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CARRIERE
 
17/10/2006

Savoir improviser

Paradoxalement, l'art d'improviser ne s'improvise pas. Cadrer son discours, stimuler son imagination... Les conseils d'une spécialiste pour réussir ce tour de force.
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Ne jamais être pris de court, s'adapter à toutes les situations, répondre avec esprit aux questions les plus inattendues... Seul un très bon improvisateur s'en tirera avec panache. Et pourtant, réagir aux situations imprévues, cela s'apprend. Il s'agit, pour ce faire, de développer des aptitudes d'écoute, de présence, d'organiser sa pensée et de stimuler son imagination. Michèle Taïeb, formatrice, comédienne et auteur d'Improviser aux Editions d'Organisation, dévoile ses méthodes d'apprentissage de l'improvisation.


Un préalable incontournable : s'impliquer
Un prérequis indispensable pour improviser avec succès est d'être concentré. "La présence que montrent certains n'est pas une chose magique, explique Michèle Taïeb. Elle n'est que la preuve qu'ils se situent intensément dans l'instant présent." Concentration et implication sont donc des conditions sine qua non d'une bonne improvisation. Il ne s'agit pas de produire du vide, mais bel et bien de transmettre un contenu.

Deuxième préalable : "avoir une écoute active. On n'improvise pas sur rien." Il s'agit donc également de se défaire de ses a priori et de ne pas prêter à l'autre ses propres interprétations. C'est en ayant bien compris l'autre que l'on saura être pertinent.


Définir le cœur du message à transmettre
Pour Michèle Taïeb, il est important de comprendre que l'improvisation ne fera jamais de miracle. "Il n'est pas question de partir chez un client sans avoir cadré les choses : ce que l'on veut, les arguments qu'il pourrait nous opposer..." La première chose à faire est donc de définir clairement l'essentiel du message que l'on veut transmettre.

Une fois que c'est fait, on peut libérer son imagination. Or pour cela, il faut se faire confiance. "Et la première étape, pour se mettre en confiance, est d'accepter le dérisoire dans ce que l'on produit." Il ne faut donc pas focaliser sur la peur du ridicule.


Se poser des questions pour stimuler son imagination
Ce que Michèle Taïeb résume ainsi : "Evidemment, l'improvisation consiste à produire dans l'immédiat. Mais plus on s'est entraîné à jouer avec son esprit, plus on peut éviter les paniques, être sûr de soi et s'appuyer sur de bons réflexes."

Pour stimuler son imagination et s'ouvrir des possibilités, la meilleure des méthodes consiste à se poser un certain nombre de questions. Il faut, dans l'ordre :
- examiner les circonstances,
- clarifier l'objectif,
- repérer les obstacles.

Plus on s'est entraîné à jouer avec son esprit, plus on peut s'appuyer sur de bons réflexes."

Michèle Taïeb

Lors des formations qu'elle anime en entreprise, un exercice que propose Michèle Taïeb pour entraîner les participants à se poser ces questions est de mimer l'ouverture d'une porte. "Ils devront commencer par s'interroger : peut-être est-ce le milieu de la nuit, je suis donc mal réveillé et inquiet de ce qui m'attend ; l'objectif est d'aller ouvrir la porte ; les obstacles sont mon envie de me rendormir ou ma peur d'apprendre une mauvaise nouvelle. Certes, cet exercice semble très théâtral, mais le questionnement "circonstances, objectif, obstacles" est fondamental dans le contexte professionnel."

Le principe d'un tel exercice est qu'à force de jouer avec les hypothèses et les métaphores, le cerveau va s'habituer à créer des associations d'idées et acquérir un certain nombre d'automatismes. Ainsi, nous nous habituons à mobiliser les ressources adéquates à une construction intellectuelle.


Organiser son discours
"Naturellement, il n'est pas possible de préparer le cœur de son improvisation, note notre experte. Ce qu'il est important de préparer, c'est son cadre." En l'occurrence, il convient de pouvoir s'appuyer sur une structure de discours, "comme sur un déambulateur", pour ne pas avoir à se soucier de l'organisation de ses idées et pouvoir se concentrer sur les idées elles-mêmes.

Ainsi que l'indique Michèle Taïeb, "on ne peut improviser dignement si on ne connaît rien du sujet. A l'inverse, en sachant trop de choses, elles risquent de se bousculer et de nous encombrer. Il est particulièrement utile, dans ce cas, de pouvoir se saisir d'un cadre." En voici les exemples les plus courants.

La règle de trois
Ce cadre sert à faire passer une information capitale. On dit l'essentiel en introduction, puis on explique à l'aide de quelques idées ou exemples, avant de conclure en reformulant le coeur du message pour quitter l'auditoire sur une idée forte.

Il est impossible de préparer le cœur d'une improvisation. Ce qu'il est important de préparer, c'est son cadre."

Michèle Taïeb

La méthode de Laswell
Bien connue des journalistes, cette méthode est utile lorsque l'on doit communiquer une information large : partager de l'information sur un dossier, dîner avec un client... Elle consiste à répondre aux questions suivantes : qui ? quoi ? où ? quand ? pourquoi ? et comment ?. "Cette astuce fonctionne toujours et peut aider à n'importe quel moment", affirme Michèle Taïeb.

Le SOSRA
Ce cadre s'utilise si on nous demande notre opinion. Il consiste à Situer le sujet dans son contexte, émettre des constats et éléments d'Observation, exprimer son Sentiment vis-à-vis de la situation, émettre des Réflexions plus intellectuelles sur le sujet, puis énoncer comment il faudrait Agir.

Le cadre dialectique
Suivant un plan "thèse, antithèse, synthèse", il est particulièrement adapté en situation de polémique, devant un sujet qui fait question.

L'improvisation en quatre temps
"Elle se prête à toutes les situations, à condition de ne pas pratiquer la langue de bois et de s'impliquer réellement", précise Michèle Taïeb. Il s'agit d'introduire le sujet en répétant le thème ou la question, d'exprimer son sentiment, de situer le problème dans un champ plus vaste, puis de donner sa position et d'énoncer son coeur de message, qui constitue ainsi le temps fort de la réponse.

A lire
"Improviser. 96 fiches techniques à l'usage du formateur" de Michèle Taïeb (Editions d'Organisation - 2006)

>>> Consulter les librairies
Le cadre chronologique
Michèle Taïeb recommande particulièrement ce dernier cadre aux esprits rationnels ainsi qu'aux problèmes qui se développent de façon progressive.

Il ne reste plus qu'à s'entraîner régulièrement pour s'approprier ces différents cadres. Improviser son discours sans savoir à l'avance de quelle matière il sera constitué.


Attention aux pièges !
Pour réussir une bonne improvisation, plusieurs tentations sont à repousser. La première est de céder à l'appel du cliché. "On croit qu'on invente quelque chose alors qu'on n'invente rien", prévient Michèle Taïeb. La première mesure, si l'on a tendance à produire des clichés, est donc d'essayer d'en prendre conscience. "Ensuite, si un cliché nous vient à l'esprit, il ne faut pas forcément l'exclure, mais plutôt s'appuyer dessus, l'interroger pour aller plus loin, éventuellement le détourner." Un autre piège classique est de prendre le contre-pied du cliché, en forçant sur l'originalité. "Or, comme pour le cliché, c'est aller trop vite."

Pratique
Toutes les fiches conseils
Enfin, il est important de se souvenir qu'en situation d'improvisation, on doit être capable, si cela est nécessaire, de remettre en cause l'objectif que l'on s'était fixé et d'en définir un autre. "Cela peut même permettre d'aller plus loin."


Une astuce salutaire
Enfin, à une question embarrassante, ne pas hésiter à répondre : "Et vous, qu'en pensez-vous ?" ou encore "Pourquoi me demandez-vous cela ?" Comme le souligne Michèle Taïeb, "cela vous laissera toujours le temps de réfléchir à la réponse".

Parcours

Michèle Taïeb a suivi une double formation : universitaire et théâtrale. Titulaire d'un DEA sur la représentation et d'un diplôme d'Etat en art dramatique, elle s'ouvre à l'Entreprise où elle conçoit et anime divers modules de communication (expression orale, lecture à haute voix, conduites d'entretien, de négociation...) dans différentes structures (à l'Ecole Française du Barreau, l'ESSEC, la RATP, l'IFOREP etc...) et auprès de divers publics (salariés, cadres, formateurs...).


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