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ENTREPRISE
 
24/05/2006

Les leçons des grandes erreurs de décision

En partenariat avec Manageris, Le Journal du Management vous propose chaque mois de décrypter les meilleures publications sur le management. Ce mois-ci, "Why Decisions Fail" de Paul C. Nutt.
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Plus de la moitié des décisions ne produisent pas les résultats escomptés, selon une étude récente. Tel est le constat surprenant qui ressort d'une analyse approfondie de 400 décisions importantes prises par de hauts dirigeants d'entreprises ou d'institutions publiques, en Europe et aux Etats-Unis. Comment expliquer un tel taux d'échec ?

En première analyse, on a souvent tendance à invoquer des causes externes ou le manque de chance. En réalité, Why Decisions Fail montre que la raison de ces déconvenues tient le plus souvent à un mauvais processus de décision.

Les erreurs les plus fréquentes

Mal définir le problème à résoudre
 Ne pas prendre en compte les intérêts divergents des parties prenantes
 Ne pas se fixer d'objectifs clairs
 Se focaliser trop tôt sur une solution
 Utiliser les outils d'aide à la décision pour appuyer ses opinions et non pour conduire une analyse objective
Négliger les enjeux éthiques de la décision
 Ne pas tirer les enseignements des décisions passées


Trois principes permettent d'éviter les principaux pièges mis en évidence par l'étude :


1. Ne pas se précipiter
Lorsque nous sommes confrontés à un problème, nous avons tendance à vouloir le résoudre rapidement. Cela nous pousse à nous précipiter sur la première solution envisagée, sans prendre le recul nécessaire pour la remettre en cause ou imaginer des solutions alternatives. Or, rares sont les cas où une décision est réellement urgente. C'est pourquoi il faut prendre le temps d'analyser soigneusement le problème et d'envisager l'ensemble des solutions possibles :

S'interroger sur le réel degré d'urgence
Le sentiment d'urgence est souvent largement exagéré. Il provient souvent des pressions qu'exercent certaines parties prenantes, auxquelles il faut savoir résister. Ainsi, le maire de Denver s'est engagé dès son élection dans la construction d'un nouvel aéroport : une décision prise sous la pression des promesses électorales et des entreprises intéressées par le projet. L'échec a été retentissant : aéroport surdimensionné, coût astronomique, déficit d'exploitation récurrent, hostilité de la population, etc.

Prendre du recul sur la définition du problème
Avant de rechercher une solution, il est important de prendre le temps de valider si l'on a correctement défini l'enjeu. Par exemple, l'enjeu de Denver n'était pas tant de construire un nouvel aéroport que de pallier les insuffisances de l'aéroport existant.

Définir précisément ses objectifs
Un objectif ambigu, laissant libre court à plusieurs interprétations, peut devenir source de discorde. Ainsi, le maire de Denver a justifié sa décision par des "bénéfices économiques". Mais ses détracteurs ont fait valoir qu'il y avait des façons plus profitables de dépenser 5 milliards de dollars.

Ne pas s'en tenir à la première solution envisagée
Nous avons tendance à privilégier la première idée qui nous vient à l'esprit, au point parfois même de la confondre avec l'objectif. Construire un nouvel aéroport n'était qu'une façon de répondre aux problèmes de la ville. D'autres solutions auraient pu être envisagées avec profit.


2. Prendre le temps de la concertation
Si nous sommes persuadés qu'une décision est bonne, nous cherchons naturellement à convaincre les autres de son bien-fondé. Or, prendre en compte l'avis des différentes parties prenantes est indispensable :

A lire

"Why Decisions Fail" de Paul C. Nutt, (Berrett-Koehler Publishers, 2002)
>>> Consulter les librairies

Tenir compte des divergences d'intérêt
Trop de décideurs semblent oublier que les autres parties prenantes n'ont pas forcément les mêmes intérêts qu'eux. Ainsi, le maire de Denver a négligé le fait que United Airlines et Continental Airlines, partenaires indispensables à la réussite du projet, avaient réalisé des investissements importants dans l'ancien aéroport. La construction d'un nouveau complexe signifiait de lourdes pertes pour eux.

Se garder de la tendance à s'aligner sur la position dominante
Lorsqu'une opinion est majoritaire ou exprimée de façon très virulente, nous avons tendance à lui accorder une importance excessive. Or, chercher un consensus ne signifie pas se ranger à l'avis de la majorité. On gagne souvent à élaborer des solutions créatives en tenant compte des opinions minoritaires.

Préférer la médiation à la décision unilatérale
Même si une décision semble être la meilleure possible, l'imposer ou mettre les autres parties prenantes devant le fait accompli est un facteur d'échec. Malgré le temps et les concessions qu'elle exige, la concertation doit être privilégiée : en conférant à la décision une plus grande légitimité, elle en facilite d'autant la mise en œuvre.


3. Veiller à la rigueur de l'analyse
Enfin, l'échec sanctionne souvent un manque d'objectivité. L'étude a montré qu'un grand nombre d'erreurs auraient pu être évitées si toutes les informations à la disposition des décideurs avaient été correctement interprétées et utilisées. Il faut être particulièrement attentif à deux aspects souvent négligés :

Se méfier des biais dans l'utilisation des outils d'aide à la décision
Consciemment ou non, nous utilisons souvent les outils d'aide à la décision pour renforcer nos convictions plutôt que pour explorer des voies nouvelles. Ainsi, les responsables d'Eurodisney se sont contentés d'étudier la faisabilité du projet de parc à Marne-la-Vallée, au lieu d'évaluer et de comparer différentes options d'emplacements possibles.

Se donner les moyens d'apprendre du passé
Il faut se méfier de la tendance à répéter ses erreurs. Pour cela, il est nécessaire de faire en sorte de pouvoir tirer les enseignements des décisions prises dans le passé. Cela suppose de garder trace des décisions prises, puis d'en analyser rétrospectivement le mode d'élaboration et les résultats. Pour conduire ces analyses au mieux, il est important de lutter contre la dissimulation des erreurs et des insuffisances, en promouvant un climat où les échecs sont perçus comme des opportunités de progrès. C'est en effet paradoxalement au sein des organisations où "l'échec n'est pas permis" que l'on rencontre souvent les fiascos les plus retentissants.


Depuis 1992, Manageris publie chaque mois la Lettre de synthèse des meilleures publications en management, qui aide plusieurs milliers de cadres à rester à la pointe des idées qui comptent en management. Par ailleurs, Manageris conçoit et anime des sites Intranet pour plusieurs dizaines de grands groupes.


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