Interview
 
26/09/2007

Babette Leforestier (TNS MI) : "Les MDD vont gagner des parts de marché, mais pour combien de temps ?"

Comportement des consommateurs, guerre promotionnelle, innovations... Babette Leforestier, directrice Marketing Intelligence chez TNS MI revient sur les mutations en cours, notamment dans la grande distribution.
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Babette Leforestier, directrice Marketing Intelligence chez TNS MI
 

Evolution de la distribution et du comportement des consommateurs, montée en puissance des marques de distributeurs (MDD) aux dépens des marques nationales, stratégies marketing... Babette Leforestier, directrice Marketing intelligence chez TNS Media Intelligence et responsable de la publication du Marketing book 2007, a répondu à une quinzaine de questions lors d'un chat.

 

Quels sont les principaux enseignements du Marketing book 2007 ? Est-ce si différent des années précédentes ?

Babette Leforestier. Bien évidemment, les tendances de consommation sont des tendances lourdes, qui durent depuis plus d'une dizaine d'années. On constate cependant plusieurs inflexions, par exemple en nutrition/santé ou en éthique. La nutrition/santé était considérée il y a quelques années comme une "opportunité" marketing, elle l'est toujours, mais l'épidémie d'obésité a contraint les entreprises à profondément modifier leurs stratégies. En éthique, les entreprises semblent suivre le courant de consommateurs plus sensibilisés à cette problématique.


Marketing book 2007
 
 

Dans le Marketing book, vous parlez de guerre promotionnelle en 2006. Qu'en sera-t-il l'année prochaine ? Sur quoi vont rivaliser les acteurs de la grande distribution ?

Cette guerre promotionnelle s'est poursuivie sur le premier semestre 2007. Mauvaise nouvelle : si elle s'intensifie, il ne semble pas que les consommateurs y souscrivent massivement, les ventes dites "sous promotion" restent stables quand les opérations se multiplient, ce qui semble signifier une certaine lassitude. Mais nul doute que les distributeurs vont continuer ce type d'actions, ne serait-ce que parce que ce sont les industriels qui les financent pour partie.


En ce qui concerne les marges arrières, est-ce que l'Etat peut jouer un rôle ?

A priori oui, les déclarations de Nicolas Sarkozy semblent le prouver, la réforme de la loi Galland devrait se poursuivre.


Qu'attendent les consommateurs ?

Si l'on en croit l'offre des industriels, confirmée par un certain nombre de succès, les trois constantes sont la praticité, le goût et la nutrition/santé.


Photo © JDN/Agathe Azzis

Ne pensez-vous pas que le marché des MDD est en progression suite à un effet de mode et que celui-ci peut s'essouffler ?

Il ne s'agit pas d'effet de mode, mais d'effet d'offre : le nombre de références de produits à marques nationales est resté stable quand celui des MDD a progressé de 5,6 % selon IRI France. En revanche, on constate un net fléchissement des MDD économiques. Là aussi il s'agit d'un effet d'offre, les distributeurs les ont moins mises en avant.


Est-ce que ça n'est pas dommage pour le consommateur de voir se réduire le nombre de références hors MDD dans les rayons ? N'est-ce pas dommage pour l'attrait que peut avoir le distributeur auprès de ses clients ? Ceux-ci ne veulent-ils pas plus de choix ?

Plus de choix, oui ; plus de énième me-too, non ! Le gros problème des distributeurs va être d'animer leurs rayons quand il n'y aura plus qu'une ou deux marques nationales pour le faire. Animer, cela signifie communiquer, monter des actions promotionnelles et bien sûr innover. Les MDD vont gagner des parts de marché, mais pour combien de temps ? Les distributeurs français sont victimes de ce que j'appelle le syndrome britannique : plus de 50 % de leurs volumes sont sous marques de distributeurs. Or très peu d'enseignes britanniques s'en sont bien sorties et au prix d'investissements marketing considérables (conception de produits, packaging...). Il y a une dizaine d'années, on avait coutume de considérer qu'une marque de distributeur n'avait pas de coût marketing, il s'agissait de téléphoner à un fournisseur qui vous procurait dans la semaine un me-too. Aujourd'hui les équipes marketing et études se sont étoffées très largement, ce qui génère bien évidemment des coûts beaucoup plus importants. Sans compter la publicité télévisée bien sûr.


"Les GMS progressent grâce à leurs MDD et le hard discount grâce aux marques nationales"

Le problème des MDD n'est que le facteur de la puissance linéaire dans un rayon, on peut faire un effet de baisse de prix mais il est compensé par l'argent que donne le fournisseur pour avoir sa gamme présente en rayon.

Je crois que vous évoquez le problème de la rentabilité au mètre linéaire qui va là aussi se poser au distributeur : quelle sera la rentabilité de ce mètre linéaire s'il y place son énième référence de MDD par rapport à celle générée par les accords de gamme ? Le gros problème dans cette histoire de gros sous, c'est que l'on oublie complètement le consommateur.


Que devient le hard discount dans ce paysage ?

Il fait de la résistance ! Les derniers chiffres de l'étude Réferenseigne Expert de TNS Worldpanel indique que le seul grand gagnant entre juin 2006 et juin 2007 est... Lidl. Il y a certes un effet de parc (plus de magasins), mais Lidl proposant plus de marques nationales a réussi à progresser quand toutes les grandes enseignes sont stables. C'est là le grand paradoxe : les GMS progressent grâce à leurs MDD et le hard discount grâce aux marques nationales ! Pour en revenir au hard discount, sa part de marché reste stable, à 13,1% des volumes.


Photo © JDN/Agathe Azzis

La dimension responsable des marques prend-elle le dessus sur le classique "bénéfice produit " dans l'acte d'achat par le consommateur ?

On constate effectivement une montée de la sensibilité des consommateurs à cette dimension. Cependant, ils ne semblent pas encore prêts à payer et ne le seront - à mon avis - pas plus dans l'avenir. En revanche, les marques qui mettront en avant cette dimension, sans augmenter leurs prix, seront forcément gagnantes. Dans les pays anglo-saxons, les consommateurs semblent plus sensibles : les ventes de bio aux Etats-Unis progressent de plus de 20 % par an, tout comme les produits équitables en Grande-Bretagne. Mais là-bas également les ventes de produits bio ou équitables restent marginales.


Quelles sont les grandes tendances concernant le marketing vers les jeunes ?

Oserais-je dire que les marques essaient de courir après les jeunes... sans parfois les rattraper. Les marques sont quelque peu désemparées quand il s'agit de toucher les jeunes, sur Internet notamment. Une récente étude américaine révélait que finalement, très peu d'opérations de marketing viral fonctionnent auprès de cette cible. Les marques aujourd'hui cherchent à les toucher sur les sites communautaires (type MySpace) mais, s'ils sont sur ces sites, c'est justement pour échapper à la publicité.


Quelles sont les tendances en matière de distribution ? Outre l'essor marqué du commerce électronique, on voit poindre de nouvelles méthodes, comme le "drive", testé en ce moment par la grande distrib'.

Dans l'univers alimentaire, l'e-commerce reste encore marginal. S'agissant des "drive" (le client commande par Internet, se rend à une borne et ses achats lui sont directement mis dans son coffre), Auchan teste ce concept depuis au moins cinq ans et, à ma connaissance, il n'y a que quatre ou cinq Auchan Drive. L'e-commerce et ces expériences ont un défaut majeur pour les distributeurs : ils suppriment les achats d'impulsion. En revanche, les distributeurs s'intéressent de très près au commerce de proximité en essayant d'adapter leurs surfaces à l'environnement : beaucoup de produits snacking et autres sandwichs dans les zones urbaines par exemple. Après Monop, c'est Intermarché et Champion qui testent de tels modèles, modèles très courants en Grande-Bretagne ou encore aux Pays-Bas.


Photo © JDN/Agathe Azzis

Jusqu'a présent, l'offensive des marques nationales a été de faire des promotions pour faire face a la ruée des MDD. Les marques vont-elles agir sur un autre terrain ?

C'est bien là le problème ! Elles n'ont pas beaucoup de moyens d'action. Pour ne prendre que l'exemple de l'alimentaire, la part des investissements publicitaires de ce secteur s'est considérablement réduite par rapport à l'offensive des télécoms et autres services dont on sait que les consommateurs sont de plus en plus friands, d'où une perte de "visibilité" publicitaire considérable. En outre, les marques sont gérées dans le court terme (la course à la part de marché en volume) sans assurer leur pérennité. Comme le disait un spécialiste américain : les marques sont prévues pour durer des années et sont gérées au trimestre ! Reste l'innovation.


Comment pensez-vous que la grande distribution, les grandes marques, les MDD vont réagir face à la tendance lourde qui est la hausse des matières premières alimentaires ? Certaines MDD risquent-elles de disparaître (pincement des marges trop important) ?

Ces hausses arrivent au moment où fournisseurs et industriels sont en train de négocier. Pour certains (La Tribune du 19 septembre), ces hausses pourraient être "compensées" par les effets de la loi Galland et n'auraient pas d'impact sur les prix de vente. Ensuite, il s'agira d'un argument de communication : Leclerc vient d'annoncer qu'il n'augmentera pas le prix du pain. Quant à l'avenir de certaines MDD, je l'ignore. Je l'ignore, mais j'ai lu récemment qu'Aldi et Lidl, en Allemagne, allaient être contraints de relever leurs prix. De là à une "rationalisation" des premiers prix (surtout s'ils ne fonctionnent pas très bien en GMS), c'est possible.


Vous travaillez déjà sur l'édition 2008 ? Avez-vous une idée des tendances qui se dégageront ?

Les verrines de Monsieur Picard!!! Depuis des mois, les industriels s'inspirent de ce spécialiste du surgelé qui connaît une progression éhontée de ses ventes. De fait, les me-too fleurissent ! La nutrition/santé reste un axe très fort (reformulation des recettes), des produits plus naturels, bourrés de fruits et de légumes (en Grande-Bretagne, Knorr lance des soupes qui contiennent la peau des légumes, réputée pour ses valeurs anti-oxydantes. Pour le reste, beaucoup de crumbles salés, du kebab, halal… En hygiène-beauté, beaucoup de naturalité, avec des ingrédients réputés moins agressifs. En entretien, la vague écologique continue. Toutes les grandes enseignes ont désormais leurs gammes et les grands groupes multiplient les initiatives.

 

En savoir plus www.tnsmediaintelligence.fr

 


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