Internet Explorer 8 : quel impact pour la publicité ciblée ?

Fin août, Microsoft a dévoilé la dernière version encore en test de son fameux navigateur qui pourrait avoir un impact négatif sur la publicité ciblée. Attaque en règle contre Google ou coup de bluff ?

Lancé fin août en France, la deuxième version bêta d'Internet Explorer 8 (IE8) a déjà fait couler beaucoup d'encre quant au possible impact négatif que certaines fonctionnalités pourraient avoir sur la publicité basée sur le ciblage comportemental. L'éditeur du fameux navigateur aurait avancé un pion décisif sur l'échiquier qui l'oppose à son éternel rival : Google. Difficile à croire lorsque l'on prend en compte les ambitions de Microsoft dans la publicité en ligne, soit 25 % des revenus de la société d'ici 2017, surtout après le rachat d'aQuantive pour une somme astronomique de six milliards de dollars (lire l'article : Microsoft mise sur la publicité interactive pour sa croissance future, du 04/10/2007).

Les fonctionnalités incriminées sont "In Private Browsing" et "In Private Blocking". La première permet à l'utilisateur une navigation en mode privé. "Sites visités, recherches effectuées, noms d'utilisateur, mots de passe, cookies... rien n'est enregistré sur le disque dur de l'ordinateur, précise Fabrice Milhoud, responsable stratégie chez Microsoft France. Les cookies se trouvent uniquement dans la mémoire temporaire." Pour sa part, la fonction In Private Blocking permet à l'utilisateur de limiter la communication entre plusieurs sites Web d'informations relatives à ses habitudes de surf. En activant cette seconde fonction, l'utilisateur peut obtenir la liste des sites traçant ses mouvements sur la Toile à son insu, et les bloquer individuellement ou dans leur ensemble.

Chez Weborama, spécialiste de la mesure d'audience et de la publicité en ligne avec le rachat de C-Marketing en 2007 (lire l'article : Weborama prépare la guerre du ciblage comportemental, du 23/10/2007), on reste très mesuré quant à l'impact d'IE8 sur la publicité en ligne et plus précisément le ciblage comportemental. "La mesure d'audience sera plus difficile si les cookies sont effacés des postes d'utilisateurs, concède Rodolphe Rodrigues, directeur général chez Weborama. Et il faudra sans doute trois mois avant de récupérer un historique qui permette l'envoi de publicité ciblée." Mais cela ne bloquerait pas pour autant le marché de la publicité personnalisée : des solutions existent. "Il est toujours possible de travailler à partir de l'adresse IP plutôt que du cookie. Ou bien encore les prestataires pourront utiliser pour une durée déterminée le nom de domaine du client en l'hébergeant chez eux."

Par contre, cette nouvelle version d'Internet Explorer pourrait avoir de graves conséquences pour l'utilisateur en matière d'expérience. "Le capping d'une publicité, c'est-à-dire la fréquence de répétition des publicités, est géré par un cookie", explique Alain Sanjaume, directeur général France de Wunderloop, société qui propose des solutions de ciblage comportemental (lire l'article : Wunderloop s'attaque au marché français du ciblage comportemental, du 25/10/2007). "Si ce cookie disparaît, l'internaute risque d'être exposé à une même publicité de manière démesurée."

Via l'effacement possible des cookies de session, on pourrait craindre qu'il faille à chaque fois remplir la sempiternelle combinaison mot de passe/login. Pas forcément. "Il est toujours possible d'effacer tout son historique et de conserver la personnalisation des sites stockés dans les favoris du navigateur", indique Fabrice Milhoud, de Microsoft. Mais qui voudra faire cette manipulation sachant qu'In Private est désactivée par défaut dans cette nouvelle version, même si cet état est susceptible de changer d'ici l'adoption de la version finale d'IE8 ?

Pour Rodolphe Rodrigues, de Weborama, il s'agit plus d'une opération de communication de la part de Microsoft. "D'une part, le fait que Google conserve l'historique de surf des internautes sur près de deux ans est un sujet très polémique. D'autre part, je doute que beaucoup de gens prennent le temps d'activer ces nouvelles fonctionnalités où il faudra définir les sites amis en tenant compte des changements fréquents de noms de domaines. Il existe de nombreuses fonctions du même acabit dans IE7 ou Firefox qui ne sont pas utilisées."

Dans l'hypothèse peu probable où tous les internaute activeraient ces fonctions, les premiers à en souffrir seraient, de l'avis de Rodolphe Rodrigues, les sites à faible notoriété.