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INTERVIEW
 
24/11/2004

Sylvie Jeannequin (Collège de Polytechnique)
L'entretien annuel est un moment privilégié de dialogue

S'il est bien mené, l'entretien annuel est un exercice riche et utile pour le manager et son managé.
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Directrice du département management du Collège de Polytechnique, l'organisme de formation continue de l'Ecole polytechnique, Sylvie Jeannequin anime des formations pour les évaluateurs et les évalués. Elle mène par ailleurs des missions de conseil pour monter des dispositifs d'évaluation en lien avec les ressources humaines.

Depuis quand l'entretien annuel se pratique-t-il dans les entreprises en France ?
Sylvie Jeannequin. L'entretien annuel est une pratique courante depuis les années 1980-1985. La fonction publique l'a adopté avec un peu de retard. Mais depuis cinq ans, il devient également dans le secteur public un outil de ressources humaines important, dissocié de l'outil de notation.

Pourquoi s'est-il imposé dans la majorité des entreprises ?
Il s'agit de la cheville ouvrière du management de proximité au niveau humain et opérationnel. Le manager a de plus en plus un rôle RH : il est en charge du développement humain et professionnel de son équipe. Dans ce contexte, l'entretien annuel est un moment privilégié. De plus, l'entretien est aujourd'hui intégré dans la politique des ressources humaines. Il permet une remontée d'informations du terrain, standardisées grâce aux outils. Cela concerne aussi bien toutes les informations sur les salariés : leurs fonctions, leurs activités, leurs besoins en formation...

Quels sont les objectifs de l'entretien annuel ?
L'entretien annuel s'inscrit dans une logique temporelle. La plupart des supports visent à faire le bilan de l'année écoulée. Il s'agit de réfléchir aujourd'hui à ce qui s'est passé pendant un an. L'entretien annuel pousse par ailleurs à se projeter dans l'avenir en fixant des objectifs sur un an. A plus long terme, deux ou trois ans, il donne également l'occasion d'aborder le devenir du collaborateur. Pour dissocier ces différents thèmes, certaines entreprises réalisent d'une part des entretiens d'activité et d'autre part un entretien centré sur l'évolution et sur la formation des collaborateurs.


Un moment idéal pour faire passer les objectifs"

Quels sont les enjeux pour le managé ?
Pour le managé, il existe tout d'abord un enjeu financier, surtout aux Etats-Unis. En France, cela concerne principalement les commerciaux. De ce côté de l'Atlantique, les ressources humaines se posent encore souvent la question de savoir s'il faut dissocier la négociation salariale de l'entretien annuel. A mon avis, la négociation de la rémunération doit se faire au cours de l'entretien, car elle fait partie de la motivation.

Quels sont les autres enjeux ?
L'évalué a l'occasion de faire le point sur lui-même, de réfléchir à ce qu'il fait, ce qu'il aime... Cela lui permet de savoir ce que le manager pense de son travail. Il peut aussi penser à ce qu'il voudrait faire à l'avenir, dans six mois, un an, voire deux ans, et aux moyens d'y parvenir. Cela peut être une formation ou encore une situation apprenante comme animer une réunion chez un client avec son manager. Le managé peut exprimer ses souhaits mais il ne doit pas s'attendre à une réponse immédiate, car elle ne dépend pas uniquement du manager.

Et quels sont les enjeux de l'entretien pour le manager ?
Pour le manager, l'enjeu principal consiste à définir les objectifs et à cadrer l'activité pour la période. Certains objectifs restent non négociables, parce qu'ils sont fixés par le n+1 ou liés à la stratégie de l'entreprise. Il appartient au manager de bien évaluer les objectifs de chacun selon ses compétences. L'entretien annuel est donc un moment pour "faire passer les objectifs" comme disent les managers, c'est-à-dire de les transmettre et de faire en sorte que le managé se les approprie. L'exercice s'avère particulièrement délicat pour les objectifs qualitatifs et comportementaux. Il faut savoir formuler les objectifs avec tact. Or les managers maîtrisent généralement bien la méthodologie mais ont plus de difficulté dans leur relation à la personne. L'entretien annuel permet enfin de jauger le niveau de motivation de son équipe, de récolter des informations précieuses pour assurer son rôle de manager.


Dire à quelqu'un qu'il est mauvais ne mène à rien."

Sur quels points le manager doit-il être particulièrement vigilant ?
L'entretien annuel est un moment privilégié de dialogue. Le managé doit être au centre de l'entretien, pas seulement dans les discours, car les incompréhensions entre managers et managés peuvent provoquer des catastrophes. J'ai vu des salariés très performants complètement démolis après un entretien, le manager n'ayant pas su reconnaître leur travail. Le manager doit donc être très vigilant et doit être capable de bien communiquer. Dire à quelqu'un qu'il est mauvais ne mène à rien. Il ne faut pas évaluer la personne en tant que telle, ni ses comportements, mais le travail qui a été fait.

L'entretien peut-il permettre d'améliorer les relations entre un manager et son managé ?
Le déroulement de l'entretien reflète généralement les modes de collaboration. Mais l'évaluation représente aussi opportunité. Si la relation entre un manager et son managé est difficile, ou si des contentieux n'ont pas été résolus, chacun doit être capable de le dire. L'entretien représente l'occasion de parler dans une relation d'adulte à adulte. Il peut ainsi permettre de désamorcer les conflits ou au moins de reconnaître que l'on est en conflit, ce qui demande du courage.

Quelles sont les causes d'échec les plus courantes ?
L'entretien annuel échoue lorsqu'il est vu comme une contrainte administrative. L'immobilisme d'une organisation est aussi une cause d'échec. La philosophie de l'entretien annuel suppose une dynamique, un principe d'évolution. L'entretien d'évaluation ne peut être efficace que s'il s'intègre dans une politique de ressources humaines claire, cohérente et structurée. La crédibilité tient aussi au fait que les RH agissent par exemple par la formation ou par la rémunération. Dans les PME, l'entretien doit aussi être suivi d'actions concrètes, même s'il n'y a pas de service RH. Autre cause d'échec courante : la mauvaise qualité du dialogue entre le manager et son managé.


Le risque : s'installer dans un faux semblant mutuel"

Quelle place faut-il donner au questionnaire d'évaluation ?
Les outils doivent servir de support à l'entretien. A la fin, on demande en général à l'évaluateur et à l'évalué de signer le questionnaire complété par l'entretien. Mais ce qui compte le plus, c'est ce qui s'est passé entre eux. Je dénonce d'ailleurs la pratique américaine qui consiste à faire l'entretien en ligne, sans confrontation des personnes.

Faut-il attribuer une note à l'évalué ?
L'évaluation notée est très pratiquée. Les entreprises savent que l'entretien est avant tout une rencontre de subjectivité. Elles cherchent donc à donner des critères objectifs d'évaluation sur les valeurs, les compétences... Pour les RH, cela représente la possibilité de comparer les salariés entre eux. Mais la personne qui attribue la note reste un homme ou une femme. Selon les managers, la note ne sera jamais la même pour un travail identique. Cela sert cependant de base au dialogue. Par ailleurs, les RH savent très bien que les managers ne notent pas tous de la même façon.

Faut-il tout dire ?
L'un des écueils de l'entretien, lorsque les enjeux sont très forts, consiste à s'installer dans un faux semblant mutuel, chacun disant ce que l'autre veut entendre sans aborder les vrais problèmes. Cette dérive est souvent liée au fait qu'on demande une trace écrite. Mais au cours des deux heures d'entretien, tout ne sera pas ensuite formalisé. On peut aller plus loin dans le dialogue que dans les documents écrits.

Quelles sont aujourd'hui les nouvelles tendances pour l'entretien annuel ?
Aujourd'hui, on évalue plus les compétences que la fonction ou le poste. Concernant les outils, l'évaluation en ligne se développe.


Parcours

Après un parcours de quinze années en entreprise, Sylvie Jeannequin a été consultante dans plusieurs cabinets conseil en formation et directrice d'un centre de formation. En collaboration avec des DRH de groupes nationaux et internationaux, des organisations publiques, elle a monté et animé de nombreux dispositifs de formation, d'accompagnement pour les évaluateurs et les évalués de tous niveaux hiérarchiques.


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