Repenser le modèle des prestataires de services managés (MSP)

C'est un euphémisme de dire que l'évolution des technologies entraine des changements dans nos usages quotidiens.

Pour les prestataires de l'IT, le modèle économique a radicalement changé en l'espace de quelques années du fait notamment de l’avènement des outils de RMM et l’évolution technologique des logiciels de gestion.

Le métier a évolué d’Infogéreur, qui était déjà l’évolution d’un métier plus ancien, à celui de fournisseur de services managés ou MSP.

MSP est plus qu’un acronyme à la mode

Par définition, l’automatisation des tâches est au cœur du modèle, le pilotage et la surveillance à distance des équipements (le RMM) ont remplacé l’intervention à la demande.

Et l’intervention physique, alors qu’elle était courante, est devenue le dernier recours. En d’autres termes, on supervise et on anticipe le plus possible ; on n’intervient le plus rarement possible et on se déplace lorsqu’on ne peut plus faire autrement.

A première vue, c’est une bonne nouvelle. Et ça l’est indiscutablement sur un plan opérationnel avec le pilotage, l’automatisation des tâches et dans la réduction des coûts de revient des prestations.

Le RMM permet de passer au modèle MSP qui induit des abonnements basés sur des contrats. Contrats d’abonnements qui assurent des revenus récurrents sur des indicateurs fiables et compréhensibles par le client. C’est ce qui manquait aux infogéreurs pour apporter de la sérénité, dégager des marges et valoriser leur entreprise.

L’opportunité en est donnée par le RMM. Mais il y a peut-être quelques pièges cachés dans le modèle MSP.

La dématérialisation de la relation client

Avec les outils de gestion, la relation entre client et fournisseur est donc par essence dématérialisée. Depuis la période de confinement liée au COVID, le phénomène s’est accentué, notamment parce que les clients ont pratiqué eux-mêmes et massivement le télétravail. On peut dire que pour l’IT aujourd’hui ces nouveaux usages sont ancrés dans la relation client/fournisseur.

Mais ce n’est pas que la forme qui est concerné (l’opérationnel), ça touche aussi le fond et c’est tout sauf anodin.

Je m’explique.

Les intégrateurs IT ont tellement convaincu leur client que l’on fait tout à distance, qu’on a tué l’argument de la proximité, ce qui était précisément un atout, surtout des petites structures !

Autrement-dit, une des forces de nos clients (les prestataires de l’IT), c’est la connaissance du terrain. Si le client final pense que désormais la prestation est « dématérialisée » qu’est-ce qui l’empêche de travailler avec un prestataire de n’importe-où dans l’hexagone…voire du bout du monde ?

La distance géographique était certes une contrainte mais c’était un atout des sociétés de service informatique de proximité. Supprimer la contrainte est un gain mais qui se retourne contre ceux qui en faisait un argument. C’est un paradoxe, non ?

De la standardisation du modèle vers l’uniformité d’un métier ?

De mon point de vue, le risque du modèle MSP ne se limite pas à la perte de proximité avec ses clients.

Je vois aussi un problème dans la standardisation des offres qui est poussée par les éditeurs de logiciels RMM dans un mode « rouleau compresseur » par certains éditeurs.

Ce ne sont pas les intégrateurs qui ont inventé le modèle mais les éditeurs de ces outils. Or ceux-ci ont un objectif de placement de licences (par abonnement) qui n’est pas nécessairement convergent avec l’intérêt des prestataires IT.

En effet, le contenu marketing très fort du modèle MSP, peut prendre le pas dans une relation avec son client sur les spécificités propres du prestataire. Le risque précisément est que, si le prestataire s’identifie au modèle MSP, il devient également interchangeable.

On risque de vendre une solution technologique de RMM plus que l’on ne vend ses compétences propres. Ce n’était pas le cas avant.

A court et moyen terme, ce n’est pas problématique. La rentabilité du modèle MSP est avérée et les premiers à se convertir vont gagner sur l’opérationnel. Mais si, dans quelques années, tout le monde « fait » du MSP, ce qui semble inéluctable, les clients pourraient reprendre la main sur la négociation.

Les clients auront pris l’habitude d’acheter un service packagé et uniforme, plus facile à négocier parce que plus facile à comparer ; la pression sera mise sur les prix et la rentabilité sera dégradée.

On reviendra alors au point de départ ?

Pas tout à fait parce qu’entre-temps l’offre sera standardisée. La différenciation, source de valeur ajoutée sera difficile à mettre en avant parce qu’elle s’écartera du modèle dominant.  

Les intégrateurs pourront-ils alors retourner la pression vers les éditeurs RMM pour négocier leurs abonnements ? En théorie oui, mais en pratique les coûts du changement seront un frein puissant au changement de RMM. De plus, le rapport de force entre éditeurs et intégrateurs est déséquilibré. La (re)négociation parait difficile.

La question du service illimité : a-t-on supprimé le temps avec le RMM ?

J’entends ou je lis souvent qu’un MSP devrait prioritairement proposer un service illimité. Ça irait de soi avec le modèle parce qu’on ne vend plus du temps mais du service !

Bon, mais y-a-t-il un rapport de causalité entre le modèle MSP et un service illimité ?

L’argument pour le service illimité part du raisonnement que, du fait qu’on ne facture plus du temps de prestation mais de l’abonnement à un service, on ôte de facto le facteur temps de l’équation.

On supprimerait donc le temps en le traduisant en … illimité ?

Mais qu’est-ce qui peut être illimité dans un contrat de service ? C’est extrêmement risqué ! A mon sens, c’est aller trop loin. En outre, est-ce vraiment la demande initiale des clients ?

Là encore, les outils sont trop mis en avant, considérant que ce sont eux qui « font le job ». Le temps serait devenu quantité négligeable parce qu’on a automatisé les processus ?

Si on associe RMM à l’offre ne réduit-on pas le MSP à ses outils ?

A mon avis, c’est une erreur, un peu pour les mêmes raisons que pour la standardisation de l’offre.

Je pense qu’il ne faut pas confondre les outils que l’on utilise et la compétence du technicien qui reste la valeur ajoutée par excellence, quel que soit par ailleurs le temps réel consacré.

Or, c’est le technicien derrière l’écran qui fait la différence. Un bon reste un bon, l’inverse est vrai aussi.

On paiera toujours un technicien en salaire. Le salaire, c’est de la compétence rapportée à du temps de travail. Le temps de travail n’est pas illimité...

Illimité un jour, illimité toujours.

Dernier point : si on vend un service illimité, comment faire pour retourner en arrière et revendre du temps de prestations à ses clients ?

Comment éviter les pièges ?

A mon avis, c’est dans la construction de l’offre de services (les contrats) qu’il faut se différencier.

Par exemple, pourquoi pas mettre en place un tarif indexé sur le nombre d’équipements supervisés mais pour lequel on soustrait certaines couvertures de services. Les pannes par exemple qui seraient prises en charge par des prestations supplémentaires à l’acte. Prestations qui seraient vendues au ticket prépayé comme cela se pratiquait couramment il y a 10 ans. La logique est simple : l’abonnement paye le RMM, les tickets payent les imprévus mais seulement s’ils adviennent.

L’un n’empêche pas l’autre.

Si on conserve ce qui faisait la valeur ajoutée du modèle d’avant auquel on ajoute le contrat d’abonnement lié au nombre d’équipements supervisés n’obtient-on pas le meilleur des deux mondes ?

En outre, les prestataires IT doivent garder de la proximité en instaurant des visites préventives ou des jours de régie… on peut  imaginer d’autres modèles mais il faut conserver le lien physique avec le client et l’utilisateur. Qu’il continue d’associer des compétences à une société, à des personnes qui ne sont pas interchangeables.

L’humain doit rester au centre. C’est un débat qui va au-delà de l’IT, c’est presque un modèle de société et une question philosophique.

Alors bien sûr, pour mettre au point sa propre politique d’offres de contrats associée aux services, il faut que le système de gestion ERP (PSA/CRM) le gère. Que l’ERP automatise la facturation, organise l’opérationnel, surveille la rentabilité, gère le ticketing et organise les plannings etc. et qu’évidemment ce système soit interfacé avec les outils de RMM du marché.

C’est là qu’interviennent les éditeurs de logiciels de gestion, comme ARTIS…