La (r)évolution de la convergence Internet / Mobile ?

Parmi le foisonnement d'innovations et d'annonces faîtes à l'occasion du 3GSM 2007, Thomas Husson, analyste chez Jupiter Research, identifie deux grandes tendances : le développement de l'entertainment mobile et la convergence avec le monde de l'Internet.

Au-delà de la traditionnelle présentation des collections automne/hiver des constructeurs de terminaux et du discours des équipementiers / vendeurs de solutions technologiques (Wimax, LTE, IMS/SIP, Femtocell,...), les acteurs s'accordent sur la nécessité de simplifier l'expérience utilisateur.

Les nombreuses discussions autour du lancement d'interfaces utilisateurs plus ergonomiques (type iPhone) ou l'attention portée aux solutions clients/servers ou rich-media, qui permettent de faciliter l'accès aux contenus (Surfkitchen, Bluestreak,...), montrent la nécessité pour des acteurs aux intérêts parfois divergents de travailler ensemble pour simplifier l'accès aux services multimédia et faire décoller l'usage grand public. Cependant, un écosystème où le téléphone/hardware et le logiciel/software s'intègrent de manière fluide et transparente pour l'utilisateur final est encore trop dépendant du rapport de forces entre opérateurs et constructeurs de terminaux et de la fragmentation du marché des téléphones mobiles.


Selon moi, le congrès 2007 s'est déroulé autour de deux grandes tendances principales :


1) La présence croissante des acteurs de l'entertainment et la forte attente liée au développement des contenus mobiles

Mes collègues américains ont été surpris par la taille du 3GSM. Mais malgré ses 60.000 délégués, le show de Barcelone est encore loin de rivaliser avec le CES de Las Vegas. Pour la première fois, un hall était dédié aux acteurs de l'entertainment, avec un stand Yahoo bien visible où des démonstrations des nouvelles versions de Yahoo Go / Search étaient disponibles, quand la société n'avait que des salles de réunion il y a deux ans à Cannes !


De nombreuses annonces ont été faites autour de la TV mobile, notamment par Nokia qui a lancé un téléphone DVB-H, le N77 (après le lancement du N92 en novembre 2005) qui se veut plus accessible (370 euros hors subventions et taxes). C'est une bonne nouvelle pour sortir du dilemme entre l'oeuf (la disponibilité des téléphones) et la poule (disponibilité des réseaux), à moins que ce ne soit l'inverse (!). Il faudra cependant une gamme bien plus large pour passer des quelques centaines de milliers d'utilisateurs DVB-H de 3 en Italie (qui contrairement à ce qui est annoncé partout n'a pas, à ma connaissance, atteint le seuil des 500.000 clients qu'il s'était fixé à la fin 2006) aux 20 millions de téléviseurs mobiles DVB-H que Nokia espère vendre d'ici 2009 dans le monde entier.

La question centrale est plutôt : quel degré de sur-subvention les opérateurs sont-ils prêts à investir de manière à faire décoller ce marché tout en maintenant leur profitabilité ? Malgré les tests encourageants menés à travers toute l'Europe, les différentes études menées par Jupiter Research tendent à prouver qu'un faible pourcentage des "mobinautes" seront effectivement prêts à payer les 5 à 10 euros mensuels sur lesquels sont bâtis certains modèles économiques. Sachant que la complémentarité de nouvelles sources de revenus (services interactifs, publicité) n'est pas assurée à court, ni même moyen terme, il s'agit d'un investissement stratégique à long terme.

Un certain nombre de freins subsistent encore : absence de droits "mobiles" pour les contenus premium, répartition incertaine des risques et des revenus entre les différents acteurs, fragmentation des technologies broadcast au niveau mondial qui limitent les économies d'échelle.

Si le DVB-H est plus à même de devenir un standard en Europe malgré le manque de fréquences UHF avant le basculement complet de l'analogique au numérique, d'autres technologies existent en Asie ou aux Etats-Unis (annonce en début de semaine que Cingular choisirait également MediaFlo de Qualcomm) et certains tests viennent d'être finalisés (technologie complémentaire du MBMS poussée par Ericsson ou par TDtv dans la bande de fréquences 3G ou encore Flo avec BSkyB en Angleterre).
La récente discussion de la loi sur la TV du futur montre qu'il s'agit également d'un enjeu politique sur la répartition du poids accordé aux différents acteurs (groupes audiovisuels et opérateurs télécoms) et sur la nécessité de renforcer la capacité d'innovation française (DibCom, UdCast, Sttreamezzo et surtout la solution par satellite d'Alcatel).


La musique sur mobile était moins à l'honneur cette année après les réactions disproportionnées dues à l'arrivée d'Apple sur le marché européen, attendue fin 2007 en Europe. Seul le lancement de MusicCast d'Omnifone a retenu l'attention. Le jeu sur mobile s'est également fait très discret, alors qu'il représente un secteur plus important aujourd'hui que les autres catégories précédemment évoquées.


2) La lame de fond de la convergence Internet-Mobile


La multitude d'accords signés entre les acteurs Internet et les opérateurs (Vodafone / Google Maps, symbole de l'intérêt croissant pour la géo-localisation à l'instar des annonces de Nokia sur les terminaux GPS ; Vodafone & Yahoo / Windows Live sur l'Instant Messaging, Vodafone / MySpace & YouTube) ou les constructeurs de téléphones (le prometteur Nokia / YouTube) témoignent de cet engouement croissant.
Indépendamment des marques Internet, de nouveaux acteurs profitent de la spécificité du mobile et de leur connaissance du marché pour offrir leurs solutions en marque blanche aux opérateurs, à l'image d'accords commerciaux très intéressants annoncés à Barcelone : Jumptap & Openwave ou encore Infospace & Fast pour n'en citer que quelques uns.


Pourtant, les fondations du marché commencent seulement à être mises en place : terminaux et réseaux HSPA permettant un accès quasi-instantané aux contenus (en particulier HSUPA pour le lien ascendant permettant d'uploader des contenus crées par les utilisateurs depuis leur téléphone multimédia vers le réseau de l'opérateur) même si ceux-ci ne seront pas vraiment massivement disponibles pour le grand public avant la fin de la décennie ; refonte de la tarification data (à l'image des X-Series lancées récemment par 3 en Angleterre) ; ou encore la compatibilité croissante avec l'univers technologique Internet (browser html,...).

Il s'agit d'un marché encore naissant mais très prometteur à en juger par le nombre et la qualité des innovations présentées au 3GSM (widgets, accès aux contenus stockés sur PC via des start-up comme Orb ou Sling).

La (r)évolution du secteur est en train de se dessiner comme en témoigne la tenue prochaine à Paris d'une conférence au titre évocateur : "le mobile 2.0". Au-delà de l'effet de mode, certaines tendances actuelles du monde Internet (débat sur la net neutrality, Voix sur IP, opportunités liées au concept "long tail", "user-generated content" ou encore modèles économiques fondés sur la publicité) commencent à structurer la réflexion et les évolutions stratégiques du monde mobile. Cette convergence n'est pas encore véritablement une réalité économique aujourd'hui, mais il n'y a guère de doutes qu'elle le deviendra dans le futur, tant que les spécificités du mobile seront prises en compte.