17/05/2006
Vranken : la maison de champagne qui voit grand
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Un chiffre d'affaires de 250 millions d'euros et une croissance de 10 % en 2005, le groupe Vranken poursuit son développement. Ses enjeux : le haut de gamme et la conquête de l'international. |
Quand il s'installe en Champagne en 1976, Paul-François
Vranken n'a pas tous les atouts de son côté pour réussir :
belge dans une région française peu encline à s'ouvrir vers
l'extérieur, l'entrepreneur part de rien, ou de peu, et fonde ex nihilo
la maison de champagne Vranken*. Trente ans plus tard, Vranken-Pommery Monopole
est devenu le deuxième groupe du secteur, derrière LVMH, avec 9
% de part de marché.
Evolution
du chiffre d'affaires
(source : Vranken-Pommery)
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En 2005, le chiffre d'affaires du groupe s'est établi
à plus de 250 millions d'euros, en progression de 10 %. Ses ventes
en volume ont augmenté de 6 %, là où l'ensemble des
maisons de champagne ne gagne que 2,4 %. Quant au résultat net, il
bondit de 26 %, à 15 millions d'euros. Dans un secteur où les
restructurations vont encore bon train (le numéro trois, Lanson International,
vient de se faire racheter par Boizel et Chanoine, maison de taille moyenne),
Vranken-Pommery Monopole fait donc plus office de prédateur que de proie.
Une succession de rachats et de créations de marques
La montée en puissance de la petite maison Vranken est un mélange
de croissance externe bien gérée et de créations ex nihilo
réussies. Si l'aventure commence en 1976, avec la création de la
marque Vranken, il faut attendre 1983 pour que le groupe perce, avec le rachat
de la marque de cognac Charles Lafitte et son développement dans le champagne.
"Le rachat de Charles Lafitte a été un exceptionnel accélérateur
de nos ventes, se rappelle Paul-François Vranken, président fondateur
du groupe. Alors qu'avant, nous n'avions que Vranken, qui était peu connue,
avec Charles Lafitte, nous ajoutions une jolie marque à notre portefeuille."
En
rachetant une marque, on accède aux relations historiques qui la lient aux vignerons."
Paul-François Vranken |
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Mais ce Champenois d'adoption ne veut pas s'arrêter en si bon chemin :
dès 1985, il crée l'ambitieuse marque Demoiselle. "Nous avons
voulu concentrer plusieurs grands vins sur ce champagne et créer un produit
d'extrême qualité comparable à ceux des leaders, explique
Paul-François Vranken. La marque a tout de suite pris."
Jusqu'au milieu des années 90, les rachats de maisons de champagne secondaires
se multiplient puis le groupe renoue avec les grandes opérations. En 1996,
il acquiert la marque Heidsieck & C° Monopole puis en 2002,
il rachète la prestigieuse maison Pommery au leader du secteur LVHM. Ces
deux marques lui ouvrent les portes des marchés étrangers. "Si
Heidsieck Monopole a donné au groupe une dimension internationale, Pommery
lui a permis de se mondialiser", note le président. Suite au rachat
de Pommery, le chiffre d'affaires du groupe bondit ainsi de près de 70 %.
Evolution
des ventes en volume par marque
(en pourcentage, source : Vranken-Pommery)
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La constitution d'un portefeuille complet
Ces rachats successifs étaient tout d'abord guidés par la volonté
de construire un portefeuille de marques complet. C'est aujourd'hui le cas. Le
champagne Vranken, très présent dans la grande distribution, se
veut marque grand public. Heidsieck Monopole et Charles Lafitte constituent des
milieux de gamme. Trois marques viennent ensuite et constituent la "joaillerie"
du portefeuille : Pommery, Demoiselle et Diamant. Deux
marques occupent enfin le créneau du très haut de la gamme :
la Cuvée Louise de Pommery et Diamant Bleu.
Répartition
des ventes par circuit de distribution (source :
Vranken-Pommery)
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Initié par le rachat de Pommery, un repositionnement
vers le haut de gamme est en cours. La part des marques nationales, c'est-à-dire
secondaires, a ainsi reculé de 45 % à 21 % entre 1998
et 2004. Conséquence de ce phénomène, la part de la grande
distribution dans les ventes du groupe a également été réduite
de plus de dix points depuis 2000, au profit du circuit de distribution dits "traditionnels"
(cafés, hôtels, restaurants et magasins spécialisés).
Ce positionnement devrait continuer de se renforcer dans les années à
venir avec le développement de champagne de dégustation, dont le
millésime remonte à plus de dix ans.
L'enjeu des approvisionnements maîtrisé
Les rachats successifs avaient une autre raison d'être que la constitution
d'un portefeuille de marques cohérent. Ils donnaient également accès
à un approvisionnement en raisins garanti sur le long terme. "En rachetant
une marque, on accède également aux relations historiques qui la
lient aux vignerons", explique Paul-François Vranken. Les contrats
d'approvisionnement sont en effet signés pour des durées pluriannuelles,
parfois très longues. 300 hectares de vignes font ainsi l'objet de contrats
de 18 à 25 ans avec Vranken-Pommery. De surcroît, le groupe possède
en propre quelque 250 hectares de vignes. C'est beaucoup moins que le numéro
un LVMH (près de 1.000 ha), qui domine largement le secteur avec les marques
Moët & Chandon, Veuve Clicquot, Mercier, Ruinart ou Krug. Mais
c'est bien plus que les principaux concurrents de Vranken : Lanson, qui ne
possède aucune vigne, et Laurent Perrier (121 ha) .
L'approvisionnement
en raisin : les différentes sources (en
hectares, 2004, source : Vranken)
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La question de l'approvisionnement en raisin est un enjeu
stratégique dans le monde du champagne, pris entre la limitation géographique
de l'appellation AOC et la croissance continue des ventes de bouteilles.
L'image que les vignerons ont des marques est donc aussi stratégique que
celle que se font les consommateurs. "Il faut entretenir des relations régulières
avec les vignerons pour gagner leur fidélité", témoigne
Paul-François Vranken qui avait dès le début accordé
la plus grande importance à la question : l'installation de la maison
Vranken à Vertus, sur les terres des grands champagnes, lui avait tout
de suite permis de se forger une image forte auprès des récoltants.
Rationaliser la distribution
Vranken-Pommery
en chiffres
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Date de création : 1976
Chiffre d'affaires : 250,5 millions d'euros (+ 10,1 %) en
2005
Part à l'export : 45 %
Résultat net : 15 millions d'euros
Effectifs : 523 salariés dont 418 en Champagne
Introduction en bourse : 1998
Composition du capital : Paul-François Vranken (directement
ou via la holding CVHC) : 68,9 %, public : 29,9 %, autocontrôle :
1,2 %
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Dans un marché du champagne qui progresse beaucoup plus vite à l'export
(+ 17 % en volume en 2005) qu'en France (+ 6 %), le réseau
de distribution à l'international est un actif essentiel. En 2005, Vranken-Pommery
Monopole réalisait 45 % de ses ventes à l'étranger,
grâce à ses six filiales de distribution. Mais un tel réseau
coûte cher. Pour l'amortir, le groupe a signé avec les vins Listel
un accord de distribution mondial en mai 2005. 50 millions de bouteilles de rosé
devraient ainsi venir rejoindre les quelque 18 millions de bouteilles de champagne
dans le catalogue des vendeurs du groupe.
Cette diversification dans le domaine des vins et spiritueux ne devrait pas s'arrêter
là. Déjà propriétaire du porto Rozès depuis
1999, le groupe Vranken garde un oeil sur les marques pouvant potentiellement
faire l'objet d'un nouvel accord de distribution ou même d'un rachat. Tout
en prenant garde à ne pas trop s'écarter de l'image du champagne.
"Les vins Listel et le porto, de même que le champagne, sont des produits
d'assemblage de différents raisins de région, rappelle Paul-François
Vranken. Ce sont tous des produits de marque, attachés à une région
vinicole bien spécifique." Une caractéristique que devront
également satisfaire les futures marques du portefeuille.
* L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération
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