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CARRIERE
 
20/09/2006

Susana Lopes dos Santos (Ravisy & Associés)
Du nouveau en matière de clause de mobilité

Un arrêt du 7 juin 2006 stipule que la clause de mobilité doit préciser sa zone géographique d'application et que l'employeur n'a pas le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée.
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En l'absence de clause dans le contrat de travail, le changement de lieu de travail dans un secteur géographique différent de celui où travaille le salarié constitue en principe une modification du contrat soumise à l'accord préalable du salarié.

La clause de mobilité a donc pour objet de prévoir contractuellement l'éventualité d'une modification du lieu de travail du salarié. Ainsi, le salarié accepte expressément et par avance une nouvelle affectation géographique. Le refus d'une mutation prévue par la clause de mobilité constitue un motif de licenciement, voire une faute grave pouvant justifier un licenciement immédiat.

Par un arrêt du 7 juin 2006, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation indique que la clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et qu'elle ne peut conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée.


Les faits

Site
  Prud'hommes.com

Un salarié embauché en 1989 par une Association comme attaché de direction a accepté une clause de mobilité ainsi rédigée : "la nature commerciale de votre fonction implique la mobilité géographique de votre poste dans la zone d'activités de l'AIAC (région Alsace-Lorraine) laquelle pourra être étendue en cas d'extension d'activité". Il s'est vu proposer, 15 ans plus tard, une mutation en région Rhônes-Alpes qu'il a refusée d'où son licenciement qu'il a contesté en justice. La Cour d'Appel de Metz a rejeté ses demandes de dommages et intérêts considérant que sa clause de mobilité lui imposait une mobilité sur toute la zone d'activités de l'Association qui s'était étendue à l'ensemble du territoire national. Mais cette décision a été cassée.


L'apport de l'arrêt

1) Une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application

La validité des clauses contractuelles de mobilité géographique est admise de longue date. Sauf abus ou détournement de pouvoir, la mutation d'un salarié en application d'une clause de mobilité figurant à son contrat de travail relève en principe du pouvoir de direction de l'employeur et s'impose au salarié.

Il a été jugé qu'un contrat stipule valablement que le salarié peut être muté "dans toute société ayant un lien juridique avec son employeur, en tout lieu géographique de la zone d'exploitation des publications desdites sociétés" (Cass. Soc. 11 juillet 2001 n°3532 F-P).

Cependant, dans un arrêt du 19 mai 2004, la Cour de Cassation a prononcé la nullité d'une clause contractuelle de mobilité (qui prévoyait que "pour des motifs dictés par l'intérêt de l'entreprise, le lieu de travail pourrait être modifié") en raison de l'absence de limite dans laquelle la mutation du salarié pouvait intervenir. La clause de mobilité doit donc prévoir un périmètre de mutation.


L'employeur doit délimiter la zone précise où une mutation peut être envisagée."

L'arrêt du 7 juin 2006 va plus loin dans la mesure où y est, cette fois-ci, énoncé un principe de portée générale : la Cour de Cassation impose expressément à l'employeur de définir, de manière précise, dans le contrat de travail, la zone géographique d'application de la clause de mobilité. Il doit donc délimiter la zone précise où une mutation peut être envisagée.

L'arrêt du 7 juin 2006 a ainsi considéré que n'est pas valable une clause définissant la zone de mobilité du salarié par référence à l'activité de l'employeur.

Définir un périmètre de mutation ne suffit pas, il faut que la clause de mobilité précise son étendue. Lorsqu'il signe son contrat de travail, le salarié doit pouvoir identifier la zone géographique où il risque ultérieurement d'être muté.

2) L'employeur ne peut pas, par la suite, étendre unilatéralement la portée de la clause de mobilité quand bien même il se serait réservé cette possibilité dans ladite clause.

C'est la conséquence de la précision exigée au moment de l'acceptation de la clause de mobilité par le salarié.

L'employeur ne pourra pas ensuite étendre unilatéralement la portée de la clause de mobilité et ce, même si le contrat de travail prévoyait cette possibilité. Un salarié ne peut donc être muté dans un magasin ou un établissement créé postérieurement à la signature de la clause.

Si l'employeur veut modifier l'étendue de la clause de mobilité, il devra obtenir l'accord préalable du salarié sur la mutation proposée qu'il ne pourra pas lui imposer. En effet, la décision du 7 juin 2006 a été rendue au visa de l'article 1134 du code civil qui dit notamment que "Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise". Autoriser une extension unilatérale de la clause par l'employeur remettrait en cause la force obligatoire de la clause de mobilité qui revêt un caractère contractuel.


Critique de l'arrêt

La clause de mobilité censurée par l'arrêt ne permettait pas au salarié de savoir à l'avance dans quelle zone géographique il serait éventuellement muté. En effet, cette clause prévoyait que la zone de mobilité du salarié s'étendait au fur et à mesure que l'employeur déployait ses activités. Il pouvait dès lors être muté par son employeur n'importe où en France voire même à l'étranger pour le cas où l'activité de l'Association se soit développée hors de France.

De telles clauses n'offrent, pour le salarié, aucune prévisibilité quant au futur lieu de travail sans compter les bouleversements que leur mise en oeuvre peut engendrer sur le plan familial par exemple.

L'exigence d'une définition précise de la zone géographique de mutation dans le contrat de travail permettra certainement au salarié de s'engager en toute connaissance de cause de l'étendue de la clause de mobilité.


L'employeur devra solliciter au préalable l'accord express du salarié car il opère une modification du contrat de travail."

De plus, l'employeur qui voudrait étendre au-delà des limites fixées par le contrat de travail initial une clause de mobilité ne pourra plus le faire unilatéralement. Comme lorsqu'il envisage de modifier la qualification professionnelle du salarié, sa rémunération ou la durée du travail, l'employeur devra solliciter au préalable son accord express car il opère alors une modification du contrat de travail et non pas un simple changement des conditions de travail.

Il est certain que l'arrêt du 7 juin 2006 apporte, de part sa formulation générale, une limite au pouvoir de direction de l'employeur et implique, pour lui, plus de contraintes dans la gestion de la mobilité de ses salariés (notamment nécessité de recueillir l'accord préalable du salarié en procédant par voie d'avenant au contrat de travail).


Conséquences pratiques sur le plan du contentieux

Les clauses de mobilité générales, vagues ou imprécises dans leur champ d'application ; celles autorisant l'employeur à étendre unilatéralement le secteur géographique de mutation et même celles qui envisagent la mutation du salarié dans de futures implantations de l'entreprise risquent de ne pas être jugées comme valables. Les salariés qui ont été licenciés, sur la base de telles clauses, pour un refus de mutation pourront éventuellement obtenir des dommages et intérêts pour licenciement abusif devant le conseil de prud'hommes


Cabinet Ravisy & Associés

Susana Lopes dos Santos est avocate et associée chez Ravisy & Associés, cabinet d'avocats spécialisé dans le droit social, qui défend et accompagne les salariés, cadres et dirigeants face à l'entreprise.

Consulter leur site : Prud'hommes.com


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