Etienne Perret (Grenoble INP) "Avec notre capteur, nous voulons proposer une solution cinquante fois moins chère qu'un tag RFID"

Enseignant-chercheur au laboratoire de Conception et d'Intégration des Systèmes à Grenoble INP, Etienne Perret met au point un capteur IoT par radiofréquence combinant les avantages à la fois des codes barre et de la RFID.

Etienne Perret, enseignant-chercheur au laboratoire de Conception et d'Intégration des Systèmes à Grenoble INP. © Etienne Perret

JDN. Vous finalisez pour ce premier semestre 2021 le prototype de votre solution d'identification pour laquelle vous avez reçu en décembre dernier le prix Espoir 2020 de l'IMT et de l'Académie des sciences. En quoi consiste-t-elle ?

Etienne Perret. La problématique qui a émergé il y a une dizaine d'années était de parvenir à faire des choses comparables à celles que l'on peut faire avec des codes à barre avec une approche radar et le tout sans puce. Je suis à la tête d'un laboratoire spécialisé dans les systèmes de communication radiofréquence, c'est mon travail de recherche que d'envisager des solutions autres que celles qui existent sur le marché. J'ai ainsi mis au point avec mon équipe un capteur sans puce sous la forme d'une étiquette électronique d'identification sans puce, imprimable, recyclable, et peu coûteuse. La technique de réalisation est simplifiée : il est possible d'imprimer le tag directement sur l'objet, comme avec un code à barre. Sa caractéristique repose sur la géométrie des capteurs, imprimés avec une encre conductrice. Selon la forme de l'étiquette, la signature de l'onde réfléchie par un émetteur sera unique, et permettra sa détection.

Ce capteur fonctionne par radiofréquence, quelles en sont les spécificités par rapport à la RFID ?

La RFID est une technologie qui fonctionne très bien depuis de nombreuses années. Elle permet de nombreuses fonctionnalités, comme la possibilité de lire les tags à des distances de l'ordre d'une dizaine de mètres ou plusieurs tags en même temps, qui auraient pu lui permettre de supplanter le code à barre. Mais elle peine à entrer dans les mœurs en raison de son coût, qui a longtemps été rédhibitoire car les entreprises doivent déployer à la fois des tags RFID sur les objets à tracer, ainsi que des lecteurs. Il n'y a que depuis quelques années, en particulier en France avec les projets de Decathlon, que la RFID est utilisée à grande échelle. Le code à barre reste la technologie la plus avancée sur le marché en raison de son coût et de sa simplicité de mise en œuvre. Les entreprises peuvent en imprimer avec leurs propres équipements. Nous avons vu une place entre ces deux, où l'on pourrait mettre en avant les avantages des deux technologies, à savoir la possibilité d'impression et le bas coût du code à barre, tout en reprenant de la RFID la lecture du code à travers certains objets opaques, comme des cartons, en se reposant sur la signature ondulatoire. Le fait qu'il n'y ait pas de puce le rend très différente de la RFID, même si cela reste un système d'identification par radiofréquence : il n'y a pas de système de communication ni d'informations constituée par une suite de 0 et de 1.

Quelles perspectives de marché s'offrent à votre solution ?

Cette technologie pourrait avoir sa place là où le code à barre n'est pas satisfaisant, c'est-à-dire là où on veut enlever la présence humaine pour positionner l'objet en face du lecteur et automatiser cette acquisition de la donnée, ou quand on a besoin de lire le code à travers un objet pour des questions d'intégrité de produit. On ne va pas pouvoir avoir toutes les fonctionnalités de la RFID mais notre solution a des avantages significatifs par rapport au code à barre. Son usage d'identification et de traçage concernera principalement l'asset tracking. Je suis aidé par une entreprise issue d'un grand groupe qui m'accompagne et qui gère les aspects marché. Tout a été fait pour que le prototype soit industrialisé rapidement. Notre objectif est de proposer au marché une solution cinquante fois moins chère qu'un tag RFID. Nous ciblons de gros acteurs dans la traçabilité pour voir ensuite les usages, en dire davantage maintenant serait spéculer.

Envisagez-vous déjà des évolutions à ce capteur ?

Je travaille dès à présent sur l'ajout de fonctionnalités que le code à barre n'a pas : réinscrire de l'information sur une étiquette imprimée, la fonction de capteur avec la détection de température ou d'humidité et la reconnaissance de gestes. Aujourd'hui, on voit se développer cette idée d'interaction avec un système électronique, soit par la voix soit par les gestes. Nous voulons nous positionner sur ce sujet.  Notre étiquette permet d'authentifier la personne en face du lecteur. En plus de récupérer une information issue d'une action, on saura qui émet l'ordre. A partir de là, l'étiquette pourrait être vue comme un intermédiaire. La personne pourrait interagir avec de deux manières : soit en appuyant dessus et si l'on a imprimé un clavier, on pourrait entrer un code ; soit par la détection de gestes, un mouvement vers le haut pourrait par exemple déclencher un ordre au niveau du lecteur pour piloter à distance l'équipement. Avec notre approche radar, on est capable de localiser l'étiquette de façon simple et de détecter son déplacement et donc des mouvements. Le tout sans que l'étiquette soit connectée.

Après un doctorat en génie électrique à INP Toulouse obtenu en 2005, Etienne Perret rejoint Grenoble INP pour poursuivre sa carrière académique. Ses travaux l'amènent sur le sujet des technologies d'identification, et en particulier sur des approches sobres minimisant le coût et les matériaux nécessaires à leur fabrication.