Consentement aux cookies : les cookies walls sont-ils menacés ?

Consentement aux cookies : les cookies walls sont-ils menacés ? Le rapport des Cnil européennes insiste sur l'importance de donner à "refuser" la même priorité qu'à "accepter" et limite le recours à l'intérêt légitime

En renforçant l'importance de l'offre d'un choix éclairé et équitable, le rapport que la Cnil et ses homologues européennes ont adopté le 18 janvier pour harmoniser leur manière d'instruire les plaintes au sujet des bannières de consentement aux cookies met-il en péril le principe du cookie wall ? Non, à condition que l'information donnée à l'utilisateur soit claire et les alternatives équitables.

Sébastien Gantou, CEO de Digital DPO, rappelle qu'il ne faut pas confondre l'obligation d'offrir un choix éclairé entre l'acceptation et le refus des cookies et la liberté des éditeurs d'entreprendre. "On ne peut pas obliger un acteur économique à travailler gratuitement. Maintenir une information de qualité non payante est un enjeu fort sur le digital", rappelle-t-il. Valérie Chavanne, fondatrice de LegalUp consulting, apporte cependant une nuance : "Dans ce cas, le support responsable de traitement se doit d'être irréprochable. Il doit témoigner d'une intention extrêmement claire de partager une information transparente avec l'utilisateur et lui offrir la possibilité d'exercer ses choix à tout moment."

"On ne peut pas obliger un acteur économique à travailler gratuitement"

Un certain nombre d'éditeurs proposent l'achat de l'article ou l'abonnement à ceux qui refusent les traceurs de publicité ciblée. D'autres imposent le partage d'une donnée personnelle, par exemple l'e-mail lors d'une création de compte, ou l'acceptation des cookies en contrepartie de l'accès à l'intégralité de leurs contenus, cas notamment d'éditeurs financés par la publicité.

"En 2020, un arrêt du Conseil d'Etat a signalé à la Cnil qu'elle ne peut pas interdire la pratique des cookie walls. Depuis, la Cnil indique dans ses lignes directrices qu'une analyse au cas par cas sera effectuée. En 2022, la Cnil a fourni ses premiers critères d'évaluation, qui incluent entre autres l'obligation de proposer une alternative claire et réelle aux utilisateurs, comme la possibilité pour eux de payer un prix qui soit proportionné et équitable ou, en absence d'alternative d'achat ou d'abonnement, de vérifier ailleurs sur le web l'existence de la même offre d'informations", précise Sébastien Gantou. Une orientation qui n'est pas contredite par le rapport des Cnils européenne.

Alexandra Iteanu, responsable du pôle RGPD et data au sein du cabinet Iteanu Avocats, préfère quant à elle bien distinguer l'accès au site de l'accès aux contenus : "Le publisher a l'obligation d'offrir une alternative à ceux qui ne souhaitent pas accepter les cookies : il faut par conséquent que même les utilisateurs qui refusent les cookies puissent accéder au site. Mais cela ne signifie pas que le publisher est obligé de leur donner accès à ses contenus. Toute société qui veut rendre un service payant peut limiter l'accès à ce service : c'est le droit", résume-t-elle.

Intérêt légitime

Les éditeurs qui soumettent l'accès à leur contenu à l'acceptation par l'utilisateur de la collecte de leurs données personnelles sans le signifier clairement et sans proposer d'alternative se mettent dans une situation risquée. Le rapport publié par les Cnil européennes met en évidence le fait que les éditeurs ne pourront plus imposer le partage de données personnelles au seul argument que ces dernières leur permettent de mieux financer leur activité grâce à la publicité personnalisée au titre de l'intérêt légitime.  "C'est une tendance de fond : le rapport des autorités européennes met en péril l'utilisation du principe de l'intérêt légitime comme base légale pour la collecte de données personnelles à de fins de publicité personnalisée", déclare Valérie Chavanne.

Une analyse qui rejoint la lecture qu'en avait faite l'association noyb le lendemain de la publication du rapport : "Il est peu probable que les opérateurs de sites web puissent s'appuyer sur une base juridique d'intérêt légitime pour traiter des données personnelles à des fins de personnalisation de contenu ou de publicité personnalisée", indiquait au JDN Ala Krinickytè, juriste de l'association.