Cyanogen : la start-up qui veut défier Android

Cyanogen : la start-up qui veut défier Android Editeur d’une version alternative d’Android, la start-up californienne a connu de vives tensions avec Google. Elle s’est rapprochée de Microsoft et multiplie les accords en Asie.

Cofondateur de Cyanogen, Kirt McMaster est connu pour son sens de la formule. Au dernier Mobile World Congress, en février, il a annoncé ni plus ni moins la fin de l'ère des applications mobiles telle qu'on la connaît actuellement avec ses téléchargements encadrés par les "stores". Pour contourner ce diktat, l'éditeur de Cyanogen OS, version alternative d'Android, a présenté une plateforme baptisée Mod au salon de Barcelone.

Sur cette plateforme, Cyanogen met à disposition des développeurs des "mods", c'est-à-dire des APIs pour créer nativement sur son OS des services permettant à des applications d'interagir entre elles. Dans un billet, Kirt McMaster évoque, par exemple, la possibilité de lancer une visioconférence depuis sa liste de contacts ou de planifier un trajet en covoiturage sur son agenda. Un logo "mod ready" est déjà prêt à destination des intégrateurs et des constructeurs.

S'émanciper d'Android

Avec cette stratégie, Cyanogen entend pousser plus loin encore la personnalisation d'un smartphone comparé aux possibilités offertes jusqu'ici par CyaonogenMod, sa distribution communautaire d'Android. Cette stratégie vise aussi à s'affranchir un peu plus de Google avec qui il entretient des relations houleuses. Pour rappel, CyaonogenMod a été lancé en mai 2009, peu de temps après Android. Proposé en open source, il fournit des fonctionnalités et options absentes du système d'exploitation de Google.

CyanogenMod propose, entre autres, un grand nombre de thèmes pour personnaliser les mobiles, une gestion affinée des permissions accordées application par application ou le support du format audio Flac. CyanogenMod serait, par ailleurs, à l'abri des virus et des spywares.

La réponse de Google ne s'est pas fait attendre. Le géant américain demande, dès septembre 2009, l'arrêt de la distribution des applications Google (Google Maps, Gmail, YouTube...) sur CyanogenMod. Depuis, le contentieux a été enterré mais pas la hache de guerre. Quelques années après, CyanogenMod était chassé du Play Store avant de revenir.

Un Windows Phone sous Android ou l'inverse

Pour accélérer l'essor de cette technologie, une société est créée en 2013, Cyanogen, ainsi qu'un OS, Cyanogen OS, pendant commercial de CyanogenMod. A la tête de la start-up, on trouve Steve Kondik, développeur à l'origine du projet, et Kirt McMaster, un entrepreneur de la Silicon Valley passé notamment chez Sony et Sega. Un changement stratégique qui a déplu à la communauté du libre. Steve Kondik a expliqué son choix dans un long billet.

Cyanogen revendique plus de 50 millions d'utilisateurs dans le monde

Le marché en tout cas suit. En décembre 2013, la start-up californienne lève 23 millions de dollars pour se développer. Elle recrute des anciens de Microsoft, Amazon ou Google. Nouvelle levée de fonds en mars 2015 de 80 millions de dollars avec pour ce tour de table Twitter, Qualcomm, Telefónica ou Rupert Murdoch.

La société de Palo Alto emploie alors quelque 80 personnes et revendique plus de 50 millions d'utilisateurs dans le monde. Soit plus que d'adeptes de Windows Phone. Un succès qui intéresse d'ailleurs Microsoft. Avec moins de 3% des parts de marché des OS mobiles dans le monde pour Windows Phone contre plus de 80% pour Android selon IDC, la firme de Redmond ne parvient pas à combler son retard.

Cyanogen OS se veut beaucoup plus ouvert qu'Android.  © Cyanogen

En avril 2015, un partenariat stratégique est scellé entre Microsoft et Cyanogen pour intégrer de façon native les services du premier (comme OneDrive ou Outlook) dans Cyanogen OS. Avec cette approche commence à se dessiner ce qui va devenir la plateforme Mod. Il est ainsi possible de téléphoner sur Skype depuis le gestionnaire d'appels de l'OS, de prendre des notes dans OneNote durant une conversation, ou encore d'activer Cortana, l'assistant vocal, pour régler l'heure de son réveil ou mettre en sourdine les notifications le temps d'une réunion. Visuellement, la dernière version de Cyanogen OS, la 12.11, fait penser à Windows Phone sous Android ou… l'inverse.

Enrichir les smartphones d'entrée de gamme

Du côté des constructeurs, Cyanogen s'est activé mais uniquement sur le continent asiatique en visant en priorité les smartphones d'entrée de gamme. La start-up a conclu des accords avec le chinois OnePlus, l'indien Micromax ou l'indonésien Sartfren. Avec toutefois un échec. En juillet dernier, Alcatel One Touch annonçait l'abandon de son smartphone Hero 2+ sous CyanogenMod. Il s'agissait pour la marque passée sous pavillon chinois (TLC) de commercialiser un smartphone aux fonctionnalités avancées au meilleur prix possible. Selon le communiqué de presse commun, Alcatel One Touch et Cyanogen n'auraient pas réussi à mettre à jour l'appareil sur Android 5.1. Les deux parties travailleraient néanmoins sur un smartphone sous Cyanogen OS.

Toujours dans cette volonté d'enrichir fonctionnellement des terminaux mobiles proposés à prix modique, Cyanogen a signé, il y a un an, un partenariat avec le fabricant de puces Qualcomm. L'idée étant de proposer aux constructeurs, via le programme Qualcomm Reference Design (QRD), des améliorations en termes de sécurité et de gestion des applications. Résultat de cette collaboration : le britannique Wileyfox a lancé récemment un modèle, baptisé Swift, doté d'un processeur Snapdragon Qualcomm 410 et fonctionnant sous Cyanogen OS 12.1. Il est proposé en ce moment à moins de 130 euros.