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ENTREPRISE
 
05/04/2006

Le développement durable au-delà des mots

Selon les acteurs spécialisés, l'approche du développement durable et de la responsabilité des entreprises se professionnalise. Mais beaucoup de choses restent encore à faire.
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  Novethic

Au début des années 2000, l'investissement socialement responsable (ISR) s'est développé, tout comme la sensibilité de la société ou encore la démarche des entreprises autour du développement durable. Encore récemment, en mars 2006, avait lieu le 5ème Forum européen pour le développement durable et une entreprise responsable (Federe) à Paris. Mais où en est-on exactement aujourd'hui ?

Implication ou simples opérations de communication ?
Difficile aujourd'hui de passer au travers du filet lorsque que l'on communique sur le développement durable sans véritable engagement. Les exigences en matière de communication se sont accrues et les entreprises doivent fournir des preuves. Les rapports de développement durable sont exposés aux critiques ou analyses des parties prenantes : ONG, organisations syndicales, agences de notation, ISR, actionnaires... Certains classements, repris par les médias, vont même jusqu'à un affichage public des "meilleurs de la classe". Bien qu'ils s'effectuent sur différents critères, ils ont en commun l'attention portée à l'information chiffrée, quantifiée, qualitative, et l'évolution des indicateurs d'une année sur l'autre.

Il n'y a pas d'entreprise formidable"

Jean-Pierre Sicard

Les informations publiées dans les rapports sont de plus en plus souvent certifiées. Pour cela, les entreprises font appel à des cabinets d'audit tels que KPMG, Deloitte, Ernst & Young et PricewaterhouseCoopers. Elles soumettent également leur rapport à l'appréciation des parties prenantes. Celles-ci acceptent de formuler une opinion qui engage leur propre image et peuvent faire état de divergences. En tenant compte du fait que les entreprises ne sont pas parfaites, elles jugent davantage l'engagement pris à un horizon donné et précis (cinq ans par exemple). Pour Jean-Pierre Sicard, président de Novethic - centre de ressources et d'expertise sur la responsabilité sociétale des entreprises et l'investissement socialement responsable - "la majorité des entreprises ne sont pas au sommet de la transparence, mais il n'y a pas d'entreprise formidable parce qu'il y a énormément de choses à faire."


Et les entreprises qui ne communiquent pas ?
Il est de plus en plus rare que les entreprises engagées ne communiquent pas, notamment depuis la Loi NRE et la médiatisation des débats engagés en la matière. "Certaines cependant n'ont pas encore formalisé leur démarche de développement durable, en sont encore au stade des essais et attendent les résultats", remarque François Fatoux, délégué général de l'Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse). Celles-là ne communiquent pas, et à juste raison, puisque lorsque l'on commence, on ne peut plus arrêter sans se discréditer. Le reporting de développement durable est un champ nouveau qui demande un travail de consolidation dans des groupes complexes comme les multinationales. "Pour certains, ajoute Jean-Pierre Sicard, cette construction de l'information n'est pas une priorité."

D'un autre côté, certaines entreprises mettent l'accent sur des initiatives là où on attend d'elles une approche plus globale. "Il ne s'agit pas là de mensonges par omission, explique le président de Novethic. Le développement durable demande un investissement - financier, humain et intellectuel - et des processus lourds."

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D'autres encore ne se sentent pas concernées car leur secteur n'est à priori pas exposé aux critères de développement durable que sont aujourd'hui les conditions de travail, le travail des enfants, les rejets toxiques ou encore l'environnement... Ces entreprises sont donc exclues des indices de notation extra financière. C'est le cas pour la communication et la publicité dont les enjeux et responsabilités sont indirects. "Les enjeux de développement durable toucheraient ici la corruption, l'éthique, la concentration des médias, poursuit François Fatoux. Mais ils ne sont pas mis en avant pour l'instant. Ce qui intéresse les observateurs aujourd'hui ce sont les secteurs de l'industrie, de l'énergie où les entreprises présentes dans les pays en voie de développement."


Associations et agences de notation se professionnalisent
Depuis 2001, la notation extra financière s'est considérablement professionnalisée. Nombreux s'accordent pour dire que le besoin s'est fait sentir de développer des structures professionnelles et non militantes qui aient les moyens suffisants, notamment humains, de faire leur travail. "Auparavant, précise François Fatoux, la plupart des agences présentes étaient étrangères et défendaient des modèles ou référentiels anglo-saxons inadaptés en France."

Nous sommes en pleine phase d'expérimentation des différents outils"

François Fatoux

Les membres de certains acteurs, comme l'Orse ou Vigeo, sont non seulement des ONG, syndicats, mais aussi des entreprises qui n'hésitent pas à participer à leur financement. La raison est simple, nous dit François Fatoux. "Personne aujourd'hui n'a les moyens d'agir seul et nous avons besoin d'augmenter le niveau d'expertise de nos membres en mutualisant la recherche d'information et l'analyse. Notre objectif est également d'associer tous les acteurs et qu'ils aient tous le même niveau de maturité et de compréhension des enjeux." Aucune des entreprises ne peut influencer par une position dominante car l'apport est limité, à 0,5 % du capital dans le cas de Vigeo. Les agences doivent conserver indépendance et réputation pour maintenir leur légitimité.

Et aussi...
  Adopter la démarche qualité en PME

En outre, rares sont les entreprises qui cumulent l'ensemble des démarches innovantes en termes de gouvernance, environnement ou droits de l'homme. Et chacune des associations ou agences de notation ne peut pas traiter les mêmes thèmes. D'où la nécessaire multiplication des outils de mesure : HQE (haute qualité environnementale), ISO, rapports, labels, code de conduite... "Nous sommes en pleine phase d'échange, d'expérimentation des différents outils, souligne François Fatoux. Et la question se pose de la pertinence de ces outils dont aucun n'apporte de solution parfaite car il n'y a pas de système universel." En effet, l'importance de tel ou tel critère est différente suivant les acteurs, la culture de l'entreprise, le secteur d'activité, le positionnement, la géographie...


Un cercle vertueux
"Si la prise de conscience est importante, les outils de mesure et d'analyse plus affûtés, relève Jean-Pierre Sicard, le problème augmente plus vite que les solutions." La professionnalisation des acteurs ne va faire qu'accélérer le débat sur les problématiques et les enjeux du développement durable, et par conséquent l'implication des entreprises soumises aux exigences de plus en plus importantes des parties prenantes. Et le business se créé là où il y des enjeux. Dans les secteurs ultra compétitifs, rien ne différencie les entreprises mise à part la responsabilité sociale. Un point qui joue également dans les problématiques de recrutement. Par ailleurs, l'anticipation de la réglementation, des exigences du marché ou des conditions de travail, accroît les capacités d'innovation. Bref, beaucoup reste à faire.



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