L'IoT part à l'assaut de vos nuits

L'IoT part à l'assaut de vos nuits Le sommeil est un marché prometteur pour l'IoT. Les marques françaises prennent le temps de réaliser des études scientifiques, spécialisent leurs produits et travaillent leur positionnement prix.

Trois quarts des Français ont rencontré des troubles du sommeil pendant les confinements. Ces difficultés d'endormissement ont fait prendre conscience à un partie du grand public que la mesure des paramètres corporels au repos permet de détecter l'insomnie – qui touche 34% de la population françaises – mais aussi de suivre l'évolution de maladies chroniques ou de corréler la qualité de sommeil avec l'appétit et donc la prise de poids notamment. Or, faire des tests médicaux nécessite une nuit à l'hôpital en étant bardé d'électrodes, "une technique qui perturbe de fait le sommeil", souligne Pierre Escourrou, cardiologue et membre du Laboratoire sur l'apnée du sommeil à l'hôpital Antoine-Béclère à Paris. L'IoT, par ses objets connectés sans fil et non intrusifs, a donc une carte à jouer. "D'autant que la qualité de sommeil varie d'une nuit à l'autre. Les objets connectés assurent un suivi de long-terme", ajoute le médecin.

Cela fait une dizaine d'années que les acteurs en sont conscients mais peinent à s'imposer, les objets connectés grand public étant encore perçus comme des gadgets. "Cela ne va pas durer car lorsque l'on prouve la pertinence de la donnée dans le parcours de soin, les objets connectés sont très appréciés par les patients. Dans mon cas, le capteur de sommeil a changé ma vie : connaître sur le long-terme ma fréquence cardiaque la nuit me permet de savoir, quand j'ai des journées chargées et que je constate une hausse, que je dois me reposer. Cela m'a évité des séjours à l'hôpital", affirme Antoine Bertrand, atteint de mucoviscidose et président cofondateur de la start-up française Pheal. L'objectif de cette dernière : améliorer la vie des patients atteints de maladies chroniques respiratoires par le suivi de leurs signaux faibles.

Publier des études cliniques

Pour démontrer les opportunités des objets connectés dédiés au sommeil auprès du grand public, les marques françaises reconnaissant la nécessité de suivre des étapes bien précises. La première d'entre elles est de travailler avec des médecins et de réaliser des études cliniques. "Cela prend du temps mais avoir des publications est indispensable pour prouver la fiabilité des résultats", certifie Pierre Escourrou, qui collabore avec le fabricant français d'objets connectés de santé Withings et a participé à l'élaboration du capteur de sommeil Sleep Analyser commercialisé depuis mars 2022. "Nous avons mené une expérimentation pendant un mois avec un patient. Les résultats des objets connectés se sont révélés identiques aux appareils médicaux", poursuit-il. De leur côté, les entreprises Terraillon et Pheal réalisent également une étude clinique démontrant l'efficacité de leur solution dans le suivi de l'insomnie pour l'un et le traitement de la mucoviscidose pour l'autre.

Spécialiser ses produits

Les marques positionnent par ailleurs leurs produits sur des savoir-faire précis afin d'apporter un bénéficie d'usage. Si Withings mesure par ses objets les paramètres corporels durant le sommeil – fréquence cardiaque, respiration – Terraillon se focalise sur la luminothérapie afin d'aider à l'endormissement. "La lumière rouge favorise l'endormissement, c'est avéré depuis des années", souligne Didier Bollé, PDG de Terraillon. L'entreprise propose dans son application des conseils prodigués par des médecins, mais vise la grande distribution pour toucher les consommateurs.

Une société ne peut pas couvrir tous les besoins, "elle doit donc déterminer sa valeur ajoutée et prôner des partenariats avec l'écosystème pour les autres éléments de sa solution", estime Antoine Bertrand chez Pheal, qui intègre ainsi dans sa solution la balance et la montre connectées de Withings pour se concentrer sur le dialogue entre le patient et l'équipe soignante. "Il faut que la solution s'intègre parfaitement dans le parcours de soin du patient et réponde à ses besoins, sinon elle ne sera jamais adoptée", ajoute-t-il.

Garder un prix accessible

Dernier critère clé : le prix. Pour le docteur Pierre Escourrou, quand les capteurs seront remboursés et donc accessibles au plus grand nombre, les objets connectés "révolutionneront la prise en charge des patients". Car si certains médecins peuvent recommander des objets connectés dans le suivi d'une pathologie, ceux-ci ne sont pas encore remboursés par la Sécurité sociale. Le remboursement de la télésurveillance médicale devait entrer en vigueur le 1er juillet mais a été décalé sans qu'un calendrier ne soit fixé. "Le problème, c'est que l'Etat n'est pas prêt à rembourser les objets connectés de santé. Il faut donc se positionner sur le bien-être avec des produits peu chers accessibles au marché de masse", assure Didier Bollé, PDG de Terraillon, pour qui la démocratisation passera par des prix des objets connectés inférieurs à 100 euros.

Pour les acteurs interrogés, s'il n'y a pas encore beaucoup d'objets connectés validés scientifiquement, les perspectives pour l'IoT sont énormes dans le secteur du sommeil. L'insomnie toucherait d'après des études un tiers des adultes dans le monde, souligne Withings. D'autant que la législation favorise l'industrie : "La création de l'Espace numérique de santé par l'Etat oblige les entreprises à ouvrir leurs données, ce qui va nous permettre d'offrir de nouveaux services basés sur celles-ci", se réjouit Antoine Bertrand. Pour sa part, Terraillon vise des marchés à grande échelle et à l'international. "Quand nous avons présenté notre réveil lumineux d'aide au sommeil Aloha, nous en avons commercialisé des dizaines de milliers en quelques mois", se réjouit Didier Bollé, son PDG, qui prévoit réaliser dans les dix années à venir la majorité de son chiffre d'affaires dans le sommeil. Des chiffres qui laissent… rêveur.