Pour un écosystème start-up plus paritaire

Si la parité en entreprise progresse en France grâce à la loi Rixain qui l'a renforcée en décembre dernier, certains secteurs restent en retard. C'est le cas des start-ups et de la tech.

Pourquoi y a-t-il quatre fois moins de femmes que d'hommes en école d'ingénieur ? Pourquoi y a-t-il également cinq fois moins de femmes fondatrices de start-ups que d'hommes ? Et pourquoi seulement 10% des fonds sont levés par des équipes de femmes ou mixtes ? 

En tant que femme, ayant effectué une école d'ingénieur, par le passé fondatrice d'une start-up et aujourd'hui dirigeante d'une autre, je m’interroge, comme beaucoup d’entre nous, sur ces questions de parité et sur les solutions que nous pouvons y apporter.

Bien sûr la question de l'éducation et des modèles donnés à nos enfants est la plus évoquée et reste prioritaire. En ce qui me concerne, j’ai grandi en aimant les maths et en étant portée par une certaine ambition qui m’a permis d'intégrer une école d'ingénieur. Néanmoins, un plafond de verre existe toujours entre les femmes et la science. Le pourcentage d'élèves femme en école d'ingénieur n'évolue pas, restant bloqué à 26%. Cela passe probablement par notre manière d'enseigner les sciences dès le plus jeune âge.

La question de l’identification à des modèles est tout aussi cruciale. J’ai pu grandir avec l'épopée de l'astronaute Claudie Haigneré et de nombreuses femmes françaises et dirigeantes m’inspirent toujours au quotidien, telles que Christine Lagarde, Mercedes Erra, Maud Bailly ou Céline Lazorthes. Malgré cela, aujourd'hui, seulement trois femmes sont PDG dans le CAC40 et hormis Vestiaire Collective, les fondateurs des licornes françaises sont essentiellement masculins.

La seconde barrière réside dans le biais de recrutement et de création d’entreprise. Comme de nombreuses femmes, j'éprouve souvent un sentiment d'illégitimité. Un exemple criant est lorsque je lis une offre d’emploi : j’ai besoin de penser que je maîtrise une grande majorité des caractéristiques de la fiche de poste pour oser postuler. Selon les chargés de recrutement que je peux côtoyer, ce phénomène est beaucoup moins marqué quand les hommes postulent : ils tentent plus leur chance. Pour que plus de femmes accèdent à des postes de direction, il est probablement nécessaire de réfléchir à la manière de rédiger nos offres d’emploi. En start-up, les qualités essentielles pour réussir sont les capacités d’adaptation, d’apprentissage et d’évolution. Si nous rédigions nos offres d’emploi en les orientant majoritairement vers ces soft skills plutôt que vers une collection de hard skills qui seront vite dépassées, cela nous permettrait-il d'élargir le nombre de candidates ?

Au-delà du salariat, vient la question de la création d'entreprise qui peut paraître comme une prise de risque forte. Les nombreuses aides françaises permettent de la minimiser. Néanmoins, une fois encore, ce risque est mieux appréhendé par les petits garçons que par les petites filles dès le plus jeune âge. La deuxième marche pour les équipes féminines sera de lever des fonds plus facilement. Cela passera notamment par plus de parité dans les fonds d'investissement VC, composés majoritairement d'hommes et notamment au niveau des partners.

Il est par la suite toujours temps d’apporter de la parité quand l’entreprise grandit. Notre entreprise a été cofondée par trois hommes. Aujourd'hui, notre comité de direction est composé de 4 femmes sur 9 personnes. Notre équipe dans sa globalité est légèrement plus féminine que masculine, bien que nous ayons encore une marge de progrès au sein de l'équipe technique. Cette parité a été rendue possible à la fois par du recrutement en externe et par des parcours de promotion interne.

Lors de nos recrutements, nous évaluons à plusieurs les compétences et les valeurs des candidats. A compétences  égales, nous aurons tendance à choisir en faveur de la diversité par rapport à l'équipe existante : de genre, d'origine ou de parcours. Cette diversité nous apporte, au sein de l'équipe dirigeante mais aussi de chaque équipe, une pluralité d’opinions nous permettant de prendre de meilleures décisions collectives et d'innover sur notre marché de l’immobilier. Nous sommes persuadés que cela en devient ainsi un avantage compétitif.

La dernière barrière pour l'égalité sera, pour moi, portée par la répartition du congé lors de l'arrivée d’un enfant. Malgré le fait qu’il vient d'être rallongé pour le second parent, le congé parental en France est toujours essentiellement une charge féminine. Un congé obligatoirement partagé, comme dans les pays nordiques, me semblerait être une belle évolution. Pour accéder via le salariat à des postes de direction rapidement, il est nécessaire d'évoluer fréquemment sur des fonctions et dans des entreprises différentes. L'arrivée d’un enfant met un frein de plusieurs mois dans les évolutions de carrière des femmes, difficile à rattraper par la suite par rapport à nos collègues masculins.

La flexibilité des modes de travail (télétravail, asynchronicité) permet aussi une plus grande souplesse. Julien Watry, notre co-fondateur et CFO, est pour moi un bon exemple. A l'arrivée de son fils, ils se sont partagés avec sa femme, elle-même entrepreneur, la charge de leur nouveau né permettant aux deux de mener des carrières prenantes et ambitieuses. Nous essayons aussi progressivement d’apporter cette flexibilité dans notre entreprise à un niveau individuel.

Je ne me suis jamais sentie discriminée par mon genre dans ma carrière, mais en listant ces différents points, je me rends aussi compte qu’il nous reste des progrès collectifs à faire pour que la parité gagne nos entreprises. Entre le mouvement féministe actuel, des initiatives comme celle des femmes pour la science par l'UNESCO et L’Oréal ou le collectif SISTA qui fait bouger les lignes dans les start-ups, je suis néanmoins optimiste quant à l'évolution de nos sociétés dans les années à venir. Comme le résume si bien SISTA, l’ambition s’apprend, le succès se travaille et l'égalité se construit.