"Je travaille dans une maison de fous", les meilleurs extraits Chez moutons de panurge et Cie

« Vous êtes-vous déjà demandé quelle impulsion il fallait pour que votre entreprise engage une nouvelle stratégie promotionnelle, cible une nouvelle clientèle, ose se diversifier à l'international ou simplement achète une nouvelle machine ?

ce n'est pas parce qu'une idée est bonne qu'elle sera retenue.
Ce n'est pas parce qu'une idée est bonne qu'elle sera retenue. © olly - Fotolia.com

Vous croyez que ce sont les collaborateurs de l'entreprise qui introduisent ces nouveautés ? Allons donc ! L'histoire d'Olivier T., 28 ans, employé de bureau dans une entreprise de transport, est à ce titre exemplaire. Alors que la crise ralentissait les affaires, il eut une idée : "Pourquoi ne pas louer nos camions à des particuliers quand nous n'avons pas de transports ? proposa-t-il à son patron. Ils rapporteraient de l'argent au lieu de rester inutilisés dans la cour.

– Nous sommes une entreprise de transport, aboya le patron en retour, pas un loueur de bagnoles ! Souvenez-vous-en !"

Vexé, Olivier T. battit en retraite en se jurant de ne plus jamais importuner son patron avec des idées saugrenues. Et l'affaire en resta là. Temporairement.

Quelques mois plus tard, elle ressurgit, il est vrai en prenant un tour inattendu. Le transporteur concurrent local, qui connaissait lui aussi un passage à vide, proposa ses camions à la location. Les conditions étaient plus avantageuses que celles d'un loueur traditionnel et la procédure simplifiée au maximum.

On vit bientôt les camions du concurrent, qui jusque-là prenaient directement le chemin de l'autoroute, sillonner les rues de la petite ville. Pour un déménagement, pour transporter un bateau au chantier naval, ou bien un novice qui venait juste d'obtenir son permis poids lourds voulait se faire un peu la main. L'affaire marchait du tonnerre.

Olivier T. ne tarda pas à être convoqué dans le bureau du patron. Le directeur voulait-il s'excuser d'avoir si grossièrement rejeté son idée et reconnaître qu'il s'était trompé ? Aucunement. "Il y a de drôles de hasards, attaqua-t-il. Vous me proposez de louer nos camions et voilà que quelques semaines plus tard nos concurrents ont la même idée !

– Oui, c'est vraiment dommage qu'on n'ait pas été plus rapides qu'eux.

– Ce qui est dommage, c'est que vous soyez allé leur suggérer l'idée !"

Olivier T. crut qu'il avait mal entendu.

"Mais je n'ai jamais fait ça ! Je ne leur ai rien suggéré du tout !

– Alors comment expliquez-vous que l'idée surgisse justement maintenant et sous notre nez ?

– Notre concurrent a en ce moment aussi peu de missions que nous, et il cherche à gagner de l'argent. Voilà tout."

"On a toujours fait comme ça"

Un principe vaut dans toutes les maisons de fous : les salariés n'ont jamais de de bonnes idées, surtout quand ils se mêlent de bousculer les sacro-saintes habitudes. Le seul fait qu'une entreprise ne soit pas encore insolvable est considéré comme la preuve qu'elle va bien et qu'il n'y a rien à changer au modèle économique en vigueur.

"On a toujours fait comme ça" est le paravent derrière lequel se cachent des légions entières de managers. Comme s'il n'était pas indispensable qu'une entreprise évolue et se transforme pour s'adapter aux marchés et à son environnement. »