La constructech se bâtit de plus en plus avec l'IoT

La constructech se bâtit de plus en plus avec l'IoT Le secteur du BTP multiplie les projets intégrant des objets connectés pour développer de nouveaux modèles d'affaires autour de la géolocalisation d'actifs et de la sécurité des travailleurs.

Pour les fondateurs de Hiboo, start-up française spécialisée dans la digitalisation d'équipements de construction, "2021 marque l'avènement de la constructech avec une intégration renforcée de l'IoT dans les projets BTP". "Avant, les acteurs prenaient le temps de réfléchir à l'apport de l'IoT. Depuis la crise sanitaire, ils se rendent compte que la technologie est indispensable et ils veulent l'intégrer. Il y a un vrai dynamisme sur le marché ces derniers mois", confirme Olivier Pagès, CEO de la start-up ffly4u, spécialisée dans le suivi d'actifs industriels, qui a enregistré en 2020 une année record avec 40% de croissance  et entend se renforcer sur cet axe en 2021. Et ce n'est pas le seul à miser sur le BTP connecté : Bouygues Travaux Publics et Hesus ont lancé fin 2020 Ubysol, une solution commune de traçabilité IoT des déblais de chantier.

Il faut dire que le premier usage de l'IoT dans le BTP concerne le suivi d'actifs. "Il s'agit d'un important levier de croissance car suivre et connaître l'état des appareils offre une aide à la décision aux entreprises du BTP, dont le planning est souvent très serré", souligne Nicolas Lemaire, cofondateur et directeur commercial d'Omniscient, une plateforme d'optimisation des opérations de chantiers née en 2018 en intrapreneuriat au sein de Bouygues Construction. Le suivi d'actifs est même source de multiple gains, qui permettent un retour sur investissement des solutions. Omniscient cite l'exemple d'un projet d'asset management mené sur un chantier de 15 000 m² pour un coût de 17 000 euros. Ce dernier a généré des économies de 215 000 euros sur douze mois par la réduction des pertes d'outillage, mais aussi l'augmentation de la durée de vie des équipements et une programmation optimisée des opérations de maintenance, ainsi que des gains de temps aux opérateurs qui se sont consacrés à d'autres tâches à valeur ajoutée.

Dans le cas de Newloc, entreprise française de location d'engins de chantier, l'installation de capteurs pour la géolocalisation de 2 000 machines autoportées a porté ses fruits : l'entreprise a pu réaliser, grâce à la détection de vibrations associée à la position, des rapports sur la consommation de carburant et la mesure des temps d'arrêt des machines afin de programmer les opérations de maintenance et introduire de nouveaux modèles d'affaires avec une facturation à l'usage. "L'IoT vise à la réduction des coûts, contribue à un niveau de performance industrielle supérieure et permet d'introduire de nouveaux revenus", résume Olivier Pagès, de ffly4u.

Objectif zéro accident

Le deuxième emploi majeur de l'IoT dans le BTP, favorisé par la crise du coronavirus, porte sur la protection des travailleurs afin d'atteindre l'objectif du zéro accident. "Après le premier confinement, la question était de savoir comment reprendre le travail en assurant la sécurité alors que le virus est toujours présent. L'IoT est une réponse", indique Nicolas Lemaire d'Omniscient, qui a déployé auprès de ses clients des badges de distanciation physique.

Le fabricant de semiconducteur Semtech a observé une hausse des volumes de traceurs pour cet usage dans le BTP. "Nous ne nous attendions pas à une telle reprise de l'activité. Avec l'essor de ces applications, le nombre de puces LoRa dans le monde devrait passer de 167 millions fin 2020 à 180 millions fin février 2021", indique Olivier Beaujard, directeur de l'écosystème LoRa chez Semtech et membre de l'Alliance LoRa. "La sécurité, en particulier dans les PME, était peu prise en compte à moins d'un accident. Désormais, il s'inscrit dans une démarche continue de sécurité des travailleurs", assure Franck Cherel, dirigeant de Parade, qui a connecté une paire de chaussures de sécurité de travail permettant de signaler tout problème. "La donnée des devices permet de mieux maîtriser les chantiers et d'éviter le déplacement de personnes inutilement", ajoute-t-il.

Algeco, qui a effectué un POC avec Vinci, prévoit d'étendre les usages de l'IoT. © PHOTO ESKENAZI DOMINIQUE

Autre exemple avec Algeco, fabricant français de constructions modulaires, qui s'est lancé dans l'IoT en mars 2020 pour assurer la distanciation physique dans ses modules de chantier. L'entreprise a travaillé avec la start-up Acmiot, spécialiste français de l'IoT dans la construction, la gestion d'assets et l'industrie, pour définir différentes fonctionnalités dans les capteurs, ce qui a notamment débouché sur un POC avec Vinci. "Nous pouvons désormais, outre la mesure des flux de personnes, avoir des informations sur la qualité de l'air et la consommation énergétique de nos modules, ce qui nous permet de mieux maîtriser les coûts", raconte Vincent Conte, directeur marketing d'Algeco.

Selon Kuzzle, spécialiste français des solutions open source, les usages développés dans le BTP avec l'IoT "resteront identiques" au cours de l'année à venir mais "montreront que la démarche est indispensable". "Jusqu'à présent, les freins au déploiement de l'IoT dans le BTP tenaient dans le coût des projets, et la certitude que les capteurs soient bien installés et remontent des données de qualité. Or, la technologie démontre sa valeur", explique Jacques Le Conte, son CEO.

D'autant que les acteurs du BTP sont poussés vers l'IoT par leur écosystème. "Le matériel des fabricants est de plus en plus connecté nativement. Pourtant, selon Berg Insight, 95% des données émises dans la construction ne sont pas utilisées par les exploitants de matériels. C'est en les aidant à transformer la data en valeur qu'ils se rendent compte du potentiel de l'IoT", assure Charles Bénard, cofondateur et CPO de Hiboo, qui s'attache à valoriser les 12 500 équipements connectés de ses clients répartis dans 42 pays. La start-up Omniscient, qui a déployé 3 500 capteurs en 2020, s'attend aussi à un essor de l'IoT dans le BTP. Elle a déjà des commandes programmées prévoyant le déploiement de 25 000 capteurs entre 2021 et 2022 et projette d'en piloter 60 000 en 2024, ce qui multiplierait par 20 son chiffre d'affaires en quatre ans, d'après ses prévisions. Le marché de la géolocalisation dans la construction est estimé en France à 135 millions d'euros.