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CARRIERE
 
07/12/2005

Un avocat devenu entrepreneur
Le plus difficile a été de choisir les bonnes personnes

D'avocat d'affaires à PDG de la société high-tech TripleHop Technologies, Renaud Laplanche a osé franchir le pas lors de la bulle Internet. Retour sur un parcours atypique.
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Après une formation en droit et quatre ans passés dans un cabinet d'affaires, Renaud Laplanche s'est laissé tenté par l'entrepreneuriat et a fondé sa société de nouvelles technologies en 1999. Six ans plus tard, il l'a revendue à Oracle et travaille depuis dans le pôle d'incubation de l'éditeur américain. Un parcours atypique né de l'envie d'être en prise directe avec les affaires.

Comment avez-vous quitté le droit pour vous lancer dans la création d'une société high-tech aux Etats-Unis ?
Renaud Laplanche. J'ai eu un début de cursus tout à fait classique. Après un DESS de droit des affaires, j'ai fait un MBA à HEC (ISA). J'ai beaucoup aimé mes études de droit mais j'étais également attiré par le business. A la fin de ma formation, j'ai été engagé par le bureau parisien d'un cabinet d'avocats américain, Cleary Gottlieb Steen Hamilton. Ce fut une expérience très intéressante d'autant que les avocats américaines participent un peu plus à la mise en place des transactions et des structures dans les dossiers dont ils s'occupent. A la différence des Français, qui arrivent le plus souvent juste avant la signature du contrat. Puis j'ai été envoyé à New York pour quelques mois par mon cabinet pour faire connaissance avec l'équipe américaine. C'est le processus classique quand ils souhaitent faire de vous un associé. Je suis donc arrivé à New York en 1999, en plein essor de l'Internet. C'était l'époque assez unique où il était très facile de lever des fonds. J'ai donc décidé de me lancer dans l'aventure. Avec l'aide d'un ami de longue date, Matt Turck, et de Joaquin Delgado, un docteur en Computer Science et intelligence artificielle du Nagoya Institute of Technology (Japon), nous avons décidé de fonder en septembre 1999 TripleHop Technologies. Notre société avait pour objectif de mettre au point un logiciel de recommandations permettant aux internautes de bénéficier de conseils personnalisées à partir d'informations collectées précédemment par le biais de questionnaires.

Comment s'est déroulé le lancement de TripleHop Technologies ?
Les premiers mois ont été les plus faciles. Nous avons choisi d'adapter notre système à un marché en forte croissance sur Internet : le voyage en ligne. Des investisseurs nous ont soutenu et c'est ainsi que nous avons levé 950.000 dollars en octobre-novembre 1999 avec pour objectif de lever 20 millions de dollars moins d'un an plus tard, quand une première version du site existerait. L'éclatement de la bulle Internet a bouleversé nos plans. En avril 2000, nous avons décidé de changer notre fusil d'épaule et de proposer notre solution non plus directement au grand public mais aux sites Internet, en marque blanche. Nous sommes parvenus à convaincre une douzaine de clients, dont le très gros voyagiste Orbitz, et à lever 5 millions de dollars début 2001. Mais est arrivé le 11 septembre...


Face à l'effondre-ment du marché du voyage, nous avons décidé de transformer notre business model."

Que s'est-il passé à ce moment là ?
En octobre 2001, face à l'effondrement du marché du voyage, nous avons décidé une nouvelle transformation de notre business model en adaptant notre technologie pour fournir aux entreprises un moteur de recherche web et interne qui tenait compte du profil de l'utilisateur et de ses précédentes requêtes. A ce moment là, à la fin de l'année 2002, nos investisseurs, Spef Ventures et Deutsche Bank Investment Capital, se sont montrés très patients et ont accepté de nous financer à nouveau à hauteur de 3 millions de dollars. C'est ainsi que nous avons pu avancer et conclure une cinquantaine de contrats dans le domaine des médias (dont CNN), des services financiers et de l'industrie pharmaceutique. Nous avons atteint le point mort en 2004 et avons reçu cette même année plusieurs récompenses pour notre travail. Cela a attiré l'attention d'Oracle dans la deuxième moitié de 2004 et ils nous ont fait une offre de rachat que nous ne pouvions refuser. Nous avons donc conclu la vente en juin 2005. Dans la foulée, Oracle m'a proposé de devenir vice-président d'une de leur division chargée des nouveaux produits. C'est une sorte d'incubateur qui a pour objectif d'amener des activités de zéro à 20-25 millions de dollars de revenus. Une fois ce seuil franchi, Oracle peut développer commercialement l'activité au niveau mondial et mettre à son service ses équipes de vente.


J'ai certainement dû faire beaucoup d'erreurs au début."

Que vous a apporté votre formation d'avocat au cours de cette expérience ? Avez-vous été amené à compléter votre formation pour gérer TripleHop Technologies ?
Mes études de droit et mes quatre ans passés chez Cleary Gottlieb m'ont été très utiles lors des différents tours de financement et au moment de la cession de TripleHop Technologies à Oracle. Pour le reste, j'ai beaucoup appris sur le tas. Avant de créer la société, j'étais déjà un fan de techno. Pour le reste, c'est venu petit à petit mais j'ai certainement dû faire beaucoup d'erreurs au début. Le plus difficile pour moi a été de choisir les bonnes personnes, engager les bons profils pour le développement de la société. C'était d'autant plus ardu pour moi Français aux Etats-Unis que les Américains sont particulièrement bien formés pour passer des entretiens. Ils sont toujours très bons à ce moment là. Il est donc difficile de déceler à cet instant lequel sera vraiment compétent de celui qui sera un poids pour la société...

Finalement, votre formation en droit et votre expérience d'avocat a été un avantage pour vous ?
J'estime que 20 % de la réussite de mon travail a reposé là dessus, quand il s'agissait d'optimiser les contrats et les structures (payer moins d'impôts...). Les 80 % restant, c'est de l'inné, le sens des affaires et une bonne capacité d'analyse.

Quelle grande leçon de management retenez-vous de votre expérience ?
Ce qui prime avant tout, c'est la valeur des salariés, des collaborateurs et des associés. Nous n'aurions pas eu le même parcours si les personnes qui travaillaient pour TripleHop Technologies n'avaient pas eu envie de construire quelque chose ensemble et un esprit d'entreprendre. Naturellement, cela a été renforcé par des mesures d'intéressement, de participation et de stocks options. Et puis, nous avions pour principe de tenir au courant nos salariés de l'évolution de la société. Semaine après semaine, nous jouions la transparence. C'est ce qui a permis de garder l'équipe motivée après l'explosion de la bulle Internet notamment.

Aujourd'hui, vous ne souhaiteriez pas redevenir avocat ?
Cela me plairait beaucoup mais j'ai pris l'habitude de gérer des équipes, d'être dans un processus d'innovation, de créer des choses pour le marché. Et finalement, je retire plus de satisfaction de cela que d'aider un client à signer un bon contrat comme on le fait quand on est avocat. Dans ce métier, il y a quand même une certaine frustration à ne pas être en prise directe avec l'activité...


Le parcours de Renaud Laplanche

Depuis juin 2005 : Renaud Laplanche est responsable de l'incubation de nouvelles technologies au sein d'Oracle au plan mondial et de la démonstration de leur potentiel commercial avant d'en confier la pleine commercialisation aux équipes de vente d'Oracle dans le monde
1999-2005 : PDG et co-fondateur de TripleHop Technologies

1985-1999 : Avocat chez Cleary Gottlieb Steen Hamilton

Formation : DESS - DJCE Droit des affaires et fiscalité (1993) et MBA à HEC (1995)
Récompense : Entrepreneur de l'année 2002 par HEC


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