Les politiques RH des SSII à l'épreuve de la crise Didier Taupin (Keyrus) : "Les augmentations se feront sur la partie variable des salaires"

JDN Solutions. Dans quelle mesure la crise influe-t-elle votre politique RH ?

Didier Taupin. La crise remet bien évidemment en cause les stratégies de recrutements des SSII dont Keyrus fait partie. Alors que l'on était il n'y a pas si longtemps encore sur un marché en manque de ressources, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous nous recentrons sur un volant de recrutements réduits et privilégions les formations pour supporter les risques d'une visibilité réduite sur l'activité.

Lorsque l'on a une moindre visibilité sur ses marges de manœuvre, on passe d'une gestion stratégique des ressources humaines à une planification des plans de recrutement et des formations à une gestion tactique des ressources humaines. Cela influe directement sur les profils des personnes recrutées.

Pour ce qui nous concerne, nous privilégions les profils expérimentés et qualifiés qui seront immédiatement opérationnels sans besoin de formation complémentaire. Le recrutement de juniors a lui été significativement revu à la baisse, de plus de 50% depuis la rentrée de septembre dernier.

Qu'en est-il de l'évolution de votre taux de turnover ?

Notre taux de turnover qui était proche des 20% il n'y a pas si longtemps est passé en quelques mois sous la barre des 10%. En temps normal, il est proche des 12%.

"Notre politique RH actuelle n'est absolument pas positionnée sur de quelconques baisses de salaire"

La crise vous contraint-elle à réorienter votre politique salariale ?

Notre politique RH actuelle n'est absolument pas positionnée sur de quelconques baisses de salaires. Nous avons par ailleurs donné une instruction pour focaliser les augmentations sur la part variable des salaires qui peut représenter jusqu'à un quart du salaire total. Les augmentations restent donc possible pour certains collaborateurs, sur la part variable de leurs salaires.

Le fait de ne pas proposer d'augmentations sur la part fixe mais sur la part variable des salaires permet de se laisser une marge de manœuvre pour juguler les effets de la crise. Il ne faut pas oublier que dans nos métiers, les salaires représentent les trois-quarts de nos charges et que le fait de limiter les augmentations à un volant de 10% des parts variables des salaires versés représente un énorme amortisseur.

Quelle politique avez-vous adoptée sur le versement de bonus aux cadres dirigeants ?

Nous avons pris la décision au 31 décembre dernier de ne pas accorder de bonus à l'ensemble des cadres dirigeants. Cette décision s'inscrit dans un contexte de crise mais également par les performances financières médiocres réalisées, que nous avons expliquées. Il est normal dans ces conditions de ne pas décider d'accorder de bonus.

"A cause de la crise, on tombe dans des tactiques de redéploiement de ressources compliquées"

Pour 2009, on ne compte pas pour le moment verser non plus des bonus. En revanche, nous allons soutenir financièrement le middle management car il est important pour nous de les soutenir dans cette passe difficile. Or, on trouve dans ce milieu beaucoup de dirigeants qui s'attribuent seulement les succès et se défaussent des échecs.

Il faut reconnaitre le moment où le contexte commercial est incertain mais soutenir les collaborateurs qui font des efforts, même si leurs objectifs, dans ces conditions de crise, n'ont pas été atteint.

Quels leviers comptez-vous actionner pour rebondir ?

En période de crise, ce qui fragilise l'entreprise, c'est tout d'abord l'allongement du cycle de ventes. La seconde chose, c'est l'arrêt de projets, la difficulté à retrouver une nouvelle affectation pour un budget, et cela influence notre taux d'intercontrats.

Lorsque l'on est confronté à un arrêt brutal de l'activité, le dispositif bien huilé mis en place pour projet s'effrite. Le principal problème venant du fait qu'il est très difficile voire impossible de réallouer les ressources rendues disponibles pour d'autres missions. On tombe alors dans des tactiques de redéploiement de ressources compliquées consistant à les réaffecter pour des missions moins touchées par la crise mais ce n'est pas toujours possible car il n'est pas toujours possible d'élargir le périmètre d'un projet.

De même, on observe une pression sur les prix jamais vue jusqu'alors. On mise donc sur le dynamisme de la demande du secteur public pour traverser la seconde partie de 2009 qui devrait être plus compliquée que la première

Didier Taupin est directeur général délégué de Keyrus.