Duel Google - Amazon : le marché publicitaire en pleine révolution ?

Leaders de leur marché respectif, Google et Amazon semblent engager depuis peu dans une dynamique concurrentielle intense. Après le cloud, l’assistant virtuel, voilà maintenant le secteur de la publicité digitale devenir le théâtre de leur affrontement. Search, display, e-commerce, focus sur 3 bouleversements en marche.

En concentrant 68% des investissements publicitaires sur la verticale digitale, le duopole Google et Facebook paraît ne souffrir d’aucune contestation. Une situation qui devrait même se renforcer grâce à la RGPD qui fait la part belle aux environnements logués, au détriment des éditeurs cookies-dépendant. Pour autant, cette domination risque bien d’être mise à mal non seulement par un effet de saturation des inventaires disponibles mais aussi par les ambitions d’Amazon. Profitant de son assise sur le e-commerce mondial, l’entreprise s’est lancée depuis 2016, avec retard donc, sur le marché de la publicité digitale, de sorte à monétiser ses audiences. Une intuition qui sera probablement payante quand l’on sait qu’aujourd’hui 55% des recherches produits aux Etats-Unis commencent sur la marketplace d'Amazon.

Résultat, nous sommes dans la situation que décrit fort a propos Marcus Wohlsen dans la revue Wired : « Si Facebook sait qui sont vos amis, Google sait ce qui vous intéresse ponctuellement sur Internet, Amazon sait ce que vous avez acheté et a une bonne idée de ce que vous pourriez vouloir acheter ensuite ». Autrement dit, en ayant la vue sur la fin du tunnel d’achat, la société de Jeff Bezos paraît armée dans cette bataille qui s’annonce pour le contrôle du marché publicitaire. Aujourd’hui, les revenus publicitaires d’Alphabet, société-mère de Google, ont dépassé le cap des 100 milliards sur l’année, soit 25 fois plus qu’Amazon. Mais quid de demain ?

Le Search, monopole de Google pour combien de temps ?

Avec 2,2 milliards d’euros investis, et une part de marché à hauteur de 45%, le Search reste le premier canal online en France. Un secteur très largement dominé par Google via sa plateforme Google Ads (anciennement Adwords) et qui connaît une dynamique soutenue avec une croissance de 11 points par rapport à l’année précédente. Rien de nouveau sous le soleil donc ? Pas tout à fait, puisque Amazon commence à devenir un acteur du search intéressant en captant 3 à 4% des budgets.

Pour les annonceurs, le géant du e-commerce a à sa disposition une donnée qui faisait un peu défaut à Google, à savoir les intentionnistes achats. C’est ce qu’a compris la firme lorsqu’elle a lancé son offre search advertising en 2016 autour des formats product sponsored ads et sponsored brands. Le premier permet aux marques de positionner un encart produit au sein des résultats de recherche de la marketplace, quand le second affiche un bandeau en haut de la page de résultat de manière à générer de la visibilité. Résultat, des coûts par clic beaucoup plus faibles que sur Google grâce à une concurrence plus restreinte et un meilleur taux de conversion.

La contrepartie de ces bonnes performances est que l’annonceur reste prisonnier de l’écosystème Amazon et doit ainsi posséder une boutique sur la marketplace. Notons que Cdiscount a lancé un service similaire. Si aujourd’hui, encore beaucoup d’annonceurs relèvent un manque de maturité technique de la plate-forme par rapport à Google Ads, de plus en plus de retailers passent une partie ou la totalité de leur budget sur Amazon.

Gageons qu’Amazon Advertising devrait rapidement rattraper son retard en terme de fonctionnalités. L’entreprise travaille actuellement sur le lancement d’une offre de retargeting search based permettant aux annonceurs de recibler les internautes dans leur navigation en se basant sur leurs requêtes Amazon.

Le display, vers un écosystème clos ?

D’après l’étude de l’Observatoire de l’ePublicité au 2ème semestre 2018, Google et Facebook concentrent 53% des investissements sur le format display. Présent côté éditeur avec Adsense, côté annonceur avec Google Display Network et côté technologie avec son DSP Google Bid Manager, le moteur de recherche couvre toute la chaîne de valeur du programmatique. Si bien qu’il est en mesure d’insuffler de nouvelles normes sur le marché en témoigne la coupure de son service d’achat media au printemps dernier aux éditeurs qui ne répondaient pas assez aux garanties RGDP.

Ce n’est pas anodin si 9 des 20 plus grands annonceurs français disposent d’un siège chez DBM (DoubleClick Bid Manager, DSP de Google). Car en plus de permettre une gestion de l’ensemble du parcours client via son full stack (Google Ads – Google Analytics – Google Bid Manager), avec un pilotage de la pression commerciale, Google restreint son inventaire propriétaire (Youtube, Gmail…) à l’usage de ses seules technologies.

De son côté, Amazon a décidé de reproduire ce même modèle gagnant. En mettant à disposition des annonceurs et agences sa DSP, l’e-commerçant monétise ses audiences intentionnistes, à la fois sur les (faibles) inventaires propriétaires de sa marketplace mais aussi auprès d’éditeurs ou places de marché partenaires, dont Google Adexchange… Si la donnée Amazon est sensiblement plus onéreuse que celle fournie par Google, elle revêt un caractère stratégique pour les retailers, de plus en plus nombreux à y avoir recours. Surtout, l’activation de campagnes, contrairement au search, n’a pas pour pré-requis l’ouverture d’une boutique sur Amazon. Résultat, les annonceurs profitent des clusters d’audience intentionnistes du géant du e-commerce pour générer du chiffre d’affaires sur leur propre site internet.

Prochain défi pour la marketplace : une montée en maturité technologique de sa DSP permettant un pilotage plus granulaire des campagnes. Si depuis peu, celle-ci est disponible en managed service, Google bénéficie en effet d’une franche longueur d’avance. La faute à une stratégie d’entreprise différente. Pour la construction de son offre programmatique, Google a pu miser sur le double rachat de DoubleClick et Invite Media, tandis qu’Amazon a pris le parti de développer une solution maison.

L’e-commerce, nouveau terrain de jeu pour Google ?

Si Amazon tente de tailler des croupières à Google sur ses métiers historiques, le moteur de recherche n’est pas en reste. Fin 2018, l'entreprise vient d’annoncer le lancement de son nouveau service Google Shoping Actions en France. Kesako ? Déjà présent dans le e-commerce depuis 2002 avec Google Shopping qui a mis à mal l’industrie des comparateurs, le géant de Mountain View franchit un pas supplémentaire en devenant à son tour une marketplace. Quels sont les changements à venir :

  -  - Passage d’un système d’enchère au coût par clic à un modèle à la commission pour les annonceurs. Comme sur Amazon, les marques connaîtront la rémunération prélevée par Google, celle-ci devrait être plus basse de 1 à 3% que son concurrent e-commerce.

-    - Gestion unique du panier sur l’ensemble des revendeurs, là où chaque vente sur Google Shopping est gérée de manière individuelle par les marques. En revanche, l’entreprise ne prend pas en charge la logistique de l’envoi des colis.

-  - - Présence du dispositif sur Google Shopping et Google Assistant. Avec la montée du voice search, il ne fait guère de doute que l’accessibilité du catalogue des marques via Google Home réponde à un nouvel usage.

Un repositionnement stratégique pour Google qui pourrait s’avérer fructueux si l’on regarde les bêta-testeurs de ce nouveau service : Boulanger – Fnac Darty – Carrefour – Auchan… autant d’entreprises qui ne sont pas présentes sur la plate-forme Amazon et pour cause !