Journal du Net > Management > Joël Roques (The Hackett Group)
Interview
 
13/02/2007

Joël Roques (The Hackett Group) : "Aujourd'hui les CSP intègrent plus que des processus à faible valeur ajoutée"

Regrouper les fonctions support de plusieurs entités d'une entreprise, c'est l'idée des centres de services partagés. Une organisation qui permet de gagner en productivité et en qualité. Les explications d'un spécialiste.
 EnvoyerImprimer 

 

Joël Roques, Analyste senior
The Hackett Group

 

The Hackett Group a rendu les conclusion de son étude sur les centres de services partagés (CSP), réalisée auprès de plus de 2.000 entreprises de taille internationale (dont 80 françaises). Joël Roques, analyste senior, revient sur ces résultats et explique comment les CSP peuvent allier performance économique et haut taux de qualité de service, notamment dans la fonction ressources humaines.

 

Qu'est-ce qu'un centre de services partagés  ?

Joël Roques. Le principe consiste à prendre la partie transactionnelle - création de factures, reporting, gestion de dossiers... - des fonctions support de plusieurs entités géographiquement distinctes pour les centraliser en un seul et même lieu. Ceci de préférence où le coût de la main d'œuvre est bon marché. Les CSP centralisent les processus, les simplifient et les rationalisent. Ils constituent une sorte de service client interne à disposition des business units. On obtient, au final, plus de qualité pour un coût moindre.

 

"18 % des entreprises ayant un CSP ont vu leurs coûts baisser de plus de 40 %."                            

Cette organisation est apparue dans les années 1980 dans les pays anglo-saxons, d'abord pour la fonction finance, puis achat et informatique et enfin pour les ressources humaines, qui rattrapent rapidement leur retard.

Dans les DRH, ce sont d'abord les fonctions administratives de paye et de gestion des dossiers du personnel qui ont été partagées. Aujourd'hui, les CSP sont plus matures et sont capables d'intégrer plus que des processus à faible valeur ajoutée. Ainsi, en 2006, 38 % des CSP incluaient des processus d'aide à la décision. 76 % d'entre eux ont prévu de le faire d'ici trois ans. Pour la DRH, cela concerne la gestion de la formation, des plannings, des budgets, voire du recrutement.

 

Quel est l'impact de la mise en place d'un CSP sur la productivité et la qualité de la relation client ?

23 % des entreprises estiment que la qualité de la relation client a augmenté de 10 %, 34 % ont chiffré l'amélioration entre 10 % et 20 %, et 27 % d'entre elles pensent qu'elle a augmenté de plus de 20 %.

En ce qui concerne la productivité, 22 % des entreprises interrogées estiment avoir gagné jusqu'à 10 % de productivité, 44 % d'entre elles pensent que le gain se chiffre entre 10 et 20 %, et 20 % disent avoir gagné plus de 20 % de productivité. A noter que sur ces deux points, seuls 3 % des répondants ont estimé que le CSP avait eu un impact négatif.

 

Comment expliquer la meilleure maîtrise des coûts  ?

18 % des entreprises ayant un CSP ont vu le coût de la fonction partagée baisser de plus de 40 %. Il y a deux raisons principales à cela. Tout d'abord les synergies : les CSP permettent d'éliminer les différences de procédures entre les entités pour n'appliquer qu'un process unique, rationalisé et donc le plus efficient possible. Il est également optimisé grâce à un système d'information performant et un moindre recours au middle-management.

L'autre point clef réside dans la baisse des coûts de main d'oeuvre. Les déplacements géographiques vers des lieux à faible coût du travail permettent de diviser ces frais de trois à dix fois. Historiquement, en Angleterre, les services partagés ont d'abord été localisés dans le Nord du pays ou en Ecosse, puis en Irlande. Ensuite, les entreprises européennes se sont déplacées vers la péninsule ibérique puis en Europe de l'Est. Plus récemment est apparu le off-shoring, c'est-à-dire le déplacement dans des pays beaucoup plus lointains, tels que l'Inde, la Chine, les Philippines ou le Vietnam.

 

Quelles sont les conditions à remplir pour que la création d'un CSP soit réellement intéressante, notamment en terme de taille ?

Les progrès de la technologie ont permis une rationalisation plus forte, ce qui a eu pour conséquence d'abaisser le seuil d'accessibilité vers les moyennes entreprises. Dans notre panel d'enquête, un quart des entreprises ont un chiffre d'affaires inférieur à 500 millions d'euros. Avant, un CSP devait comporter une centaine de personnes pour être viable. Aujourd'hui, 20 employés peuvent suffire.

 

"Aujourd'hui, un CSP de 20 personnes est viable."

Par contre, il est vrai que plus les activités de l'entreprise sont éclatées géographiquement, plus le gain économique sera important. Toutefois, la qualité de service est aujourd'hui devenue un facteur prépondérant dans la décision de mettre en place un CSP. Par exemple, une entreprise dotée d'une stratégie de rachat de petites entités peut y trouver une solution à ses problèmes d'intégration. Dans ce cas, la stratégie n'est pas nécessairement de s'implanter dans des pays à bas coût. Lorsque l'on a demandé à notre échantillon d'entreprises la raison pour laquelle elles ont mis en place un CSP, 93 % ont répondu le coût et 75 % ont cité la qualité du service et le gain de temps. Des chiffres au coude à coude alors qu'il y a 15 ans, seul le gain économique comptait.

 

Combien cela coûte- t-il de mettre en place un CSP ?

Cela dépend du point duquel on part. Ce qui coûte le plus cher, c'est l'acquisition d'un système d'information performant. Souvent, l'idée de mettre en place un centre de services partagés naît du besoin de changer de SI. Pour 86 % des entreprises, le retour sur investissement s'est fait entre 1 et 4 ans.

 

Quels peuvent être les freins à la mise en place d'un CSP ?

Outre les freins classiques au changement, certains responsables d'entités stratégiques craignent la perte du contrôle direct, ainsi qu'une certaine perte de pouvoir, jusqu'à ce qu'ils se rendent compte qu'ils gardent un réel contrat avec le CSP. A cela s'ajoute bien sûr la question de la perte d'emploi locale.

 

Attention toutefois : on a tendance à assimiler création de centres de services partagés avec externalisation, alors que ce sont deux choses bien distinctes. Or seulement 7 % des entreprises que nous avons étudiées ont externalisé leurs process. Un chiffre qui ne devrait guère dépasser les 11 % dans 5 ans.

 

 

 
PARCOURS
 
 

Joël Roques est Senior Business Advisor au sein de The Hackett Group. Il supervise pour l'Europe les programmes de recherche et de conseil destinés aux fonctions Finance en entreprise. Avant cela, il a passé 11 ans au sein de cabinets de conseil, spécialisés entre autre dans la transformation financière, l'installation des services partagés et la conduite du changement. Les 10 années précédentes, il a occupé des postes à responsabilités au sein de directions financières pour des groupes pétrochimiques et d'ingénierie civile, en France et en Grande-Bretagne. Il est également professeur associé au sein de l'Ecole de Management.

 

 


JDN ManagementEnvoyerImprimerHaut de page

Sondage

Penserez-vous à votre travail pendant les fêtes de fin d'année ?

Tous les sondages