"Le Pillage de l'Etat" : les meilleurs extraits Les témoins de l'argent douteux

Yann Galut raconte l'histoire  de l'ex trésorier "d'un fleuron français de l'industrie et de la Défense". Chargé par sa direction d'effectuer des virements suspects, il devient un témoin précieux de l'évasion fiscale pratiquée par les grandes entreprises.

"Ce jour-là, Monsieur A. s'apprête à rentrer chez lui, satisfait du travail accompli dans la journée, quand il s'étonne, le fait n'étant pas coutumier, de voir débarquer dans son bureau l'un des grands boss de la boîte. A l'évidence, le chef est gêné. L'employé, lui, s'enquiert du motif de sa visite. Le premier répond :

- J'ai besoin que vous signiez des ordres de virement. Le second dit :

- OK.

Quand il voit la somme que le supérieur hiérarchique évite de prononcer, il se fige. 140 millions de dollars.

Mais quand il voit la somme que le supérieur hiérarchique évite de prononcer, il se fige. 140 millions de dollars.
L'objet de la transaction à laquelle on lui ordonne de procéder apparaît. Il s'agit d'un contrat d'armement passé avec le Nigeria d'un montant total de 700 millions de dollars. Pour une marchandise dont l'intérêt interroge le trésorier qui connaît bien les produits du catalogue de la maison.
Ce sont des munitions de haute technologie que le Nigeria achète, réputées pour leur portée réduite et pour la complexité de leur utilisation qui fait ressembler leur mode d'emploi à celui d'un jet supersonique. Sur les 140 millions que son chef demande à Monsieur A. de virer, la moitié est envoyée sur un compte intitulé "Ramona" et localisé à Vaduz, capitale du Liechtenstein, l'autre à Genève sur le compte "Delta", nom donné aussi à une cellule officieuse de la DGSE...
Monsieur A. croit comprendre qu'il s'agit d'un moyen destiné à alimenter les caisses noires de l'Etat, et c'est bien ce qui le bouleverse. Ecœuré parla scène et les conclusions qu'il en a tirées, il démissionne peu de temps après.
Un jour au Salon du Bourget, il croise par hasard un ami polytechnicien qui travaille au GIE (groupement d'intérêts économiques). Heureux de se retrouver, ils boivent un peu trop. L'ami en question, débridé par l'alcool, avoue qu'en réalité, la moitié de l'argent du contrat avec le Nigeria était revenue en France et en Allemagne.
Monsieur A. avait donc fini par tomber sur une belle affaire de rétrocommissions..."