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Expert
 
01/12/2004

Par Denis Failly
Et si vous mettiez du HtoH dans votre BtoC ?

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Tout chargé d'études souhaiterait pouvoir effectuer une mesure réelle et permanente, de ce qu'est le client à l'instant "t" dans toutes ses dimensions intéressant le marketing (comportements, attitudes, opinions, relations, réseaux…). Faute de pouvoir le faire, nous sommes obligés de le figer dans l'instant de la mesure, avec la simplification et la réduction que cela impose.

Chaque individu est porteur à un moment donné "t" d'un spectre identitaire et comportementale constitué par :
son profil socio-démographique.
ses attitudes, opinions, motivations et perceptions relatives aux marques, aux entreprises, aux produits, aux services, etc.
ses comportements d'achat, de ré-achat, de fidélité, d'infidélité.
ses moments de vie et ses contextes de consommation.

Ce spectre est naturellement très mouvant, même si le profil classique, à savoir, socio-démographique, est relativement statique à moyen et long terme. Tout ce qui relève des données de la perception (vécu, imaginaire client…), et donc du rendu de cette perception, est en revanche très instable et changeant parfois à très court terme.

Par analogie avec l'espace quantique, l'individu se retrouverait donc dans un espace flou et probabiliste, sorte de plasma, appréhendable sur certaines singularités à un certain moment (les données classiques à l'instant de la mesure du chargé d'études) mais insaisissable dans sa totalité.

La masse manquante du client
Le client complexe, multi-dimensionnel, pose le problème du caractère insaissisable de ses comportements individuels, par nature volatils et instables du fait :
du caractère parfois simultané, superposé des comportements selon une logique du "ET" par opposition au "OU" binaire.
d'une tendance au paradoxe dont s'accommode très bien notre sujet et que l'on peut trouver par exemple dans les différences constatées entre le déclaratif (dans une enquête, un questionnaire auto-administré) et le "constaté" (actions réelles).

Ainsi, à l'instar d'une particule atomique qui change de niveau d'énergie, le consommateur saute donc d'un espace à un autre (espace de choix, d'offres, d'attitudes, de transactions, de fréquentations, d'achats...). Ces sauts s'expriment notamment par des comportements d'abandon, d'infidélité, de zapping, qu'essaient justement d'endiguer les acteurs marketing.

Vers un marketing post moderne
Qu'il soit expérientiel, viral, street ou autre, nous sentons bien qu'un marketing alternatif émerge depuis quelques années pour changer la donne sur la manière d'approcher le consommateur. Cette évolution n'est certainement pas un hasard. Nous savons bien que le pilotage d'une relation client qui serait par trop pré-définie, formatée, encapsulée dans un quantitativisme confortable, est réducteur.

La connaissance client ne s'enferme pas dans la grille mutilante des équations. Courir derrière le client avec les mêmes recettes qu'hier est de plus en plus vain. A un consommateur post moderne devra donc bien répondre un marketing post moderne. Les stratégies, les outils, les méthodes, voire les concepts, qui émergeront devront s'alimenter d'une culture de la complexité délaissant les pratiques linéaires, binaires, cartésiennes, déterministes, analytiques, cloisonnantes qui nous ont forgé par habitude, réflexe, éducation voire ignorance.

Relativiser les modèles
Le statut "quantique" de l'entité individu-client, l'évolution chaotique de ses comportements et de ses perceptions qui nous révèlent sa réalité subjective, posent questions sur la valeur "d'avant-vente" des données et de la connaissance client. On peut souligner à cet égard :
le caractère très contextuel, subjectif de certaines données (évènements et faits générateurs de la donnée).
la dépendance entre variables et évènements dans le monde réel, par opposition à certains principes statistiques et probabilistes (postulat d'indépendance).
le déterminisme de certains modèles statistiques dont la fixation des règles fait forcément l'objet d'un parti pris.
l'interrogation sur la justesse, la volatilité, la durée de vie de la donnée.

On peut donc s'interroger sur la pertinence, si ce n'est le caractère très relatif de certaines pratiques et applications. Dans ce contexte, la base de données idéale serait multi-temporelle, multivue et se structurerait selon :
le temps long des études lourdes (6 mois un an).
le temps médian de la gestion de la base (heures, jours, semaines).
le temps court, voire très court, du réel observable mais matériellement inobservable ("le vif du sujet").

Gestion de la relation client
Quant au CRM, il peut sembler étonnant lorsque l'on consulte certains ouvrages, lorsque l'on assiste à certaines conférences, voire même aux rares formations (formations initiales) existantes, d'entendre les mêmes discours stéréotypés, très formatés, uniformes sur cette outil et, de notre point de vue, dénués de toute approche qualitative, affective, humanisante, distanciée.

En réalité enseignants ou experts nous parlent plus souvent de la gestion de la donnée client que de la relation client. Et quand bien même la composante relation est abordée, elle relève bien souvent des outils et des technologies. Hors la multi-dimensionnalité du client évoquée plus haut se perçoit, se conçoit, dans un rapport véritablement bilatéral, "affectio personae", empathique entre l'entreprise et son client.

En savoir +

La substance d'une relation se définie aussi par son contenu, un supplément d'âme derrière lequel doit savoir s'effacer le "média". En quête de sens, à la vérité que révèle le client doit correspondre la vérité de celui qui le sollicite. Savoir-faire et savoir-être doivent pouvoir se conjuguer dans une subtile alchimie non pas pour vendre ou collecter toujours plus des données, mais pour vendre ou nourrir sa connaissance client toujours mieux et juste. Revenir aux fondamentaux en faisant du BtoC par du HtoH (human to human) n'est pas une régression en soi.

Parcours

Denis Failly est, depuis deux ans, un consultant indépendant spécialisé dans le marketing, les études et la veille. De 1998 à 2002, Denis Failly était responsable études et bases de données chez Caramail/Lycos. Auparavant il a été consultant chez Tableau de Bord, chargé d'études planning stratégique chez PBE Consulting et chef de publicité chez Oror. Denis Failly a 37 ans.

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