Stratégie cloud : attention aux chausse-trappes

C'est un changement que le secteur de l'informatique prédit depuis plus d'une décennie : la victoire des infrastructures et des services cloud. Plébiscité par les entreprises, et plus que jamais mis sur orbite par la crise économique et sanitaire, le marché du cloud continue de croître de 30% par an.

Ce trimestre encore, les dépenses mondiales dans les services de stockage et de traitement des données à distance ont établi un nouveau record, dépassant les 33 milliards d’euros (1). Une (r)évolution qui permet aux entreprises de gagner en agilité, mais également d'adapter leurs dépenses informatiques à l’évolution de leurs besoins. Compte tenu de l’accélération spectaculaire de l’économie numérique en 2020, le phénomène n’est pas près de s’arrêter car nous nous sommes habitués à ces nouveaux modèles de consommation, qu’il s’agisse des applications pour se faire livrer, regarder des films et des séries ou travailler depuis chez soi.  

Cependant, malgré cette lame de fond, seulement 38% des entreprises françaises ont accéléré leur migration dans le cloud (2). Un retard notamment dû, selon elles, à des freins en termes de sécurité, de prix, de compatibilité, d’évolutivité ou encore au manque d'offres multi-cloud. Dès lors, leur défi est d’avoir une vision du paysage numérique et applicatif sur les trois à cinq prochaines années pour prendre les décisions en conséquence. Face à la profusion des données et au fait que ces dernières seront amenées à résider à l’extérieur des datacenters traditionnels, quelle stratégies cloud doivent-elles adopter pour capter des parts de marché et tisser des liens solides avec leurs clients ?

Passer d’un modèle orienté cloud à un modèle orienté applications

Lorsque la crise est arrivée, après des années à l’envisager sans nécessairement prendre les mesures pour opérer ce changement, des entreprises de toutes tailles ont développé en quelques mois des plans concrets pour basculer dans le cloud. Par exemple, chez un grand groupe français de construction et de concessions, cette mutation vers le cloud s’est avérée décisive. Certains de ses établissements se situent dans des zones désertes et surveiller les sauvegardes ou vérifier les cambriolages pendant le premier confinement s’est avéré impossible. L’accélération de la migration de leurs fonds documentaires dans le cloud a pu pallier cette problématique. Cette évolution de comportement reflète le rôle central que joue le cloud en matière de création de nouveaux services et solutions – et donc dans la transformation rapide des entreprises et de leur capacité d’adaptation, quelle que soit la situation.

Attention toutefois, aux conséquences de la stratégie cloud retenue. Ce choix est loin d’être anodin et aura une influence directe sur la relation client et donc sur les performances des entreprises. Se hâter n’est dès lors pas de mise, car exécuter une application sur site dans son centre de données, ou recourir aux clouds en périphérie de réseau hautement distribués, ou aux clouds publics, est fort différent.

En se précipitant dans le cloud, les entreprises pourraient entraver le bon fonctionnement des applications stratégiques qui devront utiliser à l’avenir des données distribuées. Par exemple, une application performante aujourd’hui devra s’adapter au fil du temps, et l’environnement dans lequel elle est hébergée devra en faire de même. Déployées dans le cloud sans justification particulière, les applications pourraient avoir du mal à satisfaire ces exigences. Ainsi, l’adoption d’une approche orientée applications (app-first) plutôt qu’orientée cloud (cloud-first) devrait être privilégiée.

Adopter le cloud de façon fluide et efficace

Les DSI s’attendent à ce que le nombre de clouds (privés, publics et edge) qu’ils utilisent pour créer, gérer et exécuter leurs applications augmente de 53% au cours des trois prochaines années(3). Une prolifération qui n’est pas sans générer une nouvelle complexité. À ce titre, les entreprises doivent réfléchir à la façon dont elles peuvent utiliser des services cloud pour développer, moderniser et déployer des applications de façon aussi rapide et sécurisée que possible.

Par exemple, dans le secteur de la santé, un prestataire de services de santé publique est confronté à une variété de systèmes, de services et d'applications au service des patients et des employés. Certains services, telles que les applications de prise de rendez-vous ou les interfaces des plates-formes d'espace de travail numérique peuvent très bien se trouver dans un cloud public. En revanche, les données des patients ou l'interface qui contrôle et sécurise les capteurs générateurs de données, devront soit être sur site, soit au sein de dispositifs périphériques bénéficiant de niveaux de sécurité beaucoup plus élevés.

Dès lors, les entreprises ont tout intérêt à examiner chacune de leurs applications et dresser une feuille de route afin de choisir les bonnes applications et les héberger de manière évolutive. Ceci implique de fournir des applications de nouvelle génération au gré des besoins des métiers, d’avoir la flexibilité nécessaire pour les exécuter en datacenters, en périphérie de réseau ou dans n’importe quel cloud et de mener une transformation rapide tout en offrant résilience et sécurité, en dépit des évènements extérieurs qui peuvent advenir.

Le cloud ne s’imposera progressivement au sein des entreprises françaises que lorsqu’elles se focaliseront sur les environnements dont leurs applications ont besoin et exécuter leurs technologies rapidement, de manière transparente et en toute sécurité. C’est seulement à ce moment que le cloud leur sera devenu alors réellement indispensable et délivrera la valeur attendue.

1. Global cloud services market reaches US$41.8 billion in Q1 2021, Canalys, avril 2020

2. Cloud Adoption Statistics, MariaDB, juin 2020

3. Improving Customer Experience And Revenue Starts With The App Portfolio, étude de Forrester commissionnée par VMware, mars 2020