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ENTREPRISE
 
07/06/2006

Susana Lopes dos Santos (Ravisy & Associés)
Indemnités de requalification du CDD en CDI : ce qui change

Par deux arrêts en date du 22 mars 2006, la Chambre sociale de la Cour de Cassation est venue pour la première fois restreindre le droit à l'indemnité de requalification de l'article L.122-3-13 du code du travail. Le point sur les évolutions en cours.
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Les conditions de recours au contrat à durée déterminée (CDD) sont strictement réglementées par le code du travail. L'employeur qui méconnaît la loi s'expose à voir le CDD requalifié en contrat à durée indéterminée (CDI). En effet, le salarié a la faculté de saisir le conseil de prud'hommes d'une action en requalification du CDD en CDI. S'il est fait droit à sa demande, il obtiendra une indemnité au moins égale à un mois de salaire (article L.122-3-13 du code du travail).

Site
  Prud'hommes.com

Par deux arrêts en date du 22 mars 2006, la Chambre sociale de la Cour de Cassation est venue, pour la première fois, préciser que "lorsque le CDD devient un CDI du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle de travail après l'échéance de son terme, le salarié ne peut prétendre à une indemnité de requalification hors les cas où sa demande en requalification s'appuie sur une irrégularité du contrat à durée déterminée initial ou de ceux qui lui ont fait suite".


Les faits
Une assistante de vie a été recrutée en CDD, son contrat ayant pour terme le 5 août 1999 ; un électricien a lui aussi été recruté en CDD mais pour remplacer un salarié absent. Dans les affaires, il y a eu poursuite de la relation contractuelle au-delà du terme fixé, sans conclusion d'un nouveau contrat. Les salariés ont saisi la justice afin d'obtenir, entre autre, la requalification du CDD en CDI et le paiement de l'indemnité de requalification de l'article L.122-3-13 du code du travail. Leurs demandes ont été rejetées.


L'apport des arrêts
La poursuite des relations contractuelles après le terme du CDD n'entre pas dans les cas de " requalification " en CDI visés par l'article L.122-3-13 al.1er du code du travail et ne permet donc pas au salarié de demander une indemnité de requalification.

La loi exige que le CDD comporte un terme précis, fixé dès sa conclusion, sauf dans certains cas où il peut être conclu pour une durée minimale (articles L.122-1-2 et L.122-2 du code du travail).

Si la relation de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat, celui-ci devient un CDI (article L.122-3-10 du code du travail).

Selon l'article L.122-3-13 al.1er du code du travail, tout CDD conclu en méconnaissance de certaines dispositions qu'il vise expressément, est réputé à durée indéterminée. Le Tribunal, s'il fait droit à la demande du salarié de requalification en CDI, devra lui allouer, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire (al.2 du même article).

Sont visées par le 1er alinéa de l'article L.122-3-13, des dispositions définissant les conditions de régularité du CDD (motif de recours ; forme écrite ; durée et renouvellement ; délai de carence entre deux CDD), mais aussi l'article L.122-3-10 al.1er du code du travail. La jurisprudence décidait que dans toutes les situations visées à l'article L.122-3-13 al 1er du code du travail, le contrat devenait à durée indéterminée et ouvrait droit à une indemnité de requalification au profit du salarié.

Cependant, il n'en est plus ainsi, les arrêts du 22 mars 2006 venant préciser que :
Le CDD est, par l'effet de l'article L.122-3-10 al.1er du code du travail, transformé de plein droit en CDI du fait de la poursuite de la relation de travail au-delà du terme, s'il n'y a pas eu de nouveau CDD signé à la fin du terme du contrat initial ou du dernier CDD conclu.
La requalification du CDD en CDI prévue par l'article L.122-3-13 al.1er du code du travail trouve exclusivement son origine dans une irrégularité affectant la conclusion du contrat.
Le dépassement du terme CDD n'est pas une irrégularité affectant la conclusion du CDD.
Le salarié, dont le contrat s'est poursuivi delà du terme, ne peut donc venir demander le paiement de l'indemnité de requalification de l'article L.122-3-13 du code du travail, sauf s'il démontre qu'une irrégularité affecte la conclusion du CDD.


Critique des arrêts
La Cour de Cassation restreint le droit du salarié à l'indemnité de requalification aux seules hypothèses d'irrégularités commises par l'employeur lors de la conclusion du CDD initial ou de ceux qui l'ont suivi.

Elle rejette donc une application littérale de l'article L.122-3-13 al.1er du code du travail. Or, son interprétation n'est pas pleinement convaincante puisque l'article L.122-3-13 al.1er précité fait expressément référence à l'article L.122-3-10 al.1er du code du travail.

De plus, la Cour de Cassation a imposé la requalification du CDD en CDI dans un certain nombre d'hypothèses, pourtant non visées par l'article L.122-3-13 al.1er (telles que la transmission tardive du CDD ; l'absence du nom et de la qualification du salarié remplacé) témoignant ainsi de sa volonté de lutter contre la précarité de l'emploi.

Il faudra donc attendre pour voir si les juges du fond suivront l'interprétation donnée par les arrêts du 22 mars 2006.


Conséquence pratique au plan contentieux de ces décisions pour le salarié dont le CDD s'est poursuivi au-delà du terme
Si le salarié prouve que le contrat initial ou ceux qui lui ont fait suite étaient, lors de leur conclusion, entachés d'irrégularités, il aura droit à l'indemnité de requalification et pourra en plus prétendre aux indemnités de rupture et à des dommages et intérêts si son contrat (transformé en CDI) a été rompu par l'employeur sans suivre les règles du licenciement.

Cependant, certaines irrégularités imputées par le salarié à l'employeur ne seront pas toujours aisées à établir (telle que l'absence d'énonciation d'un motif précis de recours au CDD). La tâche du salarié, pour obtenir cette indemnité, risque donc d'être difficile dans certains cas.

Si la conclusion du CDD a été régulière, le salarié n'aura droit à aucune indemnité de requalification et ne pourra que réclamer les conséquences pécuniaires du non respect par l'employeur des règles du licenciement.


Cabinet Ravisy & Associés

Susana Lopes dos Santos est avocate et associée chez Ravisy & Associés, cabinet d'avocats spécialisé dans le droit social, qui défend et accompagne les salariés, cadres et dirigeants face à l'entreprise.

Consulter leur site : Prud'hommes.com


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