Start-up : faut-il (vraiment) lever des fonds ? Levée de fonds : une étape à éviter

Souvent considérée comme la première phase de développement d'un projet par les jeunes entrepreneurs, la levée de fonds devient parfois trop vite une fin en soi. Cette étape doit cependant être évitée voire repoussée le plus tard possible. Pourquoi ?


Un moyen et non une fin

guilhem bertholet, entrepreneur et ex-responsable de l'incubateur hec
Guilhem Bertholet, entrepreneur et ex-responsable de l'incubateur HEC © François Tancré

Lever des fonds ne doit jamais constituer un objectif final dans une start-up et pourtant, "les jeunes entrepreneurs partent souvent en roadshow dans l'idée d'obtenir une reconnaissance extérieure de leur projet" précise Guilhem Bertholet, entrepreneur et ancien responsable de l'incubateur HEC. Certains estiment même que l'apport en capitaux leur permettra de survivre le temps de développer leur produit et de tracter un marché. "Un entrepreneur qui partira en quête de capitaux dans l'idée d'obtenir une reconnaissance extérieure de son projet avant même d'assurer ses fondamentaux risque avant tout de se retrouver démotivé et de s'éloigner de ses objectifs" rajoute-t-il.

Ainsi, l'entrepreneur s'éloignera de ses équipes et risque d'être déçu de ses attentes d'investissements si ses recherches n'aboutissent pas, "raison pour laquelle il ne faut pas chercher à lever trop tôt et qu'il faut même repousser ce type d'opération au plus tard " souligne Guilhem Bertholet. Reste à l'entrepreneur d'avoir une vision claire sur ses objectifs de développement et des ressources dont il aura besoin pour envisager une levée de fonds au bon moment, c'est à dire quand il dispose d'un prototype de son produit et qu'il a commencé à conquérir son marché.


Dilution de capital : un risque managérial


pascal mercier, managing partner chez assya corporate finance
Pascal Mercier, managing partner chez Assya Corporate Finance © S. de P. Assya Corporate Finance

A l'évidence, la levée de fonds aura pour première conséquence de réduire l'intéressement des entrepreneurs dans leur start-up. Pour Pascal Mercier, spécialisé dans le conseil en levée de fonds et associé chez Assya Corporate Finance "ces dilutions sont généralement comprises entre 20 et 30% du capital et impliquent a fortiori un pacte d'actionnaires, donc des obligations de sorties pour l'investisseur qui va avoir de fortes attentes auprès d'un entrepreneur qui dirige une société dans laquelle il a investi". Outre les attentes en termes de revenus, ces objectifs iront même jusqu'à imposer une future cession au dirigeant de la start-up. "Lors de chaque bulle, comme en 2006 et 2007, beaucoup de sociétés ont levé trop d'argent par rapport à l'état de développement d'un produit alors que leur modèle économique n'était pas encore prouvé". Résultat : certaines start-up n'ont pas survécu et les investisseurs n'ont pas assuré leurs objectifs. Il peut également arriver un moment où l'entrepreneur n'est plus entrepreneur et répond aux décisions de ses actionnaires tel un salarié lambda.

L'exemple Alinka :

antoine brenner et benjamin lévy, fondateurs d'alinka et de gymglish
Antoine Brenner et Benjamin Lévy, fondateurs d'Alinka et de Gymglish © S. de P. Gymglish

Avant de fonder Gymglish, une start-up indépendante qui commercialise un outil d'e-learning pour apprendre l'anglais, Antoine Brenner et Benjamin Levy avaient créé une société baptisée Alinka qui fournissait un logiciel de clustering Linux. "Nous avons levé deux millions de francs en 2000 comme tout le monde auprès de business angels alors que nous étions déjà rentables. Puis nous avons été approchés par une spin-off de Bull pour devenir sa filiale après une augmentation de capital de dix millions de francs". Reste que les deux entrepreneurs ont très vite perdu toute capacité de décision pour finir par démissionner deux ans plus tard : "La société est restée rentable tout ce temps sur une partie de son activité. Nous avons subi une épreuve humaine très difficile au cours de laquelle nos actionnaires nous ont imposé des pratiques loin de nos conceptions professionnelles". Bilan : les entrepreneurs ont attaqué leur maison mère en justice avant de faire un break, puis de fonder Gymglish qui, "pour des raisons d'épanouissement professionnel et personnel, restera indépendante même si lever des fonds pourrait accélérer notre développement".


Une perte de temps

Si une recherche de fonds qui fonctionne permettra de gagner du temps dans le développement d'une société, cette dernière pourra nécessiter "jusqu'à une personne à plein temps de quatre à six mois" note Guilhem Bertholet. Autant donc disposer d'un business plan sur le long terme pour ne pas avoir à retourner travailler sa copie après les premières rencontres avec des investisseurs. "Il faut donc prendre tout son temps car le risque est que l'augmentation de capital soit réalisée soit trop tôt, soit pour de mauvaises raisons, comme par exemple un modèle pas assez mature" précise Guilhem Bertholet. Charge également aux entrepreneurs de choisir de passer par un leveur professionnel, qui se rémunérera en fonction du montant levé.