Juridique : cinq dossiers chauds pour les acteurs de la publicité et de l'édition en ligne en 2025

Juridique : cinq dossiers chauds pour les acteurs de la publicité et de l'édition en ligne en 2025 De l'IA à l'interopérabilité, en passant par la publicité personnalisée, le secteur de l'édition en ligne et de la publicité se mobilise

Le secteur de l'édition et de la publicité en ligne a du pain sur la planche en 2025 pour tenter de s'assurer des relations plus équilibrées avec les grandes plateformes mondiales. Nous passons en revue cinq dossiers qualifiés de prioritaires par le secteur.

Obliger les IA à passer des accords avec les éditeurs en ligne français

C'est une priorité des éditeurs en ligne en 2025 : forcer les IA à négocier avec eux l'accès à leur information à de fins d'entrainement. "Les constats d'entrainement d'IA génératives avec les contenus d'éditeurs en ligne en dépit de l'absence d'autorisation de leur part ou de contrats à cette fin se multiplient. Dans le même temps, les plus importants fournisseurs d'IA ont signifié qu'ils n'avaient pas à ce stade l'intention de négocier des accords avec une pluralité de médias tant pour le passé que pour l'avenir. Pourtant en France, il existe un objectif à valeur constitutionnelle de pluralisme qui s'impose aux diffuseurs de contenus de presse en ligne : une IA générative ne peut valablement s'entrainer sur une seule source d'informations et n'être ainsi le reflet que d'une vision socioculturelle, si répandue soit-elle sans risquer de porter atteinte à ce principe", déclare Fayrouze Masmi-Dazi, avocate spécialiste en droit de la concurrence qui conseille notamment des associations comme l'Alliance Digitale, le Geste, le SRI et l'Udecam. "Dans la continuité des Etats généraux de l'information et des missions sur la transparence et la rémunération confiées par le CSPLA (Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, ndlr) à la juriste Alexandra Bensamoun, une grande réflexion est menée avec plusieurs associations et éditeurs en ligne sur la manière de faire bouger les lignes sur ce sujet prioritaire cette année", précise-t-elle. Ce 16 janvier, l'AFP s'est entendu avec le français Mistral AI pour que le second puise dans les dépêches du premier.

L'interopérabilité, un enjeu qualifié de majeur et urgent

En 2024, le Digital Markets Act (DMA), bien qu'effectif, n'a pas permis de répondre à certaines des attentes les plus importantes du secteur de la publicité et de l'édition en ligne : la mise en place de relations plus équilibrées entre les acteurs français et les grandes plateformes mondiales. D'où la demande prioritaire du marché en ce début d'année pour que les exigences de transparence et d'interopérabilité, prévues dans le DMA, soient effectives. "Nous avons besoin d'actions fortes de la part de la Commission européenne pour que les principes phares de ce règlement deviennent réalité. Cela concerne notamment la mesure indépendante des audiences, l'accès aux données publicitaires ou commerciales générées au sein des 'contrôleurs d'accès' (dont Alphabet/Google, Amazon, Apple, ByteDance/TikTok et Meta, ndlr) et la transparence. Qu'il s'agisse de données d'audience, commerciales ou de performance des campagnes, les annonceurs ne disposent pas d'une visibilité suffisante et indépendante sur ce qui se passe au sein de ces grandes plateformes", déclare Laureline L'Honnen-Frossard, Laureline, directrice affaires publiques et juridiques à l'Union des marques.

"En 2025, plusieurs obligations d'interopérabilité seront précisées par la Commission européenne dans le cadre des enquêtes en cours au sujet de la manière d'appliquer le DMA à Apple, qui en a fait un préalable au déploiement de son IA au sein de l'UE. Aux Etats-Unis l'interopérabilité sera probablement l'un des aspects au cœur des remèdes ,dont l'imposition à Google sera débattue dans le cadre des procès anti-trust sur le search voire sur l'adtech", précise Fayrouze Masmi-Dazi.

Les procès contre Google aux Etats-Unis, une année déterminante mais pas définitive

L'année 2024 a été marquée par deux procès majeurs contre Google. Celui de Washington, qui lui a valu d'être reconnu coupable le 5 août dernier pour monopole dans la recherche en ligne, pratiques anticoncurrentielles afin de maintenir sa position et surfacturation de la publicité SEA. Une décision sur les mesures correctives qui devront être déployées pour en finir avec ces abus ne devrait pas sortir avant l'été prochain, à moins que l'agenda politique américain en décide autrement.

Quant au deuxième procès, pour pratiques anticoncurrentielles et monopole sur le marché des ad servers et des places de marché publicitaires, une décision est attendue à tout moment en ce début d'année. Si Google est condamné, il faudra ensuite déterminer les mesures correctives. Certains experts très proches de l'enquête tablent sur une condamnation sur le volet des adservers. La procédure risque de durer vu que Google fera certainement appel.

Mais cette décision pourra sans doute débloquer un autre dossier en cours en Europe, où la Commission européenne instruit depuis juin 2021 une procédure formelle d'examen sur un possible comportement anticoncurrentiel de Google dans le secteur des technologies publicitaires en ligne. La CE avait déjà estimé, à titre préliminaire, le 14 juin 2023, que Google a enfreint les règles de l'UE en matière de pratiques anticoncurrentielles. "A ce stade, le démantèlement technologique, fonctionnel et juridique de Google sur ce volet adtech semble relativement peu probable même s'il a pu être évoqué sous la précédente mandature de la Commission. Il est possible que cette procédure aboutisse néanmoins à des obligations fortes, notamment d'interopérabilité, plus poussées que celles déjà retenues au niveau français dans la décision de l'Adlc de juin 2021 en suite de laquelle plusieurs actions en réparation de dommages concurrentiels ont été engagées ", précise Fayrouze Masmi-Dazi.

Les actions en dommage et intérêts contre Google en France (volet adtech) : plus que 18 mois pour réclamer réparation

Equativ a ouvert le bal, en étant la première adtech à obtenir une décision favorable auprès du Tribunal de commerce de Paris, en octobre dernier, même si cette dernière a déjà indiqué faire appel estimant ne pas avoir obtenu une indemnité à la hauteur des préjudices subis. Les éditeurs français ont jusqu'à juin 2026 pour réclamer leur dû, basés sur la décision de l'Adlc française du 7 juin 2021 de condamner Google pour abus de position dominante sur le marché des serveurs publicitaires (décision à laquelle Google n'a pas fait appel).

"La prescription pour réclamer réparation sur la base de cette décision est de cinq ans. Une dizaine d'actions seulement ont été intentées jusqu'à présent devant le Tribunal de commerce de Paris alors que des millions d'entreprises françaises pourraient demander réparation : toutes celles qui ont diffusé sur leur site Internet de la publicité (éditeurs et adtech, ndlr), clientes de l'ad server de Google ou non. Il est regrettable que les entreprises ne puissent pas encore présenter des actions collectives devant les tribunaux français ne serait-ce qu'à travers leurs associations professionnelles, mais des solutions créatives ancrées dans notre tradition judiciaire civiliste existent et se mettent en place pour permettre d'agir en vue d'obtenir réparation avant que le couperet de la prescription ne tombe", conclut Fayrouze Masmi-Dazi.

Préparation de la première mouture du Digital Fairness Act 

C'est cette année qu'une première mouture de ce futur règlement européen sera rédigée. Son objectif : mettre fin aux pratiques commerciales trompeuses et manipulatrices des dark patterns, en encadrant davantage le marketing d'influence sur les réseaux sociaux, les places de marché non-européennes et en ciblant le design addictif, entre autres mesures. Imaginé pour harmoniser et protéger davantage les consommateurs, ce nouvel embryon de projet de règlement européen compte s'attaquer également à la communication et à la publicité personnalisées. Une première étude d'impact sur le fondement de ce document sera soumise à consultation publique au printemps. Affaire à suivre (plus de détails sur ce sujet ici).