Perspectives sur l'empreinte carbone du cloud et des datacenters

En Europe, alors que 75% de l'activité informatique a lieu dans des datacenters, leur consommation électrique totale, en 2020, est estimée à 81 TWh soit 2,5 % de la consommation totale du continent.

Cette dépense énergétique est la cause principale des émissions de CO2 des datacenters. Alors que de plus en plus d’organisations migrent leurs applications et leurs services dans des clouds, publics ou privés, et que globalement l’activité informatique augmente, il serait facile de conclure que la consommation électrique des datacenters ne peut que croitre, entrainant irrémédiablement une augmentation proportionnelle des émissions de CO2. Pourtant, la réalité est plus complexe. Différents facteurs sont susceptibles d’entrainer une stabilisation et même une réduction de l’empreinte carbone des datacenters en Europe. Une approche coordonnée et unifiée de membres de l’Union européenne sur le sujet pourrait conduire à d’excellents résultats.

L’Europe développe les énergies renouvelables

En premier lieu, sous l’impulsion de différentes politiques nationales et continentales, la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique de nombreux pays augmente drastiquement alors que le recours aux centrales à charbon, le mode de production le plus intensivement producteur de carbone, diminue. À production équivalente, la quantité de CO2 émise par les réseaux nationaux de production électrique est réduite et par conséquent, indirectement, l’empreinte carbone des datacenters diminue.

Même si la consommation totale d'électricité en Europe augmente, on projette que les émissions nettes de CO2 correspondantes devraient proportionnellement diminuer dans les années à venir. Le Royaume-Uni prévoit une réduction de 43% au cours des deux prochaines décennies. L’Irlande projette 64%, l’Espagne 60% et l’Allemagne 56%.

Si la croissance de l’activité informatique européenne se maintient, elle pourrait représenter en 2040 un total de 115 TWh. Pourtant, même dans ce scénario, en prenant en compte les progrès de la part des énergies renouvelables, les émissions de CO2 seraient réduites de 19%.

La virtualisation progresse continuellement

L’utilisation de technologies de virtualisation permet de maintenir un niveau d’activité informatique donné tout en le concentrant et en le consolidant sur moins de matériel , réduisant par conséquent l’empreinte carbone de cette activité. Même si ce n’est pas nécessairement dans cette perspective qu’elles ont été inventées, elles sont aujourd’hui un vecteur fort de réduction de la consommation électrique des datacenters. 

À mesure que ces technologies progressent, les datacenters et donc les services cloud qu’ils délivrent deviennent plus efficaces d’un point de vue énergétique. En migrant leurs services informatiques sur des clouds modernes qui fonctionnent avec les toutes dernières technologies de virtualisation, ultimement, les organisations réduisent leur empreinte carbone.

Les projections les plus récentes établissent que l’intensité de l’activité des datacenters devrait augmenter de 250% d’ici à 2040.  Dans ce scénario, si les progrès des technologies de virtualisation sont consistants avec ceux observés ces dernières années, et que le secteur continue de consolider les services et d’augmenter la « densité » des datacenters, les émissions de carbone relatives pourraient diminuer de 19% malgré la hausse de l’activité.

D'ici 2040, si le taux de virtualisation des infrastructures continue de progresser au même rythme, les émissions liées à l’activité informatique européenne pourraient représenter entre 2 % et 5 % des émissions totales de la production électrique.  Ce chiffre est à comparer aux 12 % des émissions totales dans l’hypothèse d’un « progrès zéro » de la virtualisation ce qui équivaut à une 54 millions de tonnes métriques de CO2 par an d'ici 2040.

Les opérateurs de datacenters ont des incitations plus fortes

En transférant progressivement ne serait-ce que 14 % de l’activité informatique européenne depuis des pays où la production électrique est encore fortement émettrice de carbone (comme la Pologne, la Grèce, la Turquie et la Bulgarie) vers des pays où la production électrique est plus verte (comme la Norvège, la Suède et la Suisse), on pourrait espérer obtenir une diminution supplémentaire de 11 % des émissions cumulées liées à la consommation des datacenters, d’ici 2040. La consommation totale de l’activité des datacenters en Europe est suffisamment élevée pour que ce soit une suffisante pour ces pays où la pénétration des énergies renouvelables est encore faible, à développer des stratégies en la matière.

D’autres facteurs influent sur l’emplacement géographique des datacenters et notamment la sécurité des données, la recherche d’une faible latence pour les services qu’ils délivrent ou simplement des aspects logistiques. Cependant leur localisation est relativement souple et parfois le simple choix d’une zone où la production d’énergie renouvelable est excédentaire peut présenter un avantage pour les énergies renouvelables (en garantissant leur rentabilité) mais aussi en termes d’émissions carbone du datacenter.

Cette évolution pourrait se produire naturellement, étant donné que les opérateurs de datacenters seront de plus en plus incités à s'installer dans des zones à faible intensité d'émissions en raison de l'augmentation des taxes carbone et de la réduction des prix de l'électricité résultant d'une forte pénétration des énergies renouvelables dans certains pays.

Une véritable Union européenne sur le sujet

 Ces incitations sont parfois faussées par un ensemble de structures réglementaires, de taxes et d'exonérations fiscales très hétéroclites en Europe. Par exemple, dans les pays scandinaves, en Irlande, aux Pays-Bas et en France, les datacenters sont classés dans la catégorie industries "à forte intensité énergétique", ce qui leur permet de bénéficier de taxes et de prélèvements réduits dans le cadre de la taxe énergétique minimale de l'UE.

Ceci peut se traduire par un coût de l'énergie jusqu'à 73 % moins élevé.  Dans la mesure où les incitations réglementaires ou financières ne sont pas alignées sur l'impact environnemental, la solution optimale pour les opérateurs n’est pas toujours en faveur de l’environnement.

Une approche paneuropéenne des incitations à la réduction des émissions de carbone parait indispensable. Les mesures visant à promouvoir l'implantation des centres de données dans des lieux plus économes en énergie et l'utilisation de technologies permettant de gérer la consommation d'énergie des centres de données ne peuvent être efficaces et fructueuses que si elles sont prises au niveau européen.

La politique d'écologisation des marchés publics, que l'UE prévoit de mettre en œuvre prochainement dans le cadre de l'initiative "Greening ICT" (rendre l’informatique verte), peut contribuer à montrer la voie. Dans de nombreux pays, les réglementations relatives aux services cloud  intègrent déjà des exigences de contrôle des coûts, de flexibilité et de sécurité ; l'ajout d'exigences en matière de durabilité et d'émissions de carbone peut contribuer à une adoption plus large de la gestion des émissions de carbone en tant que facteur clé de la transformation numérique et de l'adoption du cloud hybride.