Que faire avec mon contrat de mariage ?

La création comporte des risques financiers. Autant ne pas y entraîner votre famille.

La problématique du régime matrimonial recouvre deux aspects : la philosophie du mariage et le risque d'entreprendre. Or certains ont un esprit séparatiste, d'autre un esprit communautaire. Mais l'esprit communautaire ne fait pas bon ménage avec la prise de risque. En cas de faillite de votre entreprise, si votre couple a donné sa caution, il risque de perdre la totalité de ses biens.

La loi Dutreil a cependant apporté une nuance avec la création d'un nouvel acte notarié : la déclaration d'insaisissabilité. Elle permet de mettre votre domicile à l'abri des créanciers. Très accessible, cet acte ne coûte que 100 euros hors taxe. Il est valable pour une durée illimitée. La déclaration est publiée au bureau des hypothèques, les tiers pouvant donc en être informés. Même si cette déclaration peut gêner la recherche de crédit, il faut absolument la faire.

Cependant, pour les SARL, cette protection n'est pas valable. En cas de dépôt de bilan et de liquidation judiciaire, les créanciers sont susceptibles de se retourner contre le chef d'entreprise. Dans ce cas, seuls les régimes de la séparation des biens et de la participation réduite aux acquêts peuvent protéger votre conjoint. Sauf, bien entendu, s'il s'est porté caution de son conjoint entrepreneur ou s'il s'est comporté en "gérant de fait" de la SARL, ce qui est souvent le cas dans les petites entreprises familiales.

Si vous êtes marié sous le régime légal, qui ne demande pas de contrat, le changement de régime matrimonial peut coûter cher. Ce changement nécessite un acte notarié et une procédure devant le Tribunal de grande instance. Une procédure qui revient à 400 euros environ, sans tenir compte des frais de partage de la communauté : 2,5 à 3 % du patrimoine. Selon l'importance du patrimoine, l'addition peut donc vite devenir très salée.

Même si cela coûte cher, il vaut mieux changer de régime matrimonial. Cela évite de vivre dans l'angoisse. A noter que la signature du contrat avant le mariage coûte également entre 300 et 400 euros, mais cette fois sans frais de partage. Par ailleurs, on ne change pas de régime en un claquement de doigts : il faut compter quatre mois à un an et demi, selon les tribunaux, pour que la démarche aboutisse.

Le régime de la participation aux acquêts
Pendant la durée du mariage, ce régime revient à une séparation desbiens. A la fin du contrat - en cas de divorce ou de décès - le couplepartage les biens, comme dans une communauté des biens. Ce régime exigede gérer et de suivre son patrimoine en se dotant d'une traçabilitépour son portefeuille, les biens immobiliers et la créationd'entreprise. Ce régime matrimonial existe depuis 1966, mais il est peufréquent car souvent mal compris. Il est très difficile d'obtenir deschiffres sur les contrats de mariage (l'acte est secret). On estimenéanmoins que 20 % des couples signent un contrat, dont seulement 10 %choisissent la participation aux acquêts.

Dernier point : si vous empruntez en étant marié sous le régime de la séparation de biens, ou de la participation réduite aux acquêts, il existe toujours le risque que le banquier exige une caution solidaire des deux conjoints. C'est un risque, mais ce régime offre plus de possibilité pour négocier et éviter la caution solidaire.

Enfin, si vous avez signé un Pacs (Pacte civil de solidarité), votre partenaire et vous n'êtes tenus solidairement à l'égard des tiers que des dettes contractées par l'un ou l'autre pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun. Ainsi, le créateur d'entreprise pacsé emprunte à titre personnel, et demeure responsable de la dette contractée.

Les personnes ayant signé un Pacs vivent sous le régime de l'indivision pour les biens acquis postérieurement à la signature. Il est donc conseillé, dans le cas de la création d'une entreprise individuelle, de faire signer à son partenaire une déclaration reconnaissant le caractère non indivis de l'entreprise. De même, pour une société, mieux vaut préciser dans les statuts que l'acquisition des parts sociales ou des actions n'entre pas dans l'indivision, et faire signer les statuts par son partenaire.

Propos recueillis auprès de Frédéric Roussel, notaire à Lille et président de l'Institut notarial de l'entreprise et des sociétés.