29/06/2005
Jean-Pierre
Scandella (Arrow man) Que reste-t-il de la nouvelle économie ?
Ils étaient considérés comme des précurseurs, des pionniers
et des nouveaux capitaines d'industrie. C'était en 2000.
Les modèles classiques, les fondamentaux de l'économie de marché
et le libéralisme tristement hiérarchique semblaient dépassés.
Les gains potentiels étaient tels que chacun avait succombé
aux chants des sirènes et tendait à oublier les lois mathématiques,
les budgets, les ROI
La révolution Internet à peine en marche,
les nouveaux modèles économiques ont fait phosphorer tous les
professionnels, y compris les plus classiques qui avaient fini
par suivre le mouvement.
Las ! Bien avant le 11 septembre, ils étaient dénoncés comme
imposteurs, rigolos en tous genres et beaucoup d'investissements,
réduits à néant, ont entraîné des pertes abyssales. C'était
début 2001. Adieu lait, veau, vache, cochon
Perette et
les internautes devaient se rendre à l'évidence que le mirage
était bel et bien passé. Les CEO, VP, VP w/w corporate de toutes
les start-up.com repartaient à la conquête des organigrammes
des grands groupes, en expliquant ces dérapages dans leur CV
avec force arguments positifs. Mais, dans l'intervalle, Internet
et la révolution technologique avaient bien eu lieu et les stratégies
"click and mortar" avançaient indépendamment des mouvement médiatiques...
Que reste-t-il de la nouvelle économie, globalement et
sur le plan humain ? Et si finalement la fameuse révolution
en question avait laissé quelques traces positives ? Bien que
sur le plan de la théorie économique et des modèles, l'héritage
ne semble pas de nature à changer l'Histoire, sur d'autres plans,
c'est plus discutable.
L'idée de rebondir semble
désormais acquise"
|
La première bonne influence a été d'insuffler
un grand dynamisme dans le monde de l'entreprise,
directement en lien avec la société. Ce mouvement a réconcilié
beaucoup de salariés avec le monde de l'entreprise et facilité
la diffusion des nouvelles technologies jusque dans les foyers.
La diffusion d'Internet et le développement de sites marchands
ont été réalisés spontanément et très rapidement. Cinq ans après,
on peut constater les profits de plusieurs groupes qui se sont
constitués. Le pourcentage des ventes par ces canaux se développe
aujourd'hui fortement et ne représente plus une part négligeable,
alors que beaucoup d'états-majors de la grande distribution
étaient forts sceptiques au départ.
Le plus grand apport me semble avoir été tout de même réalisé
sur le plan humain. Déjà à l'époque, beaucoup l'avaient souligné,
l'idée de l'échec possible et passager
est entrée dans les mentalités françaises parallèlement
au mouvement de création et de développement d'entreprises.
Auparavant, un échec était considéré comme totalement négatif
et irrémédiable dans un parcours, au point que beaucoup de candidats
préféraient effacer certains passages de leurs CV plutôt que
d'expliquer leur prise de risque et leurs résultats. On a un
peu plus accepté le risque depuis cette époque et l'idée de
rebondir semble désormais acquise. Aujourd'hui, un candidat
ayant osé s'embarquer dans des projets d'entreprises peut rassurer
un entrepreneur et faire la différence par rapport à un candidat
qui n'est jamais sorti de l'univers des grands groupes.
Beaucoup dénoncent l'entreprise
car refuse le risque"
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Parmi les postes au contenu technique, et notamment parmi les
directeurs techniques et Architectes logiciels, beaucoup de
candidats ayant eu une expérience en start-up ont travaillé
en amont du marché sur le développement JAVA ou .NET, ce qui
les valorise aujourd'hui alors que ces technologies finissent
pas s'imposer aux grands groupes. Beaucoup de dépenses et d'investissements
ont été réalisés souvent à tort ou sur des modèles incertains,
mais n'est-ce pas le propre de l'entreprise et de l'investissement
de miser sur des potentiels et de faciliter l'émergence de nouvelles
idées ?
Un autre point très important culturellement a été de diffuser
l'acceptation de la prise de risques
à tous les niveaux, pour les candidats comme pour
les investisseurs. Si aujourd'hui beaucoup dénoncent l'entreprise
dans ses défauts (délocalisation, réduction des coûts
), c'est
qu'en fait, elle s'éloigne de l'idée de prendre le moindre risque.
Les actionnaires veulent gagner beaucoup avec une prise de risque
a minima et sont donc en conflit avec les salariés, eux aussi
opposés à la prise de risque
mais pas pour les mêmes raisons.
Au final, il est probable que tout le monde sera perdant sur
le long terme.
Alors oui, la nouvelle économie nous a peut être fait
du bien sur ces différents plans et on peut espérer un retour
de cet esprit, en en gardant le meilleur, tout en respectant
les lois mathématiques et de bonne gestion. Et c'est bien par
la promotion de cet esprit dynamique et de développement des
petites équipes que l'on réconciliera les salariés et l'entreprise
dans l'intérêt de tous en France et en Europe.
Parcours
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Jean-Pierre
Scandella est co-fondateur du cabinet Arrow man. Il est
responsable du département informatique du cabinet. Il
a occupé précédemment des fonctions de management chez
Humblot-Grant Alexander et Michael Page international.
Diplômé de l'Institut d'études politiques de Bordeaux
(section économique et financière), il a commencé son
parcours en tant qu'ingénieur-conseil chez Sybel informatique,
éditeur de logiciels, avant de rejoindre une SSII financière
en tant qu'Ingénieur d'affaires. De 1996 à 2000, il a
participé au développement d'un important cabinet de recrutement
international et a recruté des cadres confirmés et des
dirigeants pour des professionnels du domaine des technologies
de l'information (éditeurs, constructeurs, opérateurs)
et des sociétés utilisatrices en Europe. |
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