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ENTREPRISE
 
22/03/2006

Les clés du succès de Carlos Ghosn pour redresser Nissan

En partenariat avec Manageris, Le Journal du Management vous propose de décrypter les meilleures publications françaises et internationales sur le management. Ce mois-ci, le livre "Comment Carlos Ghosn a sauvé Nissan" de David Magee.
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A lire
Comment Carlos Ghosn a sauvé Nissan de David Magee (Dunod, 2003, 264 pages)
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En 1999, la situation de Nissan est catastrophique : 22 milliards de dollars de dettes, des parts de marché en baisse régulière, des pertes récurrentes, une valorisation boursière qui s'effondre. Trois ans plus tard, Nissan affiche des performances record. Le constructeur a renoué avec les bénéfices. La marge opérationnelle atteint 7,9 % du chiffre d'affaires net, le plus haut chiffre de son histoire. La dette a été réduite de plus de 80 %. Les ventes ont cessé de baisser. Le cours de l'action est au plus haut.

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Le journaliste David Magee a mené l'enquête sur ce redressement spectaculaire. Il en ressort que le style de management très personnel de Ghosn explique en grande partie les succès rencontrés. Son action a été en particulier guidée par quatre principes de management.

1. Un engagement sur les résultats
Pour mobiliser ses collaborateurs, Ghosn a poussé à l'extrême la notion d'engagement. Le dictionnaire des mots clés de Nissan la définit ainsi : "Un engagement est un objectif à atteindre. Cet objectif à atteindre doit être soutenu par des données chiffrées. Une fois que l'on s'est engagé à le tenir, seuls des événements exceptionnels peuvent empêcher sa réalisation. Si l'objectif n'est pas atteint, il faut être prêt à en assumer les conséquences." Très peu d'entreprises considèrent à ce point un objectif de résultats comme une promesse qui engage personnellement le manager concerné.

Quatre principes de management

  Prendre des engagements fermes sur les résultats
  Décider et agir vite
  Chercher les solutions à l'intérieur de l'entreprise
  Respecter la culture de l'autre sans pour autant s'imposer de s'y plier

Carlos Ghosn a été exemplaire à cet égard. Lors de l'annonce de son plan de relance, Ghosn a en effet pris trois engagements simples - le retour aux bénéfices dès la première année du plan en 2000, la réduction de moitié de la dette et une marge opérationnelle supérieure à 4,5 % du chiffre d'affaires d'ici 2002. Il a affirmé que si ces résultats n'étaient pas atteints, lui-même et tous les membres du comité exécutif démissionneraient.

Il a aussi fait preuve d'une exigence sans bornes vis-à-vis de ceux qui travaillaient avec lui. Non seulement les responsables ont été tenus d'atteindre leurs engagements, mais il leur a été demandé de se battre pour atteindre des objectifs cibles supérieurs à ces engagements. Ce système explique en grande partie que les objectifs du plan de relance, pourtant considérés comme excessivement ambitieux, aient été atteints en deux ans au lieu des trois initialement prévus.

2. Des mesures rapides
Carlos Ghosn a fait de la vitesse du changement une priorité. Il a estimé qu'il serait d'autant plus facile de retrouver la confiance du public et des salariés qu'il pourrait rapidement s'appuyer sur des résultats tangibles.

Ainsi, le processus de transformation a été enclenché avant même que l'alliance ne soit signée. Cette anticipation a permis à Ghosn d'annoncer le "Nissan Revival Plan" en octobre 1999, trois mois seulement après sa prise de fonction officielle.

Le discours d'annonce du plan de relance est emblématique de cette volonté de créer le sens de l'urgence. Carlos Ghosn a débuté sans ambages : "Les faits et les chiffres concernant Nissan font apparaître cette réalité : Nissan va mal." Il s'est aussi montré inflexible sur les délais. Les participants aux groupes de travail chargés des différents aspects du plan de relance témoignent n'avoir jamais travaillé aussi durement qu'à cette époque, et avoir dû apprendre à revoir leurs priorités. Le vice-président finance raconte ainsi : "Avant que Ghosn n'arrive, nous consacrions 60 % de notre temps à la planification. Il nous a dit de consacrer 5 % de notre temps à la planification et 95 % à l'action !"

3. Des solutions trouvées en interne
La conviction profonde de Ghosn est qu'il faut se garder d'imposer des idées préconçues ou des recettes expérimentées dans des contextes différents. Il a d'ailleurs opposé cet argument à toutes les propositions des consultants qui se sont pressés aux portes de Renault dès l'annonce de l'alliance.

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Les solutions sont venues de l'intérieur de l'entreprise. Ghosn a commencé par recueillir de très nombreux avis sur le terrain avant de se faire sa propre opinion, se rendant sur tous les sites de Nissan dans le monde. Il s'est ensuite appuyé sur des groupes de travail internes. Chargées d'une mission précise - réduire les coûts fixes, par exemple - ces équipes transverses ont dû trouver les moyens d'améliorer spectaculairement les performances. Elles bénéficiaient pour cela d'une très large autonomie, mais pas du pouvoir de décision, qui appartenait au comité exécutif auquel elles rendaient compte directement. Tous les participants décrivent l'expérience comme mémorable. Soumis à une forte pression, et à un choc culturel important pour les Japonais qui n'avaient pas été habitués à s'exprimer de la sorte, ils sont parvenus en trois mois à imaginer les solutions radicales à l'origine du succès du redressement.

4. Le multiculturalisme
Carlos Ghosn est souvent présenté comme le patron multiculturel par excellence. De fait, il est d'origine franco-libano-brésilienne, polyglotte et a travaillé sur quatre continents. Mais ce n'est pas à sa connaissance de la culture japonaise que Ghosn doit son succès chez Nissan. Au contraire ! Lorsqu'il a pris ses fonctions en 1999, il ne connaissait pour ainsi dire pas le Japon.

De nombreuses traditions japonaises remises en cause

  Le keiretsu dont fait partie Nissan est démantelé : Nissan cède ses participations dans les autres entreprises du keiretsu, et cesse de considérer ses partenaires comme des fournisseurs privilégiés.
  L'organisation féodale de Nissan est remise en cause : les postes de présidents de régions sont supprimés, les régions perdent leur autonomie en matière de trésorerie et d'achats.
  Des sites de production sont fermés, mettant fin à la tradition de l'emploi à vie.
  L'ancienneté n'est plus en facteur d'avancement.
  Une rémunération variable en fonction de la performance, pouvant aller jusqu'à 25 % du salaire annuel, est mise en place, ainsi que des primes liées au succès du plan de relance.


La conviction profonde de Ghosn s'oppose à ce que l'on entend souvent par multiculturalisme. On soutient souvent que pour travailler avec des individus d'une culture différente de la sienne, il faut connaître ces différences et adapter son comportement en conséquence. Ghosn affirme au contraire que le respect de la culture de l'autre ne peut empêcher de prendre les mesures qui s'avèrent nécessaires. Il souligne que son profil multiculturel l'a aidé à défendre ce point de vue, car on ne pouvait lui reprocher d'être influencé par son appartenance culturelle.

Cette approche l'a conduit à respecter à la fois les deux cultures d'entreprise, préservant ce qui faisait l'unicité de Nissan par rapport à Renault, et les deux cultures nationales. Mais il a su concilier ce respect avec la mise en œuvre de ses convictions, parfois antagonistes avec les traditions culturelles. En témoigne sa spectaculaire popularité au Japon, où il est même le héros d'un manga !

Ainsi, le redressement réussi de Nissan s'appuie sur la remise en cause acceptée d'un grand nombre de principes traditionnellement considérés comme immuables.

Depuis 1992, Manageris publie chaque mois la Lettre de synthèse des meilleures publications en management, qui aide plusieurs milliers de cadres à rester à la pointe des idées qui comptent en management. Par ailleurs, Manageris conçoit et anime des sites Intranet pour plusieurs dizaines de grands groupes.

 


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