Faire tester ses produits en interne

Nouveaux produits et innovations subissent des tests utilisateurs auprès d'une sélection de clients, mais pas uniquement. Les entreprises testent aussi leurs produits en interne, auprès de leurs collaborateurs, qu'ils travaillent sur le produit même ou dans un tout autre service. Il existe deux sortes de testeurs en interne. D'une part, les chefs de produits, qui sont payés pour tester les produits, une mission qui fait partie intégrante de leur métier. Et d'autre part, les personnes dont ce n'est pas le métier. Dans cas, cela se fait sur la base du volontariat, au détour d'un couloir de manière spontanée, ou lors d'une réunion plus formelle. Des tests essentiels, notamment pour des entreprises aussi différentes que Tribord et les laboratoires Juva Santé.

Ainsi, alors qu'un chef de produit chez Tribord, une filiale de Décathlon spécialisée dans les accessoires et sports d'eau, effectue en moyenne un test par semaine, le comptable de l'entreprise, passionné de voile, a eu l'occasion de faire vingt tests en l'espace de six mois cette année. "100 % de nos collaborateurs sont des passionnés et des sportifs, du partenaire technique au champion", souligne Frédéric Duprez, directeur de Tribord international et responsable du développement des produits et marques Tribord.

Tribord : une implantation pensée pour faciliter les tests
Une démarche rendue possible par l'environnement de l'entreprise. En effet Tribord, qui compte 80 personnes en France, a quitté son site de Villeneuve d'Ascq il y a un an pour s'installer dans le Pays Basque à Hendaye, pour ainsi dire les pieds dans l'eau. Une initiative qui donne la possibilité à l'entreprise d'observer les utilisateurs sur site. Auparavant, les tests s'effectuaient en général la quatrième semaine de novembre à Tarifa, sur une partie de la gamme uniquement, avec les champions, les chefs de produits et un panel. Ce qui finalement coûtait très cher.

Aujourd'hui, les tests chez Tribord s'effectuent à tous les stades du processus, du prototype au produit en phase de lancement sur le marché. Une pratique d'autant plus flexible qu'elle s'effectue en interne et souvent de manière spontanée et volontaire. Les tests sollicités se font sur le temps de travail. Mais les collaborateurs ont également la possibilité d'emprunter les produits le week-end et sur leur temps de loisirs.

Chez Juva Santé, laboratoire hygiène-santé, il est coutumier de passer dans les différents bureaux pour consulter l'avis d'une dizaine de collaborateurs sur deux ou trois packaging. Il existe même un linéaire de grande surface au sein des locaux où les chefs de produit placent les nouveaux produits, mélangés à ceux des concurrents. Défile systématiquement devant ce présentoir une quinzaine de collaborateurs pour vérifier la lisibilité du produit quasi in situ. Et cela ne prend que trois minutes.

Un test informel a permis de stopper un lancement" Stéphanie Merveilleux

Quant aux tests avec un panel, ils sont réalisés avec un nombre de personnes, à un moment précis, souvent avec une cible bien établie, et avec un protocole à suivre. "Il est parfois nécessaire de tester le testeur avant tout test, prévient Frédéric Duprez de Tribord. Certaines personnes n'ont pas le bon profil suivant les produits à tester. Cela nous est arrivé dans le cadre de l'expérimentation d'une combinaison de surf." Les tests concernent également les produits concurrents, qui sont alors banalisés pour ne pas influencer les testeurs. Les expériences peuvent également se dérouler lors d'un petit déjeuner, de manière très conviviale, comme chez Juva Santé.

Juva Santé : l'avis des employés est primordial
Claire-Sophie Haas, chef de produit alimentaire et diététique chez Juva Santé, a fait tester un concept de produit minceur qui va sortir d'ici janvier 2006. "J'ai réuni durant deux heures une quinzaine de personnes sur les 90 que compte le siège, uniquement des femmes qui étaient dans le coeur de cible du produit. Le test portait sur le nom du produit, sa couleur, ce que cela évoque pour elle. Suite au test nous avons amélioré le concept, éliminant ce qui n'était pas pertinent."

Les raisons de faire tester ses produits en interne plutôt qu'en externe sont donc nombreuses. La méthode est rapide, les informations qui remontent sont claires et précises, le budget est souvent négligeable. Enfin, la remontée d'information se fait par oral ou, de plus en plus souvent, via l'Intranet de la société. Pour Frédéric Duprez, "les collaborateurs sont plus exigeants, utilisent le même langage, sans compter que la démarche est nettement plus rapide qu'avec les clients, avec lesquels il faut trouver la bonne personne et le bon moment. Du côté de Juva Santé, Stéphanie Merveilleux, chef de produit soins, raconte qu'un test informel lui a permis de stopper un lancement juste à temps. "Un de nos fournisseurs vantait la qualité de ses pansements hypoallergéniques. Dix ou quinze de mes collaborateurs ont porté le pansement pendant quatre à cinq heures. Résultat : des réactions cutanées anormales."

Juva Santé lance environ vingt produits par an, qui sortent sur le marché au mois de janvier. Les tests sont très nombreux en amont, durant l'été, à hauteur de deux à trois tests par semaine. Des tests qui, au final, apportent aussi convivialité entre les services de gestion, administration, marketing, etc. Car faire tester ses produits en interne mobilise et implique les collaborateurs. D'ailleurs, le programme Pépite de Juva Santé permet à quiconque au siège de l'entreprise de proposer de nouvelles idées de produits, le tout via l'Intranet. C'est comme cela qu'une assistante des achats a proposé le gel coiffant anti poux qui sera lancé sur le marché en mai 2005.