French Tech : le rôle clé des juristes

Malgré ses 26 licornes, la France reste loin derrière les États-Unis. Les entreprises de la tech doivent continuer à se structurer pour maintenir le dynamisme du marché.

La France peut être fière de ses 26 licornes. Notre pays a pris 3 ans d’avance sur le calendrier initial et les levées de fonds ont battu des records en 2021. Nous pouvons nous féliciter de l’écosystème mis en place autour de la French Tech. Cependant, la France reste encore derrière le Royaume-Uni et l'Allemagne, et loin derrière les Etats-Unis. Les entreprises de la Tech doivent continuer à se structurer pour maintenir le dynamisme du marché. 

La French Tech doit renforcer son arsenal juridique pour continuer sa dynamique et favoriser l’émergence de décacornes capables de concurrencer les GAFAM. La fondatrice de la startup BIM a tiré comme enseignement de sa chute brutale qu’il fallait "se blinder sur la dimension légale". En effet, Deliveroo vient d’être sévèrement condamnée sur le statut des livreurs par le tribunal correctionnel de Paris à 375 000 euros d’amende et 12 mois de prison avec sursis pour ses ex-dirigeants. Cette décision risque de faire jurisprudence. La responsabilité des plateformes comme Abritel ou autres se pose. Quant à Deezer, l’entreprise est confrontée actuellement aux questions de réglementation du statut des éditeurs vs hébergeurs.

A la décharge des fondateurs de la tech, les enjeux juridiques ne sont pas enseignés dans les écoles de commerce ou d’ingénieurs. C’est pourtant un sujet de formation qui devrait être considéré, au même titre que les enjeux financiers, marketing et RH. La culture juridique est donc initialement assez faible dans les startups. C’est pourtant un enjeu clé. Il faut accompagner et encadrer la disruption en prenant des risques, tout en les mesurant et en les circonscrivant pour ne pas se mettre en danger.

Une prise de conscience indispensable des enjeux juridiques

Pour devenir rentables, les entreprises de la French Tech ont devant elles de nombreux défis à relever parmi lesquels la souveraineté financière et technologique, la cybersécurité, la deep tech, la RSE ou l’anticipation des enjeux réglementaires et concurrentiels. L’inflation législative touche de plein fouet les dirigeants d’entreprise, sur qui pèsent de nombreux risques pénaux inhérents à la fonction, notamment en matière de droit du travail, du RGPD, d’environnement ou de droit de la consommation. Le dernier exemple étant la Loi du 21 mars 2022 qui renforce la protection des lanceurs d'alerte, consacrée par la loi dite "Sapin 2" de 2016. En effet, plusieurs affaires ont démontré le combat difficile des lanceurs d'alerte dans la Tech.

Des enjeux juridiques essentiels

1/ Cartographier les risques, établir un plan d’actions pour les réduire, souscrire une couverture assurantielle et anticiper l’activation d’une cellule de crise lorsque le risque survient ;

2/ Établir et piloter un programme de conformité global allant au-delà des questions du RGPD ;

3/ Définir et mettre en place une stratégie d’affaires publiques pour anticiper les enjeux réglementaires et concurrentiels, auxquels il va falloir faire face en passant de startup à licorne, de challenger à leader.

Une place stratégique pour les juristes

Les enjeux juridiques ne sont pas les préoccupations premières des startups, qui embauchent un(e) juriste, plutôt junior car ce sont des profils bon marché sur lesquels elles estiment ne pas devoir trop investir. Ce juriste sera amené à constituer son équipe et devra assumer des responsabilités managériales auxquelles il n’a pas été préparé. La fonction juridique est vue comme un centre de coût, alors que les startups ont des besoins grandissants d’accompagnement pour se structurer. Celles qui ont le mieux réussi sont celles qui ont pris rapidement conscience de ces besoins.

Un « general counsel » avec de l’expérience, de bons réflexes, de l'agilité, de l’appétence pour la gestion des risques, des capacités managériales et un bon réseau, est la bonne ressource pour répondre à ces besoins, au sein d’un Comité de direction pour accompagner les dirigeants et actionnaires.

Ne négligeons pas le rôle stratégique de cette fonction créatrice de valeurs, appelée à gagner en importance et réellement force de proposition.