14/09/2005
Philippe d'Arvisenet
(BNP Paribas) Katrina n'aura pas d'impact économique à
long terme
La
production de pétrole dans le Golfe du Mexique est toujours perturbée.
Katrina pourrait coûter 0,5 point de croissance au quatrième trimestre
aux Etats-Unis.
Directeur
des études économiques de BNP Paribas et professeur associé à l'université de
Paris II, Philippe d'Arvisenet revient sur les conséquences économiques
de l'ouragan Katrina pour les Etats-Unis et le monde. Quelles
sont les conséquences économiques de Katrina ?
Philippe d'Arvisenet. Il est difficile de parler de Katrina car nous avons
pour l'instant peu d'informations. On ne connaît pas l'ampleur réelle
des dégâts. Si l'on met entre parenthèse les problèmes
liés au pétrole, les destructions auront un impact sur les indicateurs
économiques des prochains mois. On a évacué un million de
personnes, dont de nombreux salariés. Ils vont disparaître des statistiques
de l'emploi. Soit les marchés considèrent qu'il s'agit d'un effet
temporaire, soit ils paniquent. Je pense qu'ils ne réagiront pas. Katrina
entraîne une baisse temporaire de la production dans les zones concernées.
Mais la région touchée ne représente que 1 % de l'économie
américaine. L'effet négatif des destructions
sur la croissance ne dépassera pas 0,1 à 0,2 % pour le quatrième
trimestre. Le Golfe du Mexique représente
30 % de la production offshore des Etats-Unis. Quelles seront les conséquences
liées à la baisse de production du pétrole ? La
production de pétrole dans le Golfe du Mexique est fortement perturbée
à court terme, ce qui amplifie la hausse des prix préexistante.
Les réparations peuvent durer des mois. Il s'agit d'un nouveau facteur
d'incertitudes. Il suffit d'un autre problème ailleurs, par exemple un
attentat, pour que la situation évolue très mal. Mais, pour l'instant,
la situation n'est pas inquiétante. Les déclarations des autorités
monétaires sont d'ailleurs rassurantes. Il ne faut pas trop se faire peur :
Katrina n'aura pas d'impact économique à long terme. A
combien chiffrez-vous la perte de croissance ? En tout,
les effets physiques de Katrina et les tensions du marché du pétrole
pourraient coûter 0,5 point de croissance au quatrième trimestre
aux Etats-Unis. Mais ce ralentissement sera ensuite compensé.
La confiance des ménages a baissé
après le 11 septembre, mais elle a rebondi un mois après"
| A
quels événements peut-on comparer Katrina ?
Deux événements de grande ampleur sont comparables : le 11 septembre
2001 et la catastrophe de Kobe au Japon (le 17 janvier 1995, plus de 6.000
morts). Après le 11 septembre, on s'était lancé dans
des considérations sur la perte de confiance. En fait, un mois avant, on
était sorti de la récession et les fondamentaux de la croissance
ont rapidement pris le dessus. La confiance des ménages a fortement baissé
après le 11 septembre, mais elle a rebondi un mois après. Sur le
long terme, les attentats de New York n'ont pas eu de conséquences économiques.
De même, le tremblement de terre de Kobe n'a pas eu d'impact à long
terme. Les tensions sur le marché
du pétrole sont-elles comparables aux deux premiers chocs pétroliers ?
Le pétrole atteint 70 dollars le baril. Si on corrige ce prix de l'inflation,
on se situe à des niveaux comparables à ceux des deux chocs pétroliers.
Cependant, si l'on observe la courbe des prix du pétrole, on constate une
hausse à la verticale en 79 - 80. Aujourd'hui, on observe des marches d'escalier
sur deux ans. Cette évolution plus lente permet aux consommateurs de s'adapter.
Par ailleurs, les tensions sur le marché du pétrole n'ont actuellement
pas la même provenance. La croissance a provoqué une hausse de la
demande d'énergie et l'offre ne suit pas. Mais l'offre n'est pas volontairement
restreinte par des pays. De plus, le prix du pétrole a moins d'effets qu'avant.
On utilise moins d'énergie pour produire. En France, la hausse s'avère
moins sensible grâce aux taxes qui ont un effet amortisseur. Si le pétrole
coûte 100, dont 80 de taxes et si le prix avant taxe double, le prix pour
le consommateur atteint 120, soit une hausse de 20 %. La
croissance américaine va-t-elle résister à la hausse des
prix du pétrole ? La demande d'énergie aux
Etats-Unis est plus rigide qu'en France. Cela aura un impact sur la consommation.
Les salaires ont augmenté de moins de 2,8 % en un an. Compte tenu
de l'inflation, les Américains ont perdu du pouvoir d'achat. Mais l'économie
est soutenue par les créations d'emplois et les taux d'intérêt
bas. La Fed va sûrement continuer à les remonter mais ils restent
très bas, voire quasi-nuls si on les ramène à l'inflation.
Cela permet de soutenir le logement.
Parcours |
Philippe
d'Arvisenet a été coopérant à l'Institut d'économie appliquée et à l'université
d'Alger, chargé de recherche et professeur à la Fédération universitaire et polytechnique
de Lille et consultant auprès du PNUD/ONU, chargé de mission au Commissariat général
du Plan où il a été successivement en charge des questions de politique des revenus
puis de questions internationales. Il est entré à la BNP en 1982 et est directeur
des études économiques de BNP Paribas depuis janvier 2000. Il est professeur associé
à l'université de Paris II. Il est l'auteur ou co-auteur notamment "La politique
économique conjoncturelle" (Dunod, 1999), "Economie internationale, la place des
banques" (Dunod, 1999), "Finance internationale" (Dunod 2004). |
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