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INTERVIEW
 
10/06/2005

Didier Pitelet (Guillaume Tell)
Les salariés sont orphelins de leader

Face à la crise de confiance entre salariés et employeurs, le président de Guillaume Tell propose d'entrer dans une démarche de marketing social.
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Président de Guillaume Tell, Didier Pitelet vient de publier un essai sur le marketing social : La nouvelle parole de l'employeur. Il cherche à apporter des solutions à la crise de confiance actuelle entre salariés et employeurs.

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Guillaume Tell
Qu'est-ce qui a changé pour le salariés et les chercheurs d'emploi ?
Didier Pitelet. Nous sommes sortis des Trente glorieuses sans qu'un nouveau modèle ne soit proposé. Les syndicats et le Medef cherchent à préserver leurs avantages acquis. La méfiance entre salariés et employeurs s'accentue. Les salariés se protègent et se méfient de l'entreprise, qui ne récolte que ce qu'elle a semé. On observe aussi un excès de démagogie en matière de ressources humaines. Toutes les entreprises prétendent que les hommes constituent leur plus grande richesse. Les gens sont attachés à leur travail, mais l'entreprise ne donne plus de sens, plus d'horizon. Dans une équipe de sport, on est fier de son maillot. Mais le maillot ne fait pas tout. Il faut une équipe soudée, un capitaine et un objectif.


Remplacer le terme de ressources humaines par relations humaines"

Pourquoi cette perte de sens ? Que s'est-t-il passé ?
Sous l'impulsion de la mondialisation et de la financiarisation, l'entreprise s'est déshumanisée, tout en gardant le même discours. On a retiré le temps humain de la compréhension. Les dirigeants doivent satisfaire les actionnaires et gérer leur carrière. Ils n'ont pas le temps de se faire comprendre, ni de se faire aimer. Un patron qui incarne une calculatrice n'a jamais fait rêver ses troupes.

Qu'est-ce que le marketing social ?
Il s'agit de l'art de la cohérence entre toutes les expressions de l'entreprise par rapport à un public interne ou externe, au nom de la performance économique. Il résulte de la marque employeur, qui correspond à toutes les zones de différenciation de l'entreprise. La marque employeur exprime une identité émotionnelle et relationnelle grâce à une plate-forme sémantique. Mais il ne s'agit pas de communication RH traditionnelle qui, jusqu'à présent, banalisait le message de l'employeur. Elle demande rigueur et confrontation positive, et pas seulement des outils. Des groupes comme PPR ou Flo se sont lancés dans une démarche de marketing social, afin de fédérer les filiales autour d'un état d'esprit.

Finalement, ne parlons-nous pas de culture d'entreprise ?
Il s'agit en effet d'une réhabilitation de la culture d'entreprise, mais pas une culture d'entreprise démagogique fondée sur les valeurs. Cela revient à confronter les publics qui forment l'entreprise. La direction doit remplir un rôle d'exemplarité et donner une cohérence à l'ensemble. Les salariés sont orphelins de leaders. ils veulent des patrons qui sachent faire adhérer à leur vision.


Nous assistons au fiasco de la gestion des ressources humaines"

Le marketing social, est-ce vraiment nécessaire compte tenu du marché de l'emploi ?
Quantitativement, le marché de l'emploi se trouve en faveur de l'entreprise. Mais qualitativement, ce n'est pas certain. La nouvelle génération ne veut pas perdre sa vie à la gagner. Les jeunes ne sont pas prêts à garder un job pour des raisons alimentaires. La vie professionnelle constitue un pilier qui structure sa vie. L'entreprise doit donner des raisons de s'engager. Il faut s'inscrire dans une relation d'adulte à adulte, dans une fierté d'adhésion et non une fierté d'appartenance.

Quels sont les obstacles à une démarche de marketing social ?
Les comités de direction sont trop éloignés de la réalité du terrain. De plus, l'évolution des comportements et des attitudes des publics est souvent niée. On entend des phrases du type "Moi, à 20 ans, j'étais..." Enfin, le dogme du court terme déshumanise la relation. Il faut réhabiliter le temps humain.

Le marketing social est l'aveu d'une impuissance des RH ?
Nous assistons au fiasco de la gestion des ressources humaines. Qui peut encore parler de GRH ? Qu'offre l'entreprise ? En pleine crise de confiance, il faut bâtir quelque chose de nouveau. Nous avons réussi les aspects techniques. Mais nous n'avons pas compris les salariés. Il faut revisiter les mots et remplacer le terme de ressources humaines par relations humaines.

L'entreprise est-elle responsable de tous les maux ?
L'entreprise a fait ce qu'elle pouvait dans un contexte politique et social donné. En France, on en fait un bouc-émissaire, responsable de tous les maux. Il faut réinventer l'entreprise comme lieu de courage, de plaisir et d'épanouissement. L'Etat, le premier employeur de France, doit donner l'exemple. Mais il renvoie l'image d'un corps social en rébellion.

Comment vous situez-vous par rapport à "Bonjour paresse" ?
La nouvelle parole de l'entreprise est l'antithèse de Bonjour paresse. Les Chinois écrivent avec le même idéogramme crise et opportunité, signifiant ainsi que tout peut être crise et opportunité. A chacun de choisir son camp. On peut attiser le malaise, ou chercher des solutions.

Parcours
Didier Pitelet est entré dans le groupe Publicis en 1990. Six ans plus tard, il y fonde Guillaume Tell avec pour objectif de sortir les relations humaines de leurs réflexes techniques au profit d'une prise de parole stratégique. Créateur du concept de "marque employeur" en 1998, il milite pour l'émergence du marketing social, garantie par une véritable logique de cohérence entre les publics internes et externes de l'entreprise. Il a récemment publié "La nouvelle parole de l'entreprise" aux éditions Medialivre.
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