Négociation vue de l'intérieur
"C'est un orthodoxe de la CGT qui a signé
l'accord"
Dominique
Laurent, DRH d'ElcoBrandt
Le contexte de la négociation
|
Année
|
2002 |
Secteur
d'activité |
Electroménager |
Objectif |
Un
nouveau régime de protection pour tous
les salariés |
Enjeu |
Couvrir
les salariés à un moindre coût |
Obstacles |
Cinq
organisations syndicales |
L'équipe
de négo |
Deux
personnes et un courtier d'assurance |
Tactique |
Jouer
la pédagogie |
Durée
de la négo |
Trois
mois |
Bilan
final |
Nouveau
régime de protection accepté à
l'unanimité |
Quels
étaient les enjeux de cette négociation ?
Les
discussions touchaient à des sujets sensibles : la
santé et la rémunération. Les salariés bénéficiaient auparavant
d'un régime standard de protection
sociale et de prévoyance qu'il
allait falloir renégocier avec les compagnies d'assurance.
Par ailleurs, les ouvriers de trois sites ne bénéficiaient
pas de régime obligatoire de prévoyance. Nous avons donc
décidé de négocier un nouveau régime pour tous. Cela représentait
un coût élevé pour l'entreprise et le salarié, puisque tout
deux participent à son financement. Nous souhaitions
conserver la même proportion dans l'effort fourni par chacun.
Comment
s'est passée la préparation de la négociation ?
Elle a duré trois mois. J'ai dû négocier en interne avec
le directeur financier pour le budget et expliquer nos objectifs
aux DRH des différents sites. Le sujet était très technique,
il fallait donc préparer le terrain. Nous craignions des
grèves dans les sites concernés.
Connaissiez-vous
les négociateurs ?
En face de nous, nous avions
cinq organisations syndicales et un expert
en assurance. Je
les avais déjà rencontrés. Mais la négociation nous a permis
de mieux nous connaître, un atout pour la suite.
Etiez-vous
stressé ?
J'étais préoccupé par notre échéance : il fallait signer
avant le 20 décembre, il nous restait donc trois mois.
Quel
était l'état d'esprit des syndicats ?
Les partenaires sociaux n'étaient pas très sensibles à ce
thème. Un an auparavant, Elco avait été racheté
par Brandt. Les syndicats étaient donc davantage
sensibles à la fragilité économique et sociale de
l'entreprise. En plus, sur cette négociation ils
avaient l'impression d'être mis au pied du mur sur un sujet
très technique. Pour eux, notre empressement cachait quelque
chose, ce qui les rendaient très méfiants. Nous avons dû
faire beaucoup de pédagogie. Pour les trois sites sans prévoyance
pour les ouvriers, les syndicats étaient réticents car une
protection signifie aussi une ponction sur les salaires.
Globalement, l'ambiance était bonne, même si une certaine
tension existait entre les deux parties, mais aussi entre
les partenaires sociaux eux-mêmes.
Comment
se déroulaient les séances de négociation ?
Nous étions dans une petite salle, chacune des parties d'un
côté de la table. Nous avions un paper-board pour expliquer
les aspects techniques. Les séances duraient une
demi-journée complète. Les représentants des syndicats venaient
des quatre coins de France. La préparation de la négociation
a donc été plus difficile pour eux. D'autant plus que chaque
organisation avait ses propres points de vue. Elles interrompaient
parfois les séances pour pouvoir se concerter. Mais il n'y
avait pas de barrage à la compréhension mutuelle, si ce
n'est la technicité.
Avez-vous
utilisé les divergences qui existaient entre les
organisations syndicales ?
Nous avons effectivement joué sur les positions de chaque
organisation. Nous nous sommes parfois servis des minoritaires
favorables à l'accord et dont la seule signature suffisait
pour valider l'accord.
Quel
a été le résultat des négociations ?
Nous sommes parvenus à un accord unanime. Nous n'avions
besoin que de la signature d'un seul syndicat, mais il était
pour nous très important que tous signent. La CGT était
traversée par deux courants, l'un opposé et l'autre favorable
à notre projet. C'était une négociation gagnant gagnant.
Chacun a fait des concessions. Par exemple, la protection
sociale et le régime de prévoyance obtenus coûtent plus
cher à l'entreprise puisque plus de salariés sont protégés.
Avez-vous
fêté la signature ?
Non. Nous avons juste dit que c'était un succès. C'est un
orthodoxe de la CGT qui a dû signer l'accord !
Quel
enseignement tirez-vous de cette expérience ?
Pour les grandes négociations et sur des sujets techniques,
il faut prendre son temps.
Pour
vous, la négociation est-elle une science, un art ?
Ni l'un, ni l'autre. C'est un métier. Cela s'apprend. Ceux
qui n'ont pas d'expérience peuvent arriver au même résultat,
mais au prix de plus de concessions. En tout cas,; il y
a une chose étonnante : lorsqu'on est un négociateur
dans son travail, on le devient aussi dans sa vie privée.
On utilise inconsciemment des techniques de négociation.
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