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DOSSIER
 
20/10/2004

Gérer l'urgence
Les professionnels de l'urgence

Leur métier les amène à gérer des urgences parfois extrêmes. Leurs conseils pour aborder l'urgence.
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Jean-Louis Fiamenghi, 54 ans, Commissaire divisionnaire chef du RAID

"Conserver une perception générale"

Jean-Louis Fiamenghi est entré dans la police comme officier en 1972, à la brigade de répression du banditisme. Il a ensuite intégré la brigade anti-gangs, puis est parti à l'étranger pour former des unités anti-terroristes. Par la suite, il a successivement été chef de groupe d'intervention en Nouvelle-Calédonie et commandant de police chef de circonscription en Seine-et Marne, avant d'être muté à la section opérationnelle des Renseignements généraux pour la lutte anti-terroriste. Jean-Louis Fiamenghi a mis ses compétences au service du RAID (unité de Recherche, d'assistance, d'intervention et de dissuasion) depuis trois ans. Dépendant directement de la Direction générale de la police nationale (DGPN), son unité apporte son soutien lors d'opérations spéciales, dont les plus spectaculaires sont souvent médiatisées.


Dossier
Savoir travailler dans l'urgence

Pour vous, qu'est-ce que l'urgence ?
Jean-Louis Fiamenghi. L'urgence, pour moi, c'est le temps, une pression et des territoires particuliers. Chez nous, la police, on arrive toujours dans les situations d'urgence des autres. Sur le lieu de l'intervention, le policier est un relais censé calmer la situation, et apporter sa technicité pour trouver une solution. Ceci n'est pas l'apanage du RAID. Le policier de base est constamment dans l'urgence, c'est son quotidien. Dans un temps très rapide, il doit amener des solutions pour faire baisser la pression.

Comment êtes-vous formé à affronter les situations d'urgence ?
Il existe différents stages de gestion du stress. En effet, on a beau avoir suivi un enseignement en gestion de crise et en gestion d'urgence, si on ne supporte pas la pression, on a du mal à faire face. Au fur et à mesure que l'on s'élève dans l'échelle hiérarchique, on reçoit des cours de management sur la gestion de crise, dans lesquels on nous explique les points importants. Les commissaires ont un rôle important à jouer : en amont, ils interviennent eux-mêmes pour donner des cours de gestion de crise, et pendant les opérations, leur propre façon de gérer la crise influence la réaction des hommes qu'ils managent. S'ils gèrent mal leur stress, l'équipe réagit mal.

Quelles méthodes mettez-vous en œuvre quand il s'agit de prendre les bonnes décisions en un temps limité ?
Nous sommes très organisés. Nous mettons en place différentes cellules qui vont permettre, chacune dans leur domaine, d'analyser la crise, dans le but de faire remonter les informations pertinentes au PC opérationnel, avec l'objectif final qui est de prendre les bonnes décisions dans des situations où l'anormalité est la règle. Par exemple, sur une prise d'otage. Nous arrivons au beau milieu d'un ensemble d'acteurs différents : magistrats, fonctionnaires de police, etc. Nous proposons alors notre propre organisation des choses, dans laquelle ils sont intégrés. En tant que chef du RAID, mon objectif est de mettre en place une synergie entre ces différents acteurs, et de soulager parmi eux les personnes qui n'ont pas forcément l'habitude de faire face à ce type de pression. Cela demande du calme et de la sérénité, et surtout, de prendre suffisamment de recul.


On arrive à cultiver le sang froid petit à petit"

Pouvez-vous nous donner un exemple d'opération récente ?
Il y a quinze jours, nous sommes intervenus dans un village abritant le pavillon d'un couple et de ses deux enfants. L'homme, pris de boisson et sous le coup de problèmes psychologiques, s'était servi d'une arme à feu puis s'était retranché dans sa maison. Un de ses fils a alerté la gendarmerie. Nous nous sommes retrouvés un beau matin dans ce village, avec le maire, tous les voisins. Là, on est face à une crise. A nous d'organiser notre dispositif pour reprendre contact avec l'individu et ramener le calme.


Quelles sont les qualités principales pour bien réagir dans des situations d'urgence ?

Il faut du sang-froid. On arrive à le cultiver, petit à petit. Dans le cas du RAID, les profils sont quand même bien déterminés à la base. Tous les fonctionnaires du RAID sont sélectionnés selon un processus rigoureux. Ils doivent passer des tests d'aguerrissement, et ne peuvent intégrer notre unité qu'après cinq ans passés dans une unité opérationnelle. Il sont également très motivés. Cela dit, ce n'est pas parce qu'on est attiré par ce type de travail que l'on va forcément bien gérer les situations de stress. Après, avec de la technique et de l'organisation, même si une personne n'a pas une bonne réaction à un instant T, on arrive à ce que le niveau technique général de l'équipe soit satisfaisant.

Quels conseils donneriez-vous à un professionnel dont l'urgence n'est pas la composante principale du métier, pour gérer les situations d'urgence ?
Prendre du recul par rapport à la situation. Dès l'instant où l'on reste au contact, beaucoup de messages vous parviennent, et il devient difficile de prendre la bonne décision. Moi, par exemple, je ne rentre jamais tout de suite dans l'arène. Car si je rentre en contact avec tous les acteurs dès le départ, je ne dispose plus du recul nécessaire. Il faut ajouter à cela que le facteur temps fausse l'analyse. Donc la solution est de ne pas trop s'impliquer, pour conserver une perception générale.

Comment gérez-vous le stress postérieur aux situations d'urgence que vous pouvez rencontrer ?
On met toujours en place un débriefing technique, et pour les situations plus difficiles, un débriefing psychologique. Un psychologue sous contrat, faisant partie intégrante de l'unité, est consulté par les individus qui le souhaitent. Il apporte par ailleurs son expertise en techniques de négociation. Dans certains cas très graves, nous faisons appel à des psychologues externes à l'unité.


  

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