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Expert
15/12/2004
Par
Jean-Pierre Scandella (Arrow Man)
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Dans le cadre du marché de l'emploi et de la globalisation devenue effective, même si certains se posent encore des questions dans notre pays sur ses principes moraux et sociaux, les cadres sont souvent incités à ouvrir leur parcours à l'international et à enrichir leurs expériences par la découverte d'autres cultures.
Mon propos n'est certainement pas de remettre en cause cette idée juste et positive, mais plutôt d'inviter les candidats à mieux mesurer leur risque par rapport à l'idée d'un retour probable et de dénoncer le manque d'accompagnement et de structures pour faciliter le retour des cerveaux dans leur berceau originel.
L'attractivité des autres pays, les dynamiques économiques plus fortes notamment en Asie et aux Etats-Unis, le déplacement des centre R&D, l'attrait de conditions de vies meilleures, la perspective d'inscrire un plus dans son CV... autant de bonnes raisons qui entraînent souvent les meilleurs éléments des grandes écoles à faire le choix d'une expérience à l'étranger. Le mot étranger étant devenu impropre dans une économie ouverte, nous préférerons l'expression "à l'extérieur".
On parle de pourcentage de plus de 25 % de départs d'une promotion d'une grande école d'ingénieurs. Le phénomène est fort. Les chercheurs sont souvent cités en exemple. Ils rejoignent souvent les Etats-Unis, la Chine et plus ponctuellement la Suisse. Ils n'ont d'ailleurs plus d'autre choix possible en Europe, puisque il n'y a quasi plus de centres R&D ou de grands laboratoires. La délocalisation des centres R&D combinée au phénomène d'"off shore" pour les départements de développement de logiciels ont beaucoup réduit le nombre d'offres de postes de managers en Europe.
Ils n'ont souvent pas d'offre intéressante sur le plan national et dans leur siège" |
Partir n'est pas simple, beaucoup de candidats ont bien du mal à trouver des passerelles quand ils sont déjà expérimentés, mais revenir peut s'avérer encore plus compliqué. Force est de constater que dans un marché de l'emploi perturbé, les retours ne sont pas faciles. Indépendamment du niveau de poste, on n'attend personne, rien n'est prévu ni par l'Etat ni par les grands groupes et les réseaux personnels ayant été ouverts à l'international, se sont souvent appauvris dans le 1er cercle du pays d'origine. Les réseaux se sont renforcés au niveau international, mais ils se sont plutôt étiolés au niveau local.
Les grands groupes nationaux qui ont favorisé le départ et l'installation d'un manager pour l'ouverture d'une filiale ou sa gestion "à l'extérieur" appréhendent très difficilement les retours non par manque d'intérêt pour ces cadres souvent bien notés et identifiés comme hauts potentiels, mais parce qu'ils n'ont souvent pas d'offre intéressante sur le plan national et dans leur siège où les enjeux sont déjà très concurrentiels. J'ai noté de nombreux exemples dans la finance et les télécoms de cadres dirigeants amenés contre leur volonté à quitter leur groupe à leur retour en France.
Le retour dans le cadre "intérieur" de nos lois et coutumes n'est pas plus facile. Je rencontre beaucoup de candidats de retour dans leur pays qui doivent affronter les administrations pour se réinstaller dans leur pays. En général, après quelques batailles, ils sont de nouveau candidats au départ.
Quelle perte de valeur ajoutée cumulée pour l'économie et la vie culturelle de notre pays" |
Toujours est-il que la raison principale ne réside pas seulement dans le manque d'offres et les tracasseries administratives (qui ne leurs sont d'ailleurs pas réservées). Le choc culturel au moment du retour des cadres et des dirigeants ayant goûté aux joies en général des grands pays anglo-saxons est tel que les personnes ont du mal à se reconnaître dans leur pays d'origine. Beaucoup de personnes ayant notamment eu la possibilité de travailler et de vivre aux Etats-Unis sont rapidement candidats à un nouveau départ et un nouveau retour dans ce pays d'accueil. J'imagine que ce fait va perturber quelques lecteurs, mais les exemples sont nombreux. Quelle perte de valeur ajoutée cumulée pour l'économie et la vie culturelle de notre pays.
Je souhaite citer le cas d'Andrew Badrot, ingénieur INPG 1998 et diplômé de Stanford en 2000 qui vient de passer six ans aux Etats-Unis dans une grande société informatique dans le poste de responsable de développement des affaires en Europe pour les systèmes de haute performance. Il souhaite revenir en France pour des raisons familiales. Ce qui le surprend le plus est le manque d'ambition en Europe, et notamment en France, et le pessimisme ou marasme ambiant qui tranche nettement avec l'optimisme -naïf mais rafraîchissant- américain. Il ne comprend pas pourquoi l'Europe n'essaie pas d'attirer les talents alors que notre système de formation reste l'un des meilleurs au monde. L'alternative pour lui est de devoir bientôt se poser la question d'un retour aux Etats-Unis avec un état d'esprit différent de celui de sa première installation. En effet, la première fois, il avait toujours l'idée d'une situation provisoire. Il n'avait jamais pensé à demander une "green card". S'il devait y retourner ce serait dans un état d'esprit différent et pour le long terme.
Alors, pour ne pas rester sur un constat négatif, je pense qu'un élément de réponse est à rechercher et à trouver urgemment dans l'espace européen. A la veille de la ratification possible du traité constitutionnel la question de la mobilité des compétences et de leur cadre de travail homogène, se pose. Il s'agit d'une question qui faciliterait ces passerelles d'un pays à l'autre sans occasionner de chocs culturels, mais un meilleur partage des valeurs culturelles communes. Nous n'y sommes pas encore, mais on sent bien que ces enjeux deviennent accessibles et réalisables en Europe.
En
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Le champ des possibles pourrait également s'ouvrir en Europe si une politique commune d'investissements dans l'innovation industrielle et la R&D était portée par des acteurs économiques et politiques et une volonté de réussir commune. En dehors de cet espace, l'aventure reste totale pour les candidats au départ avec ses avantages et ses risques à prendre en compte avant de s'embarquer.
Parcours
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Jean-Pierre Scandella est co-fondateur du cabinet Arrow Man. Il est responsable du département informatique du cabinet. Il a occupé précédemment des fonctions de management chez Humblot-Grant Alexander et Michael Page International. Diplômé de l'Institut d'études politiques de Bordeaux (section économique et financière), il a commencé son parcours en tant qu'ingénieur-conseil chez Sybel Informatique, éditeur de logiciels, avant de rejoindre une SSII financière en tant qu'ingénieur d'affaires. De 1996 à 2000, il a participé au développement d'un important cabinet de recrutement international et a recruté des cadres confirmés et des dirigeants pour des professionnels du domaine des technologies de l'information (éditeurs, constructeurs, opérateurs) et des sociétés utilisatrices en Europe. l. |
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