En France, le marché du quick commerce se resserre... à toute vitesse

En France, le marché du quick commerce se resserre... à toute vitesse Alors que l'Hexagone comptait encore neuf quick commerçants en avril 2022, ils ne sont plus que quatre en juin 2022. Entre rachats, suppressions de postes et fermetures, le marché se consolide.

Licenciements, rachats et fermetures. Ces deux derniers mois ont été particulièrement agités sur le marché français du quick commerce. Tout a débuté le 16 mai 2022 quand l'allemand Flink a annoncé racheter le français Cajoo pour 90 à 100 millions d'euros. Depuis, Getir a supprimé 1 400 postes et Gorillas en a supprimé 300 tout en indiquant se concentrer sur ses marchés clés que sont l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et les Etats-Unis. Le britannique Zapp a définitivement quitté l'Hexagone, tout comme le russe Yango Deli. La France est désormais dénuée d'acteur national du quick commerce, puisqu'avant le rachat de Cajoo un autre acteur allemand, Gorillas, avait absorbé Frichti en mars 2022, et que Kol avait déjà fermé boutique en janvier dernier. La France ne compte désormais plus que quatre quick commerçants : Flink (Allemagne), Getir (Turquie), Gopuff (Etats-Unis) et Gorillas (Allemagne).

Il n'en restera que deux… ou trois

Parmi eux, certains, encore en quête de rentabilité, pourraient se retirer du marché français. "Tout le monde s'est lancé en même temps, explique Paul Lê, le cofondateur de La Belle Vie, une plateforme de livraison de courses qui a testé temporairement le quick commerce avec son service Bam Courses. Nous savions tous que le marché allait se consolider vers ceux qui ont levé le plus et qui ont le mieux géré leur argent pour pouvoir racheter un concurrent pour pas trop cher et continuer à croître", explique-t-il.

"Un des gros acteurs pourrait quitter le marché français pour éviter de perdre trop d'argent"

Sur les quatre acteurs restant, Getir et Gopuff font office de dominants avec un marché bien installé respectivement en Turquie et aux Etats-Unis. "Gopuff s'est construit aux Etats-Unis sur la livraison de chichas et de courses de produits d'apéritifs. Si la start-up devient rentable sur son marché roi, les choses sont plus compliquées en France où les clients achètent des fruits et des légumes et non pas des boissons et de la junk food", note Paul Lê. Gorillas, de son côté, a acquis une bonne connaissance du marché en faisant l'acquisition de Frichti, un acteur français bien implanté. "Un des plus petits acteurs pourrait se rétracter par manque d'argent ou en l'absence de marché roi, tout comme un des gros acteurs pourrait quitter le marché français pour éviter de perdre trop d'argent", juge le cofondateur de La Belle Vie.

Un marché plus développé à Paris

Si le quick commerce gagne du terrain en France et que certains acteurs s'attaquent à des villes de province, l'activité bat son plein à Paris. Dans l'Hexagone, le quick commerce représente 12% des achats alimentaires livrés à domicile d'après les chiffres annoncés par Nielsen IQ en mai 2022, derrière les Uber Eats et Deliveroo (14%), les pure players (26%) et les livraisons d'hyper et supermarchés (48%). Et c'est à Paris que la formule prend le mieux : le quick commerce équivaut à 24% des livraisons à domicile (39% chez les moins de 28 ans) et même 49% des livraisons à domicile le jour même ! En avril 2022, Cajoo, Gorillas, Getir, Frichti, Flink et Gopuff ont enregistré 636 000 visiteurs uniques sur ordinateur, mobile et tablette, nous a indiqué Médiamétrie. Pour Paul Lê, le cofondateur de la Belle Vie, "à Paris, ce marché représente l'équivalent d'un grand hypermarché".

Augmenter la fréquence et les paniers

Les paniers moyens vont donc devoir augmenter : "Le client est jeune et urbain, ce sont des paniers avec des produits frais, des mono articles, comme une banane ou un avocat et des petites portions pour un ticket moyen de 21,4 euros", indique Sarah Duchazeaubeneix, directrice de clientèle internationale de Nielsen IQ. En comparaison, le panier moyen s'établit aux environs de 22 euros dans les enseignes de proximité et de 113,5 euros pour une livraison commandée chez une enseigne de grandes surfaces. La rentabilité se jouera donc sur le panier moyen mais aussi sur la fréquence d'achat. "Un client pérenne va acheter 3 à 4 fois par semaine sur son application de quick commerce, affirme Paul Lê de La Belle Vie. Ce ne sont pas les fréquences habituelles du retail, mais le client est aussi jeune et malin. Il n'hésitera pas à changer d'application s'il y a de meilleures offres ailleurs", continue-t-il. Sarah Duchazeaubeneix chez Nielsen IQ confirme, "l'objectif est de faire revenir plus souvent les clients déjà acquis car cela est plus rentable que de recruter de nouveaux clients".

Vers la fin de la livraison en quinze minutes ?

La société La Belle Vie, cofondée par Paul Lê, existe depuis 2015 et a créé un service de livraison express, Bam Courses. Le service a depuis changé son fusil d'épaule et propose maintenant la livraison en une heure. De son côté Gorillas ne communique plus sur une livraison en quinze minutes, mais "une livraison en quelques minutes". Dans leur quête de rentabilité, la livraison en quinze minutes reste donc un challenge pour ces entreprises. "Plus la livraison est rapide, plus elle coûte cher, indique Paul Lê. Alors il est logique de stacker, c'est-à-dire, ne plus livrer d'un point A à un point B, mais livrer 3 à 4 commandes à la fois", poursuit-il. Les acteurs du quick commerce ont tout intérêt à proposer une livraison en trente minutes à une heure plutôt qu'en dix à quinze minutes.

"Ceux qui gèrent le mieux l'argent accumulé gagneront leur place"

Ces start-up diversifient aussi leurs offres, à l'image de Gorillas qui propose maintenant quatre gammes en marque propre et pourrait aller vers un format de drive piéton, comme l'avait glissé son porte-parole Paul Choppin de Janvry lors d'une intervention réalisée au Hub Institute à Paris en avril 2022. Pour Paul Lê, "le marché du quick commerce est intéressant car il est une porte d'entrée dans le retail sans subir la concurrence des plus gros acteurs. Au final, ceux qui gèrent le mieux l'argent accumulé au cours des levées de fond gagneront leur place", affirme-t-il. Le quick commerce se cherche encore pour Sarah Duchazeaubeneix, "le marché a été sponsorisé par de nombreux investissements, mais il n'y a pas de ROI à court terme. Si c'est un marché qui se consolide, il n'est pas gros et présente du potentiel pour un acteur qui arrivera à se développer en dehors de Paris", conclut-elle.