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Interview
 
16/10/2007

Luc de Brabandere (BCG) : "C'est la créativité qui permet à une entreprise d'initier le changement, plutôt que de le subir"

La créativité ne consomme aucune ressource, et pourtant, elle a fait les success story de la nouvelle économie. Philosophe d'entreprise, Luc de Brabandere, rappelle la valeur des idées dans le management.
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Luc de Brabandere, Philosophe d'entreprise et directeur associé du Boston Consulting Group.
 

Philosophe d'entreprise, Luc de Brabandere n'apporte, aux dirigeants qu'il rencontre, "ni fait, ni chiffre, ni vérité". Dans son dernier ouvrage, La valeur des idées, il rappelle le rôle fondamental de la créativité dans le management. Il invite les dirigeants à ne jamais cesser de douter et à savoir remettre en cause les modèles et stratégies sur lesquels leur entreprise a fondé sa réussite... avant qu'il ne soit trop tard.



Dans votre ouvrage, vous opposez capacité d'innovation et créativité. Quelles différences relevez-vous entre ces deux notions ?

Luc de Brabandere. Je dirais que l'innovation est une capacité à changer les choses, à les faire évoluer et donc à transformer le réel. La créativité est, au contraire, une capacité à transformer sa perception du réel. Ainsi, la créativité, contrairement à l'innovation, ne requiert nulle ressource humaine ou financière, nulle énergie.

Prenons un exemple. La marque Bic a innové lorsqu'elle a lancé sur le marché les stylos à quatre couleurs. Mais elle a fait preuve de créativité lorsqu'elle a cessé de se percevoir comme simple fabricant de stylo, mais comme créateur de produits jetables et s'est mise à produire briquets et rasoirs.

 

Pourquoi affirmez-vous qu'aujourd'hui plus que jamais, la créativité est une ressource essentielle pour l'entreprise ?

"Alors que l'innovation transforme le réel, c'est la créativité qui permet de changer sa perception du réel"

Pour que leurs idées ou leurs projets portent leurs fruits, les entreprises doivent mettre en œuvre des stratégies stables et continues. Parallèlement, la vitesse à laquelle nos sociétés et nos économies évoluent est extrêmement rapide. La conséquence est qu'entre ces deux contraintes, les corrections, que l'on appelle variablement "sauts stratégiques" ou "changements de paradigmes", sont plus fréquentes. Les entreprises sont donc plus souvent contraintes à de radicales remises en cause de leurs modèles.

Or, la créativité est précisément ce qui permet à une entreprise de se construire une perception nouvelle, plutôt que de se la voir imposer par la force des choses, d'initier le changement plutôt que de le subir. C'est ce qu'Apple a réussi à faire, avec l'iPod et iTunes. A l'inverse, Lego, pourtant considéré comme une entreprise révolutionnaire dans les années 80, n'est pas parvenu à aborder le virage des jeux vidéo et des NTIC et ne s'est adapté que très tard, après de longues années de crise.

 

Quelle attitude managériale peut stimuler la créativité dans les entreprises ?

"Il faut institutionnaliser le doute à tous les niveaux de l'entreprise"

Il faut d'abord être conscient qu'il est toujours plus facile d'avoir des idées nouvelles que de changer les idées existantes. Ceci explique sans doute que Google, eBay ou YouTube n'ont pas été fondées par de grandes multinationales. En effet, une entreprise a toujours tendance à figer, presque à sacraliser ses idées ou son modèle, comme une sorte de recette magique.

 

 
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La valeur des idées

Editions Dunod

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Face à cela, il faut, je crois, institutionnaliser le doute à tous les niveaux de l'entreprise. Douter, c'est se rappeler que l'on a figé ses idées par rapport à un contexte et pour un temps donnés et que rien n'assure que, dans x années, ces idées soient encore pertinentes. Douter, c'est finalement "désacraliser ses idées", opérer le processus inverse afin de ne pas laisser l'entreprise se rigidifier autour de son modèle. Et un brainstorming où l'on ne touche pas au "sacré" ne sert à rien.

 

A quoi doit ressembler l'entreprise de demain ?

Face à l'incertitude, deux attitudes mentales sont possibles. La première consiste à s'efforcer de diminuer l'incertitude, en tentant de tout prévoir et dans le but d'établir des plans à trois ou cinq ans. La seconde consiste au contraire à se préparer à l'incertain, à réguler, à toujours envisager trois ou quatre "futurs" possibles. J'utilise, dans mon livre deux images pour illustrer cette seconde attitude. D'abord, celle d'une construction antisismique, prête à faire face à des secousses, dont le moment comme l'intensité est tout à fait imprévisible. Ensuite, celle de la climatisation : plutôt que de chercher à prévoir le temps qu'il fera demain, l'entreprise doit faire de la climatisation financière, industrielle, etc…

 


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