Et, pour mémoire, l’extraction des matières premières (pétrole, minéraux, métaux notamment) est aujourd'hui responsable de plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre et de 80% des pertes de biodiversité. Il est donc impératif de compter l’impact matériel et chimique de l’exploitation minière qui détruit des montagnes, raréfie des métaux et pollue l’eau à des niveaux jamais atteints. Pour bien comprendre de quels volumes on parle il s’est vendu 300 millions (source international data corporation) de téléphones dans le monde en 2010 contre 3,8 milliards (source statista) en 2020. Si le smartphone est l’appareil électronique le plus vendu aujourd’hui dans le monde, ajoutons à la facture les PC, les objets connectés et le CLOUD très matériel dont nous avons parlé plus haut et nous aurons une idée plus précise de l’ampleur du problème. Aujourd’hui la teneur en métaux des exploitations minières diminue sans cesse, on ne trouve plus que 0,2 à 3% de cuivre dans les roches extraites des mines, pour le lithium on est sur du 0,05% à 0,15%, ça veut dire entre 2 à 30kg de cuivre pour 1 tonne de roche extraite et broyée puis rejetée en boue polluante, pour le lithium on parle de 500g à 1,5kg pour 1 tonne, si on parle d’or ou de platine les ordres de grandeurs sont rendus aux grammes par tonnes de roche. L’industrie minière commence même à imaginer des projets de prospection minière dans les grands fonds marins (alors que l’on sait très bien que l’océan a surtout besoin d’être soigné…).

Quelles solutions pour limiter l’impact écologique de la data ?

L’ère du numérique a généré un volume d’information comme il n’y en n’a jamais eu sur terre. Les smartphones et les Laptops ont libéré la créativité en permettant à chacun de produire du contenu et de le diffuser dans le monde entier en 2 clicks. La crise covid-19 a augmenté les recours à internet augmentant de fait le volume de vidéos et de photos produites. Les données issues du streaming sont les principales responsables de l’explosion des volumes de datas stockées dans le cloud. Ces avancées numériques sont formidables en termes d’accès à la connaissance, dans la découverte de nouveaux talents qui n’auraient jamais eu voix au chapitre, ou encore d’avancées scientifiques. Cependant, tous ces progrès viennent avec leur part d’ombre, l’information est en train de devenir un pays pollueur de plus et ce n’est pas vraiment pas une bonne nouvelle ! 2 combats sont donc désormais à mener pour éradiquer le continent de plastique et maîtriser la place prise par la data.

Côté entreprises, nous avons identifié 4 solutions :

-         L’allongement de la durée de vie des appareils électroniques, le recours au reconditionnement, à la réparation et la non duplication des appareils. Aujourd’hui il est totalement contre productif qu’un salarié ait un smartphone personnel et un smartphone professionnel, neufs de surcroît, idem pour les ordinateurs.

-         Le recours, plus systématique, à l’utilisation d’applications régénératrices qui investissent une part de leurs bénéfices dans la reforestation, qui limitent la persistance des données pour éviter la génération de trop de datas.

-        L’adoption de techniques de marketing et de communication responsables, plutôt que d’avoir recours au big data pour capter toujours plus d’attention et vendre toujours plus, apprendre à engager les clients en les responsabilisant serait plus souhaitable. L’heure de la déconsommation a sonné, plutôt que de développer, il faut pérenniser et favoriser la sobriété à l’abondance.

-         Ne plus se contenter de la RSE, mais se pencher sérieusement sur l’économie régénératrice et transformer en profondeur les entreprises, pour avoir un impact positif sur l’Homme et la planète. L’entreprise peut aussi être un lieu d’éveil des consciences. 

Côté particuliers les solutions sont aussi nombreuses :

-         La publication de contenus vidéo sur les réseaux sociaux doit ralentir, c’est un sujet très complexe mais youtube, tiktok et les réseaux du groupe meta produisent trop de données aujourd’hui, et ce sont les utilisateurs eux-mêmes qui peuvent renverser la vapeur. Soyons conscients que nos likes, commentaires ou photos polluent tous les jours un peu plus. Cela se voit moins qu’un mégot jeté par terre, pour autant l’impact sur notre environnement est bien le même, à méditer…

-       Apprendre à optimiser ses usages numériques en favorisant également des applications régénératrices comme ecotree, ecosia, lilo ou treebal, Ainsi on plante des arbres, on soutient des causes environnementales, plutôt que d’enrichir les Gafas.

- Le recours aux appareils reconditionnés en France doit devenir systématique. Les appareils de dernière génération, sont de moins en moins innovants, mais de plus en plus polluants, pour autant ils persistent à faire rêver les consommateurs de manière déraisonnée et fatale pour notre planète.