Face à Google et Facebook, une seule solution... les alliances

Pas facile de résister aux rouleaux compresseurs que sont Google et Facebook… à moins de jouer collectif. Depuis 2 ans, les initiatives de rapprochement d’éditeurs se multiplient avec à la clé, la promesse pour les marques d’avoir un reach d’audience important et de proposer une véritable alternative aux acteurs américains. Focus sur quelques projets prometteurs.

Adobe, Google, Oracle et dernièrement Salesforce… Les éditeurs américains ont depuis longtemps pris le virage de la convergence en rachetant à tour de bras des briques technologiques pour étoffer leur marketing cloud. Côté producteurs de contenu, le constat est similaire avec AT&T et Verizon qui bénéficient d’une croissance externe importante en proposant ainsi aux annonceurs une suite marketing totalement intégrée, faite d’acquisitions et de partenariats.

En France, l’esprit de concorde est une nouveauté dans l’écosystème marketing digital. Historiquement éclatés en chapelle, les acteurs pensent depuis peu la nécessité de mettre en place des alliances. Confrontés à l’amaigrissement de leurs revenus publicitaires à cause de l’hégémonie du binôme Google-Facebook, les éditeurs se voient ainsi contraints de partager leur actif pour atteindre une masse critique recherchée par les annonceurs. Si à date, la dynamique est encore embryonnaire avec quelques initiatives çà et là, gageons que nous assisterons à l’accélération de ce phénomène dans les prochains mois tant les enjeux sont importants :

-    Pour les éditeurs : Optimiser la monétisation de leurs inventaires, mutualiser les coûts de régies publicitaires et améliorer l’expérience utilisateur proposée pour rendre leur public plus captif.

-    Pour les annonceurs : S’extraire de la dépendance de Google et Facebook (70% de l’investissement digital) et profiter de gisements de données à forte valeur ajoutée non exploitées aujourd’hui. Tour d’horizons de 6 rapprochements à fort potentiel :

L'alliance Gravity Data Media

Pionnière sur le marché de l’alliance data, Gravity regroupe l’inventaire de plus de 150 sites (Marie Claire – Orange – NRJ – Darty…) et applications permettant de collecter jusqu’à 2 milliards d’événements autour de 2 000 segments. L’ambition de cette coalition inédite de 25 groupes, majoritairement de presse et d’opérateurs télécom, est de pouvoir proposer un reach d’audience comparable à celui des leaders américains. Et ça marche. A date, Gravity parvient à couvrir mensuellement 42,7 millions de personnes en France, là où Google atteint 45 millions et Facebook 41,1 millions.

Si les éditeurs de presse sont majoritaires dans l’Alliance Gravity, c’est principalement pour offrir une alternative forte aux annonceurs lesquels investissent de plus en plus sur Google et Facebook. L’ambition est ainsi clairement d’optimiser la monétisation de son inventaire et d’atteindre un effet de seuil pertinent pour les annonceurs. Finie ainsi la contrainte de traiter en direct avec l’ensemble des éditeurs. Notons toutefois que s’il est possible pour les marques d’acheter des segments cross-site, la donnée reste bien disjointe entre les différents éditeurs. Cette architecture technique en demi-silo a été permise grâce à l’intégration de la Data Marketing Platform Mediarithmics laquelle permet d’avoir une même collecte et gestion de la donnée.

3W RelevanC

Casino, CDiscount, Monoprix… mais aussi GoSport, Sarenza, Courir. L’alliance data 3W RelevanC, fruit de la fusion des régies historiques du groupe Casino permet aujourd’hui aux agences et aux marques de répondre à 3 enjeux majeurs :

-          Analyse des habitudes de consommation

-          Segmentation de l’audience constituée de 30 millions de cookies pour l’activer

-          Mesure de la performance notamment en drive-to-store

Pour les marques FMCG, c’est aussi un moyen de s’affranchir des panélistes dans le pilotage de leur activité. Aujourd’hui la structure ambitionne de devenir un référent sur la partie insights et activation, elle qui propose près de 150 segments exploitables alimentés par le stack technologique Mediarithmics.

Verimi

Conglomérat d’acteurs allemands (Allianz – T Mobile – Bild – Deutsche Bank…), Verimi est un projet visant à la création d’un identifiant numérique commun sous forme de SSO (Single Sign On) entre plusieurs éditeurs. En proposant un équivalent au social login de Facebook, l’alliance vise à améliorer le taux d’embasement de l’audience et à limiter la friction traditionnelle au moment de l’inscription. En parallèle, la data ainsi collectée, sous le sigle de l’optin, est monétisée à travers une régie commune permettant de proposer une granularité et une profondeur de ciblage importante.

En prime, l’industrialisation de cette démarche SSO permet aux éditeurs, et donc aux annonceurs de réconcilier l’ensemble du parcours clients sur les différents sites partenaires

Geste

Côté français, les projets de login unique sont également d’actualité. Aujourd’hui, le GESTE (groupement de professionnels éditeurs en ligne) a mis en place un projet d’identification commune entre les différents acteurs du marché. En jeu : s’affranchir de la cookie-dépendance de plus en plus remise en question pour basculer vers un modèle customer-centric autour de données loguées. Dans les faits, les utilisateurs pourront s’identifier une seule fois pour accéder à l’ensemble des sites des membres de l’alliance via un identifiant unique grâce à une brique technique SSO.

Outre l’amélioration de l’expérience utilisateur (personnalisation site) et la facilitation d’accès au contenu, cette approche permet aux éditeurs de collecter de la donnée déclarative et donc fortement monétisable auprès de ses audiences. A date, une centaine d’éditeurs ont rejoint le projet encore en cours de réflexion. De quoi résister à l’hégémonie du duopole Google-Facebook.

Précisons que cette initiative du GESTE est d’ailleurs soutenue par… Google. Dans le cadre du programme Digital News Initiative inauguré par le moteur de recherche, le collectif français a reçu l’aide du géant américain qui n’hésite pas à communiquer là-dessus sur son site : « Google et Facebook ont placé la barre haut pour les expériences de connexion sans friction et l'écosystème éditeurs doit suivre le rythme. Le SSO GESTE est une plateforme unique qui permettra aux utilisateurs de rester connectés à différents canaux d’actualités français, améliorant ainsi l’expérience utilisateur et l’engagement des lecteurs. »

TF1 Unify

Début 2019, le groupe TF1 annonce le lancement du projet Unify dont l’ambition affirmée est de regrouper l’ensemble de ses activités digitales au sein d’une même marque. Réunie autour de 3 pôles d’activité majeures (publisher – brand solution – e-commerce), la nouvelle structure vise à unifier la data collectée par l’ensemble des entités de manière à monétiser une audience mensuelle estimée à 100 millions de visiteurs. Avec le rachat récent du trading desk Gamned, TF1 jouit d’une infrastructure technologique complète permettant d’allier création de contenu et diffusion. Un phénomène de convergence qui s’accélère dans notre écosystème en démontre les récents rachats respectifs d’AppNexus et Tradelab par AT&T et Webedia.

ID5

A rebours de la logique du login comme voie royale pour tracker les audiences, la société ID5 reste fidèlement attachée au cookie. Sa solution ? Proposer une grille de lecture commune entre les différents acteurs de l’adserving permettant d’éviter toute déperdition en terme d’identifiants publicitaires.

A date en effet, SSP, DSP, DMP, AdServer… chacun utilise son propre référentiel obligeant ainsi annonceurs et partenaires à avoir des tables de matching entre chaque acteur afin de synchroniser d’une plateforme à l’autre les cookies collectés. En moyenne, on estime que le taux de déperdition entre solutions peut atteindre jusqu’à 60%, de quoi amputer l’efficacité de bon nombre de plan média programmatique. Pire, cette synchronisation multi-acteurs est à l’origine d’une certaine latence. Exemple : 10 plateformes connectées suppose la dépose de 90 pixels. Le risque de data leakage n’est jamais loin.

Avec ID5, le matching est externalisé et opéré non plus entre les plateformes mais directement auprès de la solution. Reste à savoir si l’entreprise parviendra à faire de son identifiant partagé un référentiel commun à tous les acteurs de la chaîne de valeur du programmatique. 

Que ce soit au niveau de la data, du processus d’inscription ou de la mise en place de référentiel commun, il est à noter une forte dynamique d’alliances dans un secteur historiquement éclaté. C’est uniquement par ce prisme-là que les éditeurs et solutions technologiques pourront résister aux géants américains et proposer des assets pertinents aux marques.