Dossier
 
19/09/2007

"Le turnover au sein des restaurants a été réduit de 30 % depuis 2004"

Si McDo pâtit encore parfois d'une mauvaise image, les efforts de l'enseigne portent leurs fruits. Le climat social y est bon, les progressions de carrière fulgurantes et l'insertion exemplaire. Explications du DRH France.
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Hubert Mongon,
VP RH de McDonald's France
Photo © McDonald's

 

A deux pas de la Madeleine, à Paris, se trouve le centre de l'emploi et des métiers de McDonald's France, dont plus de 10.000 candidats au poste d'"équipier" poussent la porte chaque année. C'est ici que nous reçoit Hubert Mongon, Vice-Président Ressources humaines. Un poste très exposé chez le géant américain de la restauration qui, du "passeport mobilité" à la VAE, multiplie les initiatives... et lutte pour améliorer son image sociale. Rencontre.

 

Vous êtes à la tête des ressources humaines de McDonald's France depuis fin 2001. Pourquoi avoir choisi McDo ?

Après 7 ans et demi aux RH de Bouygues et 4 ans aux RH de Valeo, je voulais exercer mon métier autrement. Or McDonald's, c'est un autre monde. 80 % des restaurants sont gérés par des franchisés : ils ont des contraintes opérationnelles très fortes mais sont libres de choisir leur politique RH en fonction de leurs enjeux... même si nous tenons compte du fait que nous vivons tous "sous le même toit". Comme Bouygues et Valeo, McDonald's est une entreprise leader, toujours à la recherche d'innovations, y compris dans nos métiers. C'est une entreprise qui, en France, se trouve au cœur de quantité de thématiques RH nationales : insertion et qualification professionnelle, conditions et organisation du travail, développement des compétences, salariat-étudiant…Enfin, lorsque McDonald's m'a sollicité pour venir rejoindre l'enseigne, c'était une entreprise qui était pénalisée par une mauvaise image sociale. Bref, un vrai challenge et des enjeux fabuleux pour un DRH ! Je n'ai donc pas hésité.

 

McDo est très en pointe sur ce qui concerne la VAE…

 
McDonald's France, c'est :
 
 

1100 restaurants
2,6 milliards d'euros de CA
46.000 collaborateurs, dont 35.000 équipiers et 1.000 directeurs de restaurant
1,2 million de clients par jour

 

80 % de nos directeurs de restaurants n'ont pas le bac. Pourtant, ils sont capables de rivaliser avec les diplômés d'école de commerce. La VAE, c'est la possibilité pour eux d'avoir un diplôme reconnu par l'Education nationale, ce qui est important vis-à-vis d'eux-mêmes, de leur famille et de l'extérieur en général. Au début, nous avons recherché des universités avec qui monter un diplôme. Toutes nous ont fermé leurs portes, peu convaincues par la VAE et considérant notre projet sans intérêt… Finalement, le président de la CCI de Versailles a cru en notre projet. Il nous a aidés à solliciter les ESC. La seule intéressée a été l'ISPP de Rouen, avec qui nous avons donc monté ce partenariat. Aujourd'hui, nos directeurs de restaurants peuvent, en suivant un programme adapté, espérer décrocher un diplôme bac+3 avec 94 % de réussite, contre un peu moins de 40 % au niveau national. Ce diplôme de VAE, c'est en quelque sorte l'expression la plus simple de la qualité du parcours de formation de McDo.

 

Quel est la progression de carrière type chez McDo ?

"Un client achèterait-il aussi facilement sa voiture, s'il était juste à côté de la chaîne de montage ?"

La formation commence dès l'arrivée de l'équipier dans le restaurant : quatre heures le premier jour pour apprendre la base. Dans les premières semaines, il est formé à l'environnement du restaurant. Au bout d'un ou deux ans, les meilleurs vont suivre une formation aux techniques de base du management - deux fois une semaine - à notre centre de formation de Guyancourt. Objectif : les former aux techniques de base d'animation d'une équipe et leur donner ou redonner le goût de l'apprentissage - pour beaucoup, l'école n'est pas un bon souvenir… A la fin de chaque semaine, un test débouche sur l'attribution d'un diplôme interne pour 90 % d'entre eux. S'il n'a aucune valeur à l'extérieur, c'est pour certains leur premier diplôme. D'autres cycles de formation seront ensuite proposés aux meilleurs et certains deviendront directeurs de restaurant. Mais pas de démagogie : nos parcours de formation sont certes très complets mais seuls les meilleurs accéderont aux postes de management. De même, la formation est certes indispensable au développement de chacun, mais elle représente dans nos métiers un véritable enjeu : nous avons besoin d'équipes bien formées pour qu'elles servent nos clients conformément aux standards qualité de l'enseigne.

 

Culture d'entreprise, politiques RH : de quelle autonomie disposez-vous par rapport au siège américain ?

Cela fait 20 ans que j'exerce mon métier. Jamais je n'ai eu autant d'autonomie que chez McDonald's. Les résultats doivent bien évidemment être au rendez-vous, mais chaque pays doit définir sa propre stratégie RH et la mettre en œuvre conformément au cahier des charges convenu. Rien à voir par exemple avec les très nombreux reportings pour lesquels Valeo est connu… A partir de 1995, le Management France a tout fait pour que l'enseigne s'adapte au marché et aux goûts français : nouvelles recettes, nouveaux décors, nouvel accueil… Même chose en matière sociale : un gros travail a été fait sur les conditions de travail, l'ergonomie, l'animation des équipes, la création d'un centre des métiers et de l'emploi à Paris, la professionnalisation du recrutement et de l'intégration… Beaucoup de choses ont en effet été repensées et adaptées à notre contexte social.

 

 
Un restaurant, c'est en moyenne :
 
 

30 équipiers et formateurs
3 à 5 managers
1 directeur adjoint
1 directeur du restaurant, le seul cadre

 

Conséquence de ces travaux : depuis 2004, le turnover des équipiers a par exemple été réduit de 30 % au sein des restaurants, pour s'établir aujourd'hui autour de 80-90 %. La France est à présent numéro 2 au monde pour ses résultats économiques, derrière les Etats-Unis mais devant des pays comme le Canada ou l'Australie. C'est l'aboutissement de toutes les actions entreprises ces dernières années... dans tous les domaines. Nous sommes convaincus que la qualité d'une politique RH compte réellement dans la qualité du résultat global. Sur plusieurs thèmes RH, la France est ainsi devenue un exemple.

 

Comment luttez-vous contre la mauvaise image sociale de McDo ?

Certes, les conditions de travail sont difficiles : les équipiers travaillent debout, les relations avec les clients ne sont pas toujours simples… même si le "rush" ne dure en réalité que deux fois 2 heures dans la journée. Par ailleurs, il y a 50 ans, l'enseigne a fait le choix de placer le lieu de "livraison" de ses produits à 1m50 du lieu de "production" : le client voit donc nos équipes travailler. Cela crée pour nous une exigence supplémentaire et peut susciter chez nos clients des incompréhensions sur nos méthodes de production ou de management. Un client achèterait-il aussi facilement sa voiture, s'il était juste à côté de la chaîne de montage ? Ayons juste à l'esprit que cette perception n'a pas grand-chose à voir avec la qualité de nos pratiques sociales. Au demeurant, les professionnels et les syndicats qui connaissent bien nos métiers et nos méthodes de management font la part des choses. Leur avis sur les conditions de travail - hygiène, sécurité et ergonomie par exemple - des salariés de l'enseigne est souvent positif et constructif. Posez-leur la question !

 

Une enquête interne, menée par un organisme indépendant auprès de plus de 15.000 de vos salariés, a conclu que 77% d'entre eux recommanderaient à leurs amis de venir travailler chez McDo. A quel moment s'est infléchie la tendance ?

"Nos compétences en matière de GRH commencent à être reconnues."

On a beaucoup travaillé entre 2003 et 2005 sur nos enjeux RH et les premiers résultats sont apparus à partir de 2005. Nous sommes ainsi régulièrement classés parmi les "Great Place to Work", toujours entre la 8e et la 12e place, au plan national. Beaucoup d'observateurs ne nous attendent pas là ! Or il s'agit, au plan mondial, du test le plus objectif de la qualité du climat social. Je déplore néanmoins que ce challenge ne classe pas les entreprises par catégorie : les premières places sont souvent occupées par des banques et des cabinets de conseil, qui n'ont pas les mêmes effectifs à gérer, ni les mêmes typologies de profils, ni les mêmes enjeux RH… Ces entreprises ne font vraiment pas le même métier que nous.

 

Dans le même ordre d'idée, à la moindre tension sociale dans un restaurant impliquant trois ou quatre salariés, une dépêche AFP "tombe" dans les quatre heures. Dans l'automobile, si vous aviez une grève pendant trois jours et 1.000 personnes "sur la pelouse" devant l'usine , vous "faisiez" cinq lignes dans la presse locale ! Nous sommes donc très exposés sur le plan médiatique. Nous aimerions vraiment devenir une entreprise normale, comme les autres… Mais depuis deux ans, les choses progressent bien. Nos compétences en matière de GRH commencent à être reconnues. Nous venons par exemple d'être consultés par le Conseil économique et social sur la question du salariat-étudiant en France. Ce n'était pas le cas il y a seulement trois ans.

 

Pour finir, de quelles entreprises admirez-vous la gestion des ressources humaines ?

Carrefour, comme nous très engagés auprès des salariés étudiants, Accor, très en pointe sur la diversité et l'animation des équipes, PSA, entre autres sur la reconnaissance de la professionnalisation et sur la question du handicap, Renault également…

 

 
Qui sont les équipiers ?
 
 

» 50% sont des étudiants. Seuls 10% rejoignent finalement McDonald's. Ils deviennent généralement managers et pour ceux qui le souhaitent et qui en ont les capacités, directeurs de restaurants, à moins qu'ils ne rejoignent le siège ou les régions.
» 15 à 18 % viennent de la restauration traditionnelle ou des services. Compte-tenu de leur expérience, ils vont généralement progresser aussi rapidement.
» 15 à 18 % sont des mères de famille, de 25 à 35 ans environ. Pour elles, l'emploi d'équipier est un salaire d'appoint, commode pour sa proximité géographique avec leurs lieux de vie. C'est une population très stable, dont le rôle de " régulation " au sein des équipes est très important.
» 15 à 18 % n'ont aucune qualification et évoluent souvent dans un contexte difficile : déscolarisation, rupture familiale, difficultés d'intégration... On ne recrute que 10 % d'entre eux : ceux qui ont un vrai talent pour nos métiers et qui progresseront généralement très bien dans nos organisations.

 

 

En savoir plus le site de McDonald's France

 


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