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CARRIERE
 
17/10/2006

Laurence Berman Clément (Jet Tours)
"Je pense être un patron plutôt accessible"

Arrivée à la tête de Jet Tours juste avant le 11 septembre 2001, Laurence Berman Clément a réussi à redresser le tour-opérateur. Rencontre avec une dirigeante qui qualifie son style de management de féminin.
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Après neuf années passées chez EuroDisney, dans une entreprise en situation de quasi-faillite permanente, Laurence Berman Clément a pris la tête de Jet Tours début 2001 à l'âge de 36 ans. Quelques mois après, la filiale du Club Med, déjà dans le rouge, subit de plein fouet les conséquences des événements du 11 septembre 2001 et la crise du tourisme qui s'ensuit. En quelques années, la jeune dirigeante aura restructuré puis repositionné et finalement redressé le tour-opérateur, aujourd'hui bénéficiaire.

 

 

Vous êtes arrivée chez Jet Tours en janvier 2001. Quel a été votre parcours auparavant ?
Laurence Berman Clément. J'ai commencé ma carrière jeune, à 22 ans, dans un cabinet de conseil en stratégie. J'ai ensuite rejoint EuroDisney en 1991 où j'ai occupé plusieurs postes au sein de la direction stratégique. Après neuf années passées chez eux, j'ai eu envie de bouger. J'ai alors exploré plusieurs possibilités, sans me dire que le loisir était une filière dans laquelle il fallait absolument que je reste. On m'a fait des propositions dans le monde du jouet, du livre et du luxe, mais je suis restée dans ce secteur, surtout du fait de concours de circonstances.

 


J'aime le débat d'idées et la pédagogie, convaincre et transmettre, même si cela me prend plus de temps."

Comment qualifieriez-vous ces neuf années passées chez Disney ?
Ce fut une période passionnante et difficile. Arrivée trois mois avant l'ouverture du parc, j'ai d'abord vécu ce moment qui a été inoubliable et galvanisant. Ensuite, une fois ouvert, Eurodisney est assez vite entré dans le rouge, et toute l'équipe a dû œuvrer, durant quatre ans, pour redresser l'entreprise. Je dirais de ces années qu'elles furent très entrepreneuriales, marquées par l'initiative, la survie, la solidarité et la débrouillardise. Je n'ai pas connu à cette époque une entreprise où la rentabilité était bonne, où la vie était facile, où les horaires de travail était simples. Et ce ne sont ni les stock-options, ni les augmentations de salaires, qui m'ont retenue chez Disney. Comme moi, ceux qui restaient le faisaient par passion, par envie et par conviction. Vivre dans une entreprise en faillite, surtout entre 25 et 34 ans, cela vous marque.

 

Moins d'un an après votre arrivée chez Jet Tours, vous affrontiez la crise qui a suivi le 11 septembre 2001. Comment l'avez-vous gérée ?
Jet Tours perdait déjà de l'argent quand je suis arrivée début 2001 et les événements du 11 septembre qui ont entraîné pour nous un arrêt total de l'activité pendant plusieurs semaines, ont rendu inévitable le lancement d'un plan social. Nous nous sommes séparés, en octobre 2001, de 20 % de nos salariés. J'avais déjà vécu, chez EuroDisney, un plan de restructuration, mais jamais en tant que dirigeant, et cela a été humainement très dur. Cette étape s'est toutefois assez bien passée, car il y eu à ce moment, dans tout le secteur du tourisme, un véritable élan de solidarité. Et les salariés ont compris que l'entreprise ne survivrait pas si on n'en passait pas par là. Finalement, ce plan social n'a pas été associé à ma personne, ni à mon arrivée dans la société.

 

Jet Tours en chiffres

304 millions d'euros de chiffre d'affaires au 31/10/2005
357 salariés
282 000 clients en 2005
Actionnaires : Détenu à 99.85 % par le Club Méditerranée depuis 2001

Quelles sont les plus grandes satisfactions que vous tirez de ces six années passées à la tête de Jet Tours ?
La première est d'être personnellement associée au renouveau de Jet Tours et au succès de son repositionnement. C'est pour moi une belle réussite managériale. Une autre est d'avoir été acceptée et reconnue dans ce métier. Débarquée à 36 ans à la tête de Jet Tours, alors que j'étais issue d'un autre secteur, je craignais d'être longtemps considérée comme un transfuge dans un milieu très masculin, où beaucoup de dirigeants ont fait toute leur carrière. Mais j'ai finalement acquis une légitimité aux yeux de mes concurrents, des syndicats et des pouvoirs publics.

 

Avec le recul, qu'auriez-vous fait autrement ?
J'aurais sans doute moins évoqué notre stratégie aux journalistes. Certaines données sont en effet difficilement transmissibles et certaines études de marché ne gagnent pas à être expliquées publiquement. D'une manière générale, dire que l'on développe une offre segmentante, que l'on va concevoir des produits spécifiques pour certaines catégories de clients, nuit à l'image. On a par exemple dit, à l'occasion de la parution de nos nouveaux catalogues, que Jet Tours se tournait désormais vers les riches, ce qui n'est pas vrai du tout.

 


Je fonctionne beaucoup avec la confiance et la complicité."

Quel est votre style managérial ?
J'aime le débat d'idées et la pédagogie, convaincre et transmettre, même si cela me prend plus de temps. Je n'aime pas les conflits et n'ai pas l'habitude de donner des ordres. Tout cela explique mon style de management, très consensuel et participatif, assez féminin finalement. De plus, sans doute parce que j'ai commencé ma carrière assez jeune, je fonctionne beaucoup avec la confiance et la complicité. Je pense être un patron plutôt accessible. C'est vrai qu'en contrepartie, je suis également très exigeante et impatiente. Cette exigence est presque extrême parce que je me l'applique aussi à moi-même. Pour résumer, je dirais que je délègue beaucoup mais que je n'aime pas être déçue. Je reconnais par contre le droit à l'erreur et je ne sanctionne pas quelqu'un à qui j'ai fait confiance.

 

Qu'est-ce qui vous plait le plus dans votre fonction ?
Outre la dimension de partage d'idées, le côté représentante de l'enseigne, le fait d'être "Madame Jet Tours", me plaît beaucoup. Etre ambassadrice d'une marque et en faire évoluer la perception, en interne comme en externe, est quelque chose de passionnant. D'autant plus que cette marque, comme Disney d'ailleurs, est tournée vers le grand public, avec une image qui n'est pas acquise d'avance. C'est donc un véritable challenge. J'aurais probablement moins de plaisir à travailler pour une marque B to B.

 


Etre ambassadrice d'une marque et en faire évoluer la perception, en interne comme en externe, est quelque chose de passionnant."

Quelles qualités souhaitez-vous retrouver chez vos collaborateurs ?
Il y a bien sûr le dynamisme. J'apprécie également l'indépendance de jugement et la faculté d'une personne à parfois contredire ses supérieurs et à remettre en cause ce qu'on lui dit. Je pense que cela me vient de ma formation aux Etats-Unis et des neuf ans que j'ai passés chez Disney. La culture managériale anglo-saxonne valorise les qualités d'initiative, d'autonomie et l'esprit d'entreprise. Et elle reconnaît par conséquent mieux le droit à l'erreur.

 

Comment conciliez-vous vie professionnelle et vie de famille ?
Pour être honnête, lors du redressement de Jet Tours, je ne sais pas comment j'aurais pu concilier mon travail avec une vie de famille. Mon premier enfant est arrivé après et il est vrai que cet équilibre est plus facile à gérer maintenant que l'entreprise est sur les rails. Sinon, je vous dirais que, comme pour beaucoup de femmes, cela passe par une organisation en béton et une logistique importante. Je sais aussi que, si je dois faire face demain à une nouvelle situation de crise, je pourrai compter sur une équipe en qui j'ai confiance. C'est ce que j'ai d'ailleurs fait durant mon congé maternité.

 

Avec cette vie bien remplie, comment vous y prenez vous pour décompresser ?
Je pratique, de façon régulière, la natation et les sports aquatiques en général. Je voyage aussi, une fois par an, pendant deux semaines, de façon itinérante et dans un coin très dépaysant. Je ne cherche pas forcément des conditions de vie très rudimentaires mais une vraie rupture avec le mode de vie occidental. Et bien sûr, je décompresse tous les jours avec la joie de mon enfant.

 

 

Parcours

Depuis janvier 2001 : directeur général de Jet Tours et membre du comité exécutif du Club Méditerranée.
1997 : vice-président de la stratégie et des partenariats, EuroDisney
1996 : directeur général de Disneyland Paris Vacances
1991 : directeur de la stratégie, EuroDisney
1987 : consultant en stratégie, Booz-Allen & Hamilton
Formation : Essec 1986 et MBA (Université de Chicago - 1987)




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