Affiliation : Amazon-il veut la part du lion ?

Récemment, Amazon a considérablement baissé ses commissions dédiées aux affiliés. Cela a un impact direct sur tout un écosystème lié aux sites dits de niche. Témoignages de toutes les parties prenantes à cet univers.

La nouvelle est tombée il y a quelques jours : Amazon a considérablement réduit les commissions dédiées aux affiliés, à savoir les sites revendant des produits disponibles dans les rayons virtuels du géant numérique.

Un véritable coup de massue dans l’écosystème web, et plus précisément, dans le monde du SEO (dont les acteurs sont friands de sites « nichés »). A ce jour, cette annonce ne concerne pas encore la France, mais ce n’est qu’une question de semaines.

Dans un contexte économique totalement incertain, et même si cette face du web est invisible pour le commun des mortels, l’affiliation nourrit bien des bouches : éditeurs de sites, rédacteurs, intégrateurs, graphistes, etc… Un récent exemple, que je ne citerai pas, avait déjà fait couler beaucoup d’encre Twitter-ienne quant à l’extrême dépendance de nombreux business envers un partenaire ou un algorithme.
 

Prenons le temps de faire le point et d’écouter les protagonistes de ce marché aussi particulier que passionnant.
 

Quelques rappels sur l’affiliation
 

Afin de niveler le degré de connaissance de chacun, et mieux appréhender les différents témoignages, quelques repères quant au joyeux monde de l’affiliation :
 

  • L’affilié est, l’immense partie du temps, un éditeur de site web. Il développe son site dans le but d’attirer un trafic qualifié et ainsi rediriger cette audience vers des marchands/partenaires.
  • L’affilié peut mettre en place un micro-site (1 à 5 pages), un site web « niché » (entre 5 et 30 pages de contenu) sur une thématique précise (ex: accessoires pour chats, aspirateurs, extracteur de jus, etc…) ou un site dédié à tout un écosystème (ex: les animaux de compagnie, l’univers de la maison, etc…).
  • Selon les cas, les sites peuvent prendre la forme d’un comparateur, d’un site uniquement informatif, d’un banc de test, etc…
  • Le principe est simple : cibler des mots-clés précis, créer un contenu de qualité (encore et toujours) et rentabiliser le trafic
  • En renvoyant le trafic vers divers marchands, l’affilié touche alors une commission sur les ventes générées pendant 30 jours (via les fameux Cookies)
  • Les commissions proposées par les annonceurs oscillent selon les « programmes » entre 2 et 12%

Amazon a choisi son camp
 

Au fil des années, tout un écosystème s’est créé autour des programmes d’affiliation des marchands cités plus haut.

Certains éditeurs possèdent même plusieurs centaines de sites. Jusqu’alors, le deal était gagnant-gagnant :
 

  • Je suis affilié : j’apporte un trafic à Amazon qui me rémunère via des commissions entre 2 et 12% (selon la niche, un site qui « tourne » peut générer entre 100 et 2000 euros par mois - une minorité peut atteindre entre 30 000 et 50 000 euros par mois)
  • Je suis un marchand : je profite du trafic qualifié pour multiplier mes canaux de ventes et je reverse lesdites commissions
     

Seulement voilà, pa-ta-tra, Amazon a décidé de décimer son programme d’affiliation en divisant les commissions par 2 (3% sur la majorité des programmes) ! Autrement dit, la rentabilité des sites n’est plus que partiellement au rendez-vous, voire nulle compte tenu des différents frais (contenu, popularisation du site, hébergement, visuels, plugins, etc…).

En pleine période d’incertitude due à ce (très) cher CoVid, la pilule a du mal à passer. 

Toutefois, le monde du web a des ressources grâce à la diversification des sources de revenus. Véritable serpent de mer, ce sujet revient éternellement : oui, comme dans tout, il faut varier ses sources et ses partenaires. CQFD.
 

Laissons la parole aux professionnels de l’affiliation
 

Le point de vue d’un revendeur de sites nichés : Réévaluation à la baisse des sites 100% Amazon

Kévin Jourdan - Gérant de la plateforme DOTmarket.eu dédiée à la revente de sites nichés
 

« Aux Etats-Unis, la baisse des commissions a engendré un mouvement de foule immédiat sur les plateformes d’achat + vente de sites.

Dès l’annonce, les plus grosses plateformes communiquaient sur le fait que tous les sites monétisés par le biais d’Amazon allaient être réévalués et que les achats étaient donc « suspendus » le temps de tout mettre à jour…

En France, il n’y a pas lieu de s’inquiéter à très court terme. Les entités US et EU sont séparées, et les stratégies marketing aussi. Couper les affiliés aux US sur un marché plus que mature est une approche, le faire sur des marchés en développement UE en est une autre. 

Maintenant cela ne veut pas dire qu’il faut faire l’autruche, et nous avons déjà prévu d’anticiper cela en réduisant sensiblement les valorisations de sites 100% dépendants à Amazon.
Même sans être appliquée ici, cette décision d’Amazon change donc la vision de pérennité que l’on peut avoir d’un site dont 100% des revenus proviennent d’un acteur, d’autant plus si celui-ci est Amazon…

Cela signifie qu’un site Amazon vaudra dans le futur moins qu’un site disposant de plusieurs sources de revenus, ou issu de programmes n’ayant pas « éveillé les doutes » sur sa pérennité long terme.

Il y a fort à parier que cette annonce provoque d’ailleurs une vague de vente des éditeurs francophones qui voudront vendre avant la baisse. Mais comme dit plus haut, tout ceci est désormais anticipé, et en tant que courtier, c’est notre mission de prendre en compte ces nouveaux signaux pour valoriser au mieux les sites internet. »

Le point de vue des éditeurs de sites nichés : Diversifier (ses sources de revenus) pour mieux régner

Maximilien Labadie - Pionnier dans l’édition de sites web nichés

« Ce que l'on peut en tirer en tant qu'éditeur de sites, c'est qu'il est primordial de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.

Il convient de diversifier ses sources de revenus en participant à plusieurs programmes d'affiliation. Amazon n'est pas le seul site e-commerce important et on dispose encore de belles alternatives en France : Cdiscount, La Fnac, La Redoute, Boulanger, Carrefour, Leroy Merlin, Rakuten, ManoMano... La liste est longue !

C'est d'ailleurs une excellente chose d'offrir plusieurs alternatives à ses visiteurs : plus ils ont de choix, meilleures sont les conversions. En créant des comparatifs de produits et de prix, on maximise ses chances de conversion et on s'assure qu'au moins un marchand dispose du produit en stock. »

Patrice Krysztofiak - Editeur de sites web depuis le Jurassique

« Ce n'est pas la première fois qu'Amazon USA réduit les commissions. Pour les vieux de la vieille, cela s'était déjà produit en 2008 quand Amazon avait racheté la célèbre plateforme de jeux en téléchargement « Reflexive Arcade », les commissions étaient alors passées de 35% à 5%!

Les affiliés de l'époque s'étaient alors tournés vers d'autres plateformes comme BigFishGames. Je pense qu'inévitablement Amazon va aussi réduire ses commissions en Europe. Si les e-commerçants français sont un tant soit peu intelligents, ce sera pour eux le moment d'augmenter leurs royalties, et de subtiliser des parts de marché au géant Américain.

En effet, les sites affiliés sont extrêmement demandeurs de solutions alternatives, et peuvent amener du trafic instantanément vers n'importe quel e-commerce qui joue la carte de la transparence sur ses commissions sur le long terme. Les affiliés ayant tendance à ne plus participer aux programmes qui sont activés 1 semaine sur 2.

Je pense aussi que les nouveaux plugins d'affiliations tels que All4Affiliates ou encore Winamaz seront de nouvelles portes d'entrées pour de nombreux commerces en ligne, affaire à suivre. En espérant vraiment que les régies d'affiliation appuient sur l'accélérateur pour payer rapidement leurs apporteurs d’affaires : Ce qui est et reste la grande force d’Amazon puisque les "payouts" sont réglés comme des horloges suisses...»

Le point de vue des comparateurs de prix : les alternatives existent en France et en Europe

Rodrigue Fenard - Créateur de All4Affiliates, une solution permettant de comparer plusieurs e-commerçants 

“L’impact de la baisse des commissions de la plateforme Amazon touche de plein fouet les éditeurs de sites. Nous constatons un effet immédiat sur nos clients à l’étranger qui voient leur rémunération baisser considérablement du jour au lendemain, et ce, dans un domaine qu’ils pensaient hors de danger (quand on connait la puissance d’Amazon).

Pour palier à cela, nous, avons pris soin de prévenir nos clients (Français et Européens) afin de proposer des alternatives, hors Amazon, à leurs visiteurs.

Cela ne fera pas de mal à notre économie de proposer des solutions plus localisées, voire même, des marchands plus petits avec de meilleures rémunérations. Il y a de fortes chances pour que tous les protagonistes hexagonaux (nous avons constaté que Boulanger vient d’emboîter le pas d’Amazon) ajustent leurs commissions à 2% maximum contre 6% habituellement. »

En somme, à l’heure où nous nous demandons à quoi ressemblera le « monde d’après », même dans le digital, l’heure serait à la rélocalisation (hexagonale et européenne) des forces. 

Le jeu des blocs géopolitiques prendrait donc toutes les dimensions…