Marco Tinelli (Redpill) "Redpill va lancer une plateforme de monétisation data avec un des plus gros e-commerçants français"

Incubateur de start-up avec des grands groupes, Redpill dévoile déjà ses ambitions pour 2023 : attaquer le marché des tickets de caisse virtuels et les services d'intelligence artificielle pour les entreprises.

JDN. Redpill est à l'origine de dizaines de start-up et de plateformes de data marketing et e-retail media, dont RelevanC, que vous avez lancé en joint-venture avec le groupe Casino. Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?

Marco Tinelli est fondateur et CEO du start-up studio Redpill. © Redpill

Marco Tinelli. Nous continuons de lancer deux à trois start-up chaque année, dont les plus récentes sont Nektarea (fintech) et May (avantages aux salariés). Nous lancerons d'ici décembre une nouvelle plateforme de monétisation data avec un des plus gros e-commerçants français. Un autre sujet qui nous excite beaucoup en ce moment est la suppression des tickets de caisse. Pouvant disposer de leur version virtuelle, les consommateurs vont reprendre le contrôle de ces informations pour s'en servir, par exemple pour obtenir des promotions ou des réductions. Nous nous penchons dessus.

Parmi vos start-up, on retrouve des sites, plateformes et applications de live shopping, divertissement, gaming, social commerce, jeux d'argent ou de paris en ligne, web3, gestion de fortune et épargne… Quel est le point commun entre tous ces projets ?

Tous ces projets reposent sur une utilisation industrielle de la data. Que ce soit une fintech, un jeu ou une start-up média, le fonctionnement est le même : il s'agit dans tous les cas de synchroniser des flux, de traiter la data en temps réel, de comprendre qui est en face, de faire preuve d'empathie, de disposer des scorings de risque, etc. Prenons l'exemple de Go Mojo que nous avons lancé avec la FDJ. C'est certes un site de jeux mais son modèle économique se base sur la monétisation des utilisateurs à travers la publicité et la data. Nektarea, c'est un produit financier extrêmement puissant inventé par Joseph Chatel, dont le cœur du réacteur est sa capacité à acquérir les clients à moindre coût. Redpill lance tous ces projets en partenariat avec de grands groupes. Nous nous occupons de la modélisation, de l'analyse du business, du recrutement, du développement et du lancement. Une fois que la start-up décolle et que l'activité fonctionne bien, elle retourne dans le giron du groupe partenaire.

Où en est Ermes, la plateforme de data marketing que vous avez lancée en 2020 ?

Ermes est la plus grosse activité du groupe Redpill : elle génère 60% de notre chiffre d'affaires (estimé à 18 millions d'euros cette année, avec 10 millions de marge brute) et a multiplié par 3,5 ses recettes comparé à 2021. Ermes se concentre sur l'utilisation de la data à grande échelle, son activation et la mesure des campagnes de manière agnostique sur l'ensemble des médias à travers deux activités distinctes : des services d'agence média et une plateforme de marketing de précision de masse sur abonnement. Notre objectif est désormais de développer notre base d'abonnés ETI et PME. Tous ces acteurs disposeront d'une plateforme puissante au même titre que des grands groupes mais en déboursant 500 euros par mois. Nous voulons démocratiser le marketing de précision.

Quelles doivent être les priorités des adtech ?

L'adtech et le data marketing se sont beaucoup trop développés en silos. Vous avez une multitude de solutions ultra pointues au point que les annonceurs en font une overdose. Face à toute cette complexité, ces derniers finissent par choisir le chemin le plus simple : Google et Facebook. C'est pourquoi des solutions simples, agnostiques, transversales et multileviers doivent émerger avec au cœur la possibilité de se passer des cookies grâce au hachage des e-mails.

Par ailleurs, nous ne sommes qu'au début du machine learning et de l'IA. Nous allons très probablement créer une entreprise uniquement pour adresser ce sujet sur tous les processus opérationnels qui peuvent être améliorés et dopés par des boucles d'IA et de machine learning. Il y en a déjà qui tournent au sein d'Ermes mais on pense qu'on en fera une activité spécialisée dès l'année prochaine.

Plusieurs solutions du marché essayent d'opérer cette transition vers le post-cookie avec l'e-mail haché. Qu'en pensez-vous ?

L'écosystème de ces solutions n'est pas prêt, pourtant nous essayons de faire au mieux avec eux en mettant au minimum 20% à 30% de nos budgets d'activation chez un The Trade Desk ou un Xandr. Le pire cauchemar pour nous ce sera de nous retrouver avec un marché divisé entre Google et Facebook. Or, chez les Gafam ça marche, contrairement au programmatique qui rajoute beaucoup de complexité et où les connecteurs frottent encore beaucoup. Nous travaillons avec beaucoup d'éditeurs pour créer des connecteurs sur la base d'e-mails hachés qui peuvent fonctionner partout. Les éditeurs ont besoin d'opérer un véritable pivot technologique. Nous disposons de 55 millions de contacts en France sur la base d'e-mails hachés.

L'arrivée prochaine de CoreID d'Epsilon (Publicis) sur le marché français ne vous fait pas peur ?

Le vrai sujet n'est pas la compétition entre Publicis et Ermes, Publicis et Havas ou WPP, etc. Le vrai sujet, c'est de savoir si nous aurons des acteurs indépendants actifs face à Google et à Facebook.