Envie de reprendre son indépendance, de défricher de nouvelles pistes, de prendre du recul vis-à-vis de la "folie Internet" ou, tout simplement, de se retirer pour des raisons personnelles.... Autant de motifs qui sont souvent mis en avant par les "Net-managers" pour justifier leurs mouvements. A ce titre, l'année 2001 a été particulièrement mouvementée. Et si la plupart des managers sont partis de leur plein gré, certains ont été contraints, en revanche, de quitter leurs fonctions en raison de restructuration ou de rationalisation.

Dans le monde des FAI et des portails, la vague des "nominations-démissions" a par exemple été extrêmement prononcée au cours des douze derniers mois. Le dernier mouvement enregistré est à signaler du côté de MSN France : Grégory Salinger, co-fondateur du site marchand Chateau Online, a pris en novembre la direction du portail français. Il succède à Steve Petitpas, qui rejoint le siège de Microsoft aux Etats-Unis en tant que directeur marketing institutionnel. Du côté du câblo-opérateur Noos (Suez-Lyonnaise des Eaux), c'est un transfuge de Bouygues Telecom, Patrick Leleu, qui a repris la main sur le dossier.

Autre relais : Marie-Christine Levet qui a rejoint la présidence de T-Online France et du service d'accès Club-Internet (Deutsche Telekom) après avoir quitté la direction générale de Lycos France en octobre. Fabrice Sergent a du coup cédé ce poste pour se concentrer à plein temps sur le développement de Lagardère Active Broadband (Lagardère Média). Cette division des tâches pour certains s'accompagne d'un cumul des mandats pour d'autres. Stéphane Treppoz, déjà PDG de AOL France, a pris parallèlement en novembre la casquette de directeur général de AOL Europe.

Après une période d'activité intense, d'autres dirigeants ne boudent pas le plaisir de prendre (enfin) leur temps. Philippe Guillanton, l'un des piliers de Yahoo France, fait partie de cette catégorie. Après avoir dirigé la branche française de Yahoo entre 1997 et 2001, il a rejoint en début d'année Londres pour superviser les activités Europe avec Fabiola Arredondo à Londres. Mais, à peine endosse-t-il ses nouvelles fonctions, que la directrice de Yahoo Europe donne sa démission. Philippe Guillanton décide alors de quitter Yahoo pour privilégier sa vie familiale. La transition se fait en France plutôt en douceur. Le passage de relais a été assuré par Isabelle Bordry, ex-directrice publicité et maketing.

Mais les plus forts mouvements sont à observer à l'occasion des remises à plat des activités Internet. Pour des raisons de divergences stratégiques, Jacques Bousquet, directeur du service d'itinéraires en ligne Mappy (rattaché à la division Wanadoo Portails), a démissionné de ses fonctions fin octobre, tout comme son bras droit Philippe Cossé. Les deux managers ont depuis créé une structure indépendante de conseil e-business baptisée In Fact. Michel Bisac, directeur éditorial de Wanadoo Portail, a également annoncé son départ. La démission de Stéphane Ambrosini, directeur général adjoint de la filiale Internet de France Télécom, serait, elle, plus teintée d'opportunisme : l'homme a quitté ses fonctions fin octobre pour succéder à Pierre Conte au poste de PDG de la régie IP (groupe RTL). En revanche, le départ de Antoine Iris, directeur de Vizzavi France, reste davantage mystérieux.

Tiscali France connaît de son côté une véritable hémorragie interne de managers, en particulier avec son pôle portail. Dans l'année, le champion toute catégorie de l'intégration d'entités, a vu partir Gilles Ghesquière et Jean Postaire, les co-fondateurs de l'annuaire francophone Nomade, et Christophe Dupont, fondateur du site communautaire RESpublica. D'autres directeurs, comme les fondateurs de MCinema.com, Jérôme Chasquès et Edouard Morhange, sont partis sur fond de polémique. Même sort pour Caroline Liscia, l'ex-directrice marketing qui représentait le dernier symbole de l'équipe originale de LibertySurf au temps de la présidence de Pierre Besnainou, lui aussi démissionnaire. Dans la division FAI, Jean Cazès, co-fondateur de Freesbee, est parti cette année après avoir assuré une période de transition. Jean-Michel Soulier, ex-directeur de World Online France, a choisi en revanche de rester auprès de Rafi Kouyoumdjian, l'actuel PDG du groupe Tiscali France.

Sur le plan des mouvements, les médias en ligne ont souvent été dans l'oeil du cyclone en 2001 face à une situation économique tendue en raison de la morosité du marché de l'e-pub. Thierry Brunschwig, qui a lancé Prisma Presse Interactive, a ainsi préfèré démissionner en octobre après la décision de sa maison-mère allemande Grüner & Jahr (groupe Bertelsmann) de revoir à la baisse ses ambitions en ligne. Depuis sa création en février, la vie de la filiale Internet de Prisma Presse n'a pas toujours été un long fleuve tranquille, comme l'illustre le passage du journaliste Michel Colonna d'Istria, ex-directeur de Libération.fr, qui, à peine nommé au poste de directeur éditorial de PPI, a quitté ses fonctions pour des raisons de divergence.

LeFigaro.fr connaît également un passage difficile. Avec la fermeture de son city guide ParisAvenue, son directeur Michaël Bourguignon a rejoint le groupe Indicateur Bertrand pour développer des projets Internet liés aux petites annonces. Et pourtant, beaucoup de compétences ont été réunies au début de l'année pour gérer au mieux les actifs Internet qu quotidien. En prenant ses fonctions de directeur délégué chargé des activités multimédia de la Socpresse (Groupe Hersant) en mars dernier, Laurent Souloumiac, ex-directeur du portail Voila.fr (&Wanadoo), ne s'attendait sûrement pas à un tel revirement stratégique.

Mais le clash le plus retentissant de l'année revient à e-TF1 avec le licenciement de sa directrice Anne Sinclair survenu en juin. La journaliste avait monté la filiale Internet de la chaîne de télévision en janvier 2000. Depuis ce départ, elle cumule des postes divers et variés : consultante pour le spécialiste de la télévision interactive Netgem, porte-parole de l'Association en faveur de la télévision numérique terrestre, intervieweuse pour Paris-Match et chroniqueuse sur RTL. A ce jeu de chaises musicales, CanalNumedia a également été touché : dans un contexte de réorganisation des activités en ligne, Jean-David Blanc et Patrick Holzman, les deux co-fondateurs du portail Allociné, claquent la porte en juiin.

Le commerce électronique n'est pas, lui aussi, épargné par cette période de consolidation. Dans le tourisme en ligne, on notera ainsi le départ de Pierre Alzon, PDG de Degriftour. L'homme a repris sa liberté en octobre après la transition nécessaire à l'intégration du voyagiste discount dans LastMinute. Denis Philippon le remplace. Dans les enchères en ligne, la reprise en main de iBazar par l'américain eBay, annoncée en février, a entraîné le départ des deux co-dirigeants Pierre-François Grimaldi et Marc Piquemal.

Après avoir installé Amazon en France fin août 2000, les deux têtes pensantes du projet d'implantation, Cécile Moulard et Denis Terrien, ont préféré s'éclipser. La directrice marketing et le directeur France sont partis respectivement en février et en mai 2001. C'est Georges Aoun, le numéro trois de la société, qui a repris le flambeau. Le secteur de la musique en ligne est également en pleine évolution, comme le prouve la récente apparition des plate-formes PressPlay et MusicNet. Sur ce nouvel échiquier, FranceMP3.com n'a pas trouvé sa place. Après l'intégration de leur start-up dans le groupe Vitaminic, ses fondateurs, Eric Legent et Laurent Maubon, ont décidé il y a deux mois de se tourner vers d'autres projets. Auparavant, Fabrice Nataf avait laissé les rênes de PeopleSound France à son directeur marketing Rémi Carlioz, qui prend dorénavant en charge l'intégration en France des différentes entités autour de la marque ombrelle Vitaminic.

Mais, malgré une croissance économique au ralenti, les pionniers du Net tentent encore d'appporter un nouveau souffle. On retrouve des managers comme Fabrice Cavarretta à la tête d'un projet start-up de partage de services en ligne baptisé iPropi. Un projet dans la lignée de Patrice Magnard, fondateur de Alapage.com, qui a lancé cette année le service scolaire Exam.fr. Luigi Groppalo, ex-directeur Internet de la Fnac, a, lui, pris en main le nouveau site BienManger.com. Enfin, Pierre Paperon, ancien directeur Europe et International du moteur de recherche AltaVista, a décidé de bâtir des ponts entre l'ancienne et la nouvelle économie en prenant les fonctions de directeur e-CRM chez le groupe Danone. Un nouveau poste qui illustre bien un mouvement de fond : la prise en compte de plus en plus marquée du Net par les grandes entreprises. Le nouvel appel d'air des "Net-managers" pour 2002 ?