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"Quand je me compare, je me rassure..."
Par Jacques Bely et Daniel Genton (BFA Conseil)
(mai 2004)

Les théoriciens de la qualité totale ont, dès la fin des années 70, montré tout l'intérêt qu'il y avait, pour faire progresser les entreprises, à chercher à se comparer aux "meilleurs de la classe" dans le but de s'inspirer de leurs bonnes pratiques. L'idée était simple et pleine de bon sens. Le benchmarking était né.

Avec prudence
Se comparer pour s'inspirer est une très vieille pratique quasiment naturelle. Il faut cependant se méfier des conclusions trop hâtivement tirées de l'observation de l'autre. Examinons un exemple vécu dans le cadre d'une fusion de deux entreprises concurrentes. On constata rapidement un différentiel important de performance des deux forces de vente.

Une première analyse montrait que les deux process de vente ne fonctionnaient pas de la même façon. Il s'agissait de la vente de produits techniques qui nécessitait l'utilisation d'un binôme composé d'un commercial et d'un ingénieur technico-commercial. Les deux entreprises la pratiquaient de manière différente.

L'une utilisait les ingénieurs avec parcimonie, seulement quand cela semblait indispensable, alors que l'autre systématisait leur utilisation avec le surcoût que cela supposait. Pouvait-on dire avec certitude que cette dépense était inutile ? On ne constatait pas une efficacité supérieure des actes de vente mais de l'avis des experts, l'offre-produit était jugée supérieure. Mais comment peut-on être sûr de ce deuxième point ? En faisant un benchmarking de l'offre... Mais les entreprises ne servaient pas exactement les mêmes clients.


Comparer à un moment donné"


Un exemple aussi simple démontre l'importance à la fois du périmètre d'analyse et du degré de finesse indispensable à une bonne fiabilité de la comparaison. Une deuxième difficulté tient au côté statique de la comparaison qui est effectuée à un moment donné.

Prenons l'exemple de deux entreprises qui ont à un instant donné des coûts de production différents. Peut-on conclure qu'il y a un process plus performant que l'autre sans une analyse plus fine qui comprend l'état des investissements réalisés sur les deux outils. Un outil est peut-être en cours de dégradation et, pour l'instant, cette dégradation n'a pas d'effet sur les coûts. Si tel était le cas comment apprécier cette dynamique et le peut-on vraiment à partir d'une observation faite à un moment donné ? Quand on se compare, il faut le faire avec prudence.

Avec prudence et méthode
Or la globalisation de l'économie mondiale ayant entraîné de nombreuses entreprises à reconsidérer fondamentalement la manière dont elles travaillaient et s'organisaient, il est tentant de vouloir les comparer pour déterminer quelle organisation est la plus rentable. Ainsi, sur un même marché, H&M, Zara, C&A ont des façons d'opérer très différentes sans que l'on puisse aisément juger du "modèle gagnant".


Comprendre l'efficacité de cette entreprise"


Comparer brutalement les fonctionnements de ces entreprises à un moment donné n'apporte que très peu d'enseignements pratiques. Cela posé, il est très intéressant si l'on est H&M, par exemple, de bien comprendre, à la lumière de ce que l'on fait soi-même, comment opère Zara. Il est difficile de comprendre l'efficacité de cette entreprise en regardant seulement l'offre produit sur le point de vente. Le vêtement proposé aux clients à un prix et une facture comparable à celui de ses principaux concurrents.

La différence se fait sur le raccourcissement des délais pour produire une collection et la capacité de proposer aux clients un renouvellement de l'offre plus rapide. La consommatrice ne sait pas que cette nouveauté est rendue possible par des process particulièrement "bien huilés". Ceci ne peut être observé sans une approche méthodique que les théoriciens du management appellent volontiers le benchmarking. Se comparer nécessite donc prudence et méthode.

Avec prudence, méthode et constance
Les adeptes du management par la qualité totale ont développé il y a plus de vingt ans déjà, des méthodes, en permanente progression, qui permettent de "noter" globalement les entreprises, tant en considérant leurs résultats que les moyens qu'elles mettent en œuvre pour les atteindre. Ces méthodes, maintenant bien normalisées par des praticiens chevronnés, sont construites pour pouvoir évaluer les entreprises aux fins de les comparer entre elles, notamment en ce qui concerne leurs organisations et leurs managements.


Comment procède le meilleur de la classe"


Que cela soit la méthode "Deming award" ou celle développée par l'EFQM (European Foundation for Quality Management), elles offrent toutes les deux des réelles possibilités de benchmarking vis-à-vis du meilleur de la classe dans le critère où l'entreprise évaluée ne performe pas brillamment. Par exemple, si la note obtenue dans le chapitre satisfaction des clients est insuffisante, l'entreprise aura tout loisir d'examiner dans le détail comment procède le "meilleur de la classe" dans ce domaine. Elle connaîtra avant tout comment le "champion" s'organise pour mesurer de manière pertinente cette satisfaction.

Ces outils deviennent de véritables outils de management du progrès car ils s'inscrivent également dans le temps, les évaluations étant réalisées périodiquement. A la fin de chaque évaluation on peut élaborer un plan d'amélioration composé d'un ensemble d'actions très concrètes. Se comparer nécessite donc prudence, méthode et constance.

Dans un monde où la vitesse du changement s'est accélérée, et particulièrement durant les dernières décennies, les besoins de mesures n'ont fait que s'accentuer. Tout ce qui se mesure se "manage". Oui, mais à la condition de bien maîtriser le processus de mesure et d'en faire un usage approprié. Cependant il ne faut pas oublier qu'il reviendra toujours aux hommes d'interpréter les "mesures" afin de les transformer en décisions.

PARCOURS

Jacques Bely, 56 ans, est président du Cabinet BFA, spécialisé dans le conseil en management. De 1969 à 1980, Jacques Bely a été successivement chef de service après vente chez Schneider électronique, chef de publicité chez DP Industries puis chef de service chez Advitec. En 1980, il co-fonde et préside l'agence de publicité Exigence. En 1982, il crée l'agence MGTB. En 1994, il devient président de l'agence de publicité GGT France. En 1997, il fonde le cabinet de conseil en marketing et stratégie Bely consultant, puis en 2000, il cofonde BFA Conseil. Depuis 1986, Jacques Bely est par ailleurs professeur de marketing et stratégies au Centre de perfectionnement aux affaires (CPA) et professeur affilié à HEC.

Daniel Genton, 50 ans, est directeur associé du Cabinet BFA. Il a débuté sa carrière en 1980 en qualité de chef de service à la Direction départementale de l'agriculture de la Moselle. Il devient en 1983 directeur du développement du Groupe Champagne Céréales puis en 1989, président directeur général de la filiale espagnole du même Groupe. Il sera alors successivement directeur général de la filiale française de Gist Brocades, directeur industriel et scientifique du Groupe Soparind-Bongrain. Il est également professeur affilié au Pôle executive education d'HEC.

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